lundi 17 février 2014

Toyota rappelle deux millions de voitures

Vous avez certainement lu ou entendu cette récente annonce et peut-être remarqué qu'elle était généralement assortie de termes comme « nouvelle tuile » ou « nouveau coup dur pour le constructeur nippon ». Et c'est vrai que rappeler des véhicules au garage en vue de remédier à une possible défaillance, ça peut a priori être classé parmi les points négatifs en terme d'image de marque.

Souvenez-vous, c'était en 2009 : quelques accidents s'étaient produits impliquant des véhicules de la marque et entraînant la mort de plusieurs personnes. Apparemment, certains modèles avaient une fâcheuse tendance à accélérer tout seuls, et Toyota avait dû rappeler quelque huit millions de voitures. Monsieur Toyoda, grand patron de l'entreprise, avait même présenté publiquement ses plus humbles excuses et fait procéder à un dédommagement financier des familles des victimes des accidents.

Les faits s'étaient produits aux États-Unis d'Amérique, cette grande nation très portée vers les procès en tous genres en raison du mode de fonctionnement de son système judiciaire qui permet aux avocats de calculer leurs honoraires en pourcentage des sommes qu'ils se font forts de faire obtenir par leurs clients ; et ce à une époque où leurs constructeurs nationaux n'en menaient pas large et venaient de se faire chiper la place de leaders mondiaux par... Toyota, justement.

Coup dur, donc, pour le numéro un de l'époque, qui avait vu sa cote de popularité chuter assez fortement... mais très provisoirement, en réalité. Oui, très provisoirement.

Car depuis, les affaires ont repris, plus florissantes que jamais, l'entreprise annonçant pour l'exercice 2013 qui se clôturera très bientôt des bénéfices en hausse de plus de cinquante pour cent. Alors, difficile d'encore parler de coup dur, d'autant plus que le constructeur, bien qu'ayant dédommagé les familles des victimes, a été « blanchi » par les résultats des enquêtes et expertises menées à la suite de ces accidents, tous dus à des erreurs de conduite plutôt qu'à des défaillances mécaniques.

Et voici qu'en ce début d'année 2014, Toyota doit à nouveau rappeler plusieurs millions de ses véhicules. Nouvelle tuile, vraiment ?

Avant d'espérer voir Monsieur Toyoda se faire seppuku pour tenter d'échapper à la honte et au déshonneur qui le menacent, faisons le point de la situation, afin d'estimer si elle est aussi grave qu'il y paraît de prime abord.

Le rappel concerne le modèle « hybride » (essence-électricité) Prius, un engin hi-tech devenu le symbole de la réussite commerciale de ce type de motorisation et un des meilleurs porte-drapeau de la marque dans les domaines écologique et économique.

Dans son communiqué, Toyota précise que « dans le pire des cas, la voiture peut s'arrêter pendant la conduite ». En cause, un possible problème de gestion du système hybride. Rien de bien grave ni de dangereux, juste un « bug » à corriger au moyen d'une mise à jour du logiciel embarqué. D'ailleurs, aucun accident n'a été à ce jour imputé à l'hypothétique défaillance.

Alors, vraiment utile, ce rappel ? Et est-il nécessaire d'en faire tout un fromage ?

Il faut que je vous explique que ce genre de rappel, pour coûteux qu'il soit à organiser, est devenu monnaie courante chez les constructeurs automobiles. Avant, on essayait d'étouffer l'affaire, de rester discret, mais aujourd'hui, ce n'est plus possible : les télécommunications ne permettent plus à ce genre d'incident de rester secret. Alors, plutôt que de se perdre en tentatives d'explications a posteriori, autant prendre les devants et annoncer publiquement le rappel des véhicules, tout en précisant bien que c'est pour le bien des propriétaires et que ça ne leur coûtera rien. Juste une petite visite de moins d'une heure chez le concessionnaire, le temps de déposer la voiture, de faire le tour du show-room, de discuter des nouveaux modèles avec le vendeur – très sympathique au demeurant, et de se dire que la marque, « c'est du sérieux ». Tant que c'est gratuit, il n'y a pas de problème.

Mais pour le constructeur, quel avantage y a-t-il à organiser cette coûteuse opération ?

Prenons l'exemple de Toyota avec sa Prius. Outre le fait de remédier à cette peu probable défaillance avant même qu'un véritable incident se produise (rappelons qu'aucun n'a encore été rapporté), le réseau va voir revenir au garage des milliers de voitures dans un laps de temps relativement réduit. Une bonne occasion de brancher l'ordinateur sur la prise adéquate pour mettre à jour le logiciel embarqué... mais aussi pour recueillir un paquet d'informations de première main qu'il serait difficile – et coûteux – de rassembler en envoyant, par exemple, un questionnaire à compléter par chaque propriétaire, avec des résultats sans doute peu significatifs. Qui donc prendrait la peine de répondre ?

Le rappel, par contre, sera suivi d'effets, on peut en être convaincus. Pourquoi les propriétaires feraient-ils la sourde oreille ? Parce que ce n'est ni grave ni dangereux ? Parce qu'ils s'en fichent ? Parce qu'ils n'ont pas envie de se déranger ?

Ils iront parce que le constructeur leur affirme qu'il est possible qu'ils restent en rade sur le bord de la route, chose qui se produit toujours au mauvais moment. C'est toujours un mauvais moment, quand on tombe en panne. Et l'intervention est gratuite et prend peu de temps.

Tous les grands constructeurs l'ont bien compris, et Toyota en tête : au décompte final, un rappel comme celui-là de temps en temps ne nuit pas à l'image de marque. Au contraire : c'est un gage de sérieux. Et l'assurance d'en tirer bénéfice.

La prochaine fois que vous lirez un titre où l'on parle de « coup dur » parce qu'un constructeur rappelle des véhicules, prenez l'info avec les réserves d'usage. Tant qu'il n'y a pas mort d'Homme, c'est vraisemblablement une manœuvre commerciale mûrement réfléchie.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire