mardi 4 mars 2014

La pub sur le maillot

Dimanche dernier, alors que je transpirais en pédalant sur une de nos petites routes nationales encore en bon état – je sais, il faut chercher –, plusieurs cyclistes m'ont rattrapé et dépassé. Cela n'a rien d'exceptionnel, car généralement les autres adeptes de la petite reine que je rencontre au hasard de mes sorties matinales vont soit plus vite que moi et me doublent, soit viennent en sens inverse. Dans ce dernier cas de figure, il m'arrive parfois d'être plus rapide qu'eux pour autant que ça descende bien dans la direction que j'emprunte.

Mais, comme je le dis souvent en puisant sans honte dans le panier des excuses faites pour s'en servir, je ne fais pas de compète, je roule pour le plaisir, l'important c'est d'arriver au bout de mon parcours, etc.

Et puis, si c'est pour cultiver la mauvaise foi, je vais vous dire un truc : quand je dépasse un autre cycliste, c'est que je suis plus fort que lui ; et quand c'est lui qui me dépasse, c'est parce que son vélo est meilleur que le mien.

De manière plus réaliste, simplement, celui qui rattrape l'autre, c'est parce qu'il roule plus vite. À cet endroit-là et à ce moment-là. Parce qu'enfin, que savons-nous du quidam que nous rencontrons sur la route au hasard de nos randonnées cyclistes ? S'il n'avance pas, c'est peut-être parce qu'il a déjà fait cent kilomètres et doit encore en parcourir autant ; ou parce qu'il reprend le vélo après une longue interruption pour cause de santé ; ou parce qu'il vient juste de démarrer et en est encore à l'échauffement... Et s'il file comme le vent, c'est peut-être parce qu'il est bien échauffé, parce que c'est un compétiteur, parce qu'il est dopé, parce qu'il fait juste un sprint pour épater la galerie...

Après tout, peu importe ! Si je vous entretiens des joies du cyclisme, c'est parce que je me pose des questions au sujet de la tenue vestimentaire d'un grand nombre d'adeptes. Je ne sais pas si le fait de porter un maillot bariolé aux couleurs d'une enseigne commerciale peut aider à rouler mieux, plus vite ou plus sainement ; ou si ça peut seulement servir à se donner l'air d'un compétiteur professionnel ; mais je constate que le port de maillots et de cuissards bardés de publicité est plutôt la règle que l'exception lorsqu'il s'agit de rouler sur un vélo « de sport ».

Vous me direz sans doute que sur un engin comme celui-là une tenue adéquate s'impose, et je ne vous contredirai pas. Dès qu'il s'agit de rouler plus de quelques minutes pour aller chercher le pain, la bicyclette routière ou tout-terrain prend le pas sur le city bike et le cuissard moulant renvoie au placard le duffel-coat et les pinces à vélo.

De là à choisir une tenue bariolée à décoration publicitaire, il y a une marge que beaucoup n'hésitent pas à franchir. Convaincu qu'un maillot et un cuissard unis et sobres font aussi bien l'affaire, je m'interroge : les ensembles décorés coûteraient-ils moins cher ? Ce ne serait que logique, le quidam faisant aimablement la pub pour une marque devrait soit recevoir les vêtements gratuitement, soit les obtenir à prix réduit. Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Ce serait même plutôt l'inverse, me souffle mon petit doigt – qui ne manque pas d'air.

Évidemment, si un type dans mon genre se baladait avec un maillot pareil à celui de Chris Froome, ça provoquerait sans doute un effet comique. Honnêtement, je ne mérite pas d'hériter gracieusement d'une tenue de champion, compte tenu de mes performances, ce serait déshonorant pour la firme qui la décore de son nom. D'ailleurs, je ne le fais pas. J'aurais honte. Et puis, je préfère la discrétion.

Mais est-ce que tous ceux qui portent ces ensembles colorés – et les promènent sur leurs vélos tout aussi colorés et ornés de lettrages qu'un myope ne peut louper même s'il a oublié ses bésicles sur la table de la salle à manger – sont plus à même que moi de faire honneur aux champions qui les ont rendus célèbres ?

Jettent-ils leurs bidons vides et leurs emballages de barres énergétiques sur le bas-côté ? Crachent-ils sur l'asphalte ou y soufflent-ils leur morve en se bouchant une narine puis l'autre ? Parviennent-ils à faire pipi en roulant et sans s'asperger la chaussette ou le dérailleur ?

Sportivement parlant et même s'ils roulent plus vite que moi, font-ils pour autant péter le chrono dans la traditionnelle montée de quinze cents mètres à six pour cent de moyenne qu'on trouve facilement un peu partout, même dans le plat pays qui est le mien ?

En tout cas, moi, la pub, je n'aime pas ça. Généralement, elle est mal faite. En plus de nous gâcher le paysage, elle nous gâche les soirées télé et les meilleures émissions de radio.

Alors, à vélo, tenue anonyme. D'autant plus que le maillot d'Eddy Merckx m'irait comme un coup de poing dans l'œil et ne ferait pas avancer ma bécane une seconde plus vite au kilomètre.

1 commentaire:

  1. Ha ha !
    Oui... c'est ben vrai, tout ça.

    Mais que veux-tu... Y en a bien qui se promènent dans la rue avec des beaux tee-shirts de Zlatan...


    Après, peut-être qu'on les oblige... Peut-être qu'on leur prête le vélo à condition qu'ils promènent leur grosse pub bien dégueu de je ne sais quelle assurance à la con...


    Du coup, quand ils te doublent, tu fais un gros écart pour le pousser dans le fossé ?

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