mercredi 25 juin 2014

La crise politique belge pour les cancres (6)

Alors que l'actualité fourmille de nouvelles diverses en provenance de nos comparses de l'UE, je vais à nouveau vous entretenir de la crise politique belge.

« Quelle crise ? » s'étonneront certains, à juste titre puisqu'on n'en est pas encore là, mais qui sait ? Peut-être en prenons-nous le chemin...

Souvenons-nous qu'à l'issue des élections législatives de 2010, la Belgique était restée quelque cinq cent quarante jours sans gouvernement de plein exercice, phénomène dont je vous ai abondamment entretenu à l'époque. Bien sûr, nous ne manquions pas de gouvernements, puisque les quatre régions avaient le leur, pleinement fonctionnel, et que leur homologue fédéral était toujours présent, mais « en affaires courantes », selon la formule officielle.

C'est encore le cas maintenant, bien que nous n'en soyons pas encore à cinq cents jours mais à un bon mois, mais contrairement à la situation de 2010-2011, les gouvernements régionaux sont encore à constituer, les élections régionales ayant coïncidé avec le scrutin fédéral. Seule la région germanophone a déjà conclu son alliance de majorité. Pour les autres, les pourparlers sont en cours...

Sommes-nous repartis vers une nouvelle tentative d'explosion de records ? Il est encore tôt pour le dire, mais permettez-moi de vous expliquer – en simplifiant si possible (mais est-ce possible ?) – pourquoi nous risquons de finir bientôt dans le caca. Pas nous directement, mais nos élus probablement. Et le bon peuple ensuite par ricochet.

Pour faire simple, donc, et alors que l'Italie tout entière pleure encore l'élimination du Mondial de foot de sa bien aimée squadra, je me permettrai de rappeler avant toute chose qu'en Belgique, outre l'obligation d'aller aux urnes, le citoyen jouit des joies des scrutins « à la proportionnelle ». Est-ce un bien, est-ce un mal ? Les avis sont partagés. Disons que ce mode de désignation de nos dirigeants représente mieux les différentes tendances et opinions présentes au sein de la population que le système « majoritaire » comme pratiqué en France, mais que les gouvernements qui en sortent sont, du fait de coalitions parfois fragiles, beaucoup moins stables qu'on le souhaiterait quand on en fait partie ou quand on les soutient.

La Belgique ne pratiquant pas le référendum, c'est lors des élections que le citoyen en âge de voter peut exprimer ses choix. C'est bon à savoir pour comprendre comment fonctionnent les choses, à une époque où les Suisses, par exemple, ont recours à de fréquentes consultations populaires, et où les Anglais envisagent d'y recourir. Concernant ces derniers, on sait par exemple qu'ils envisagent de quitter l'Europe qu'ils n'ont jamais vraiment intégrée, mais qu'en attendant ce jour, ils ont déjà quitté le Mondial, même s'ils ne le voulaient pas vraiment.

En Belgique, pour gouverner, il faut recourir à des coalitions – alliance au Parlement des élus issus de plusieurs partis – puisqu'aucune formation politique n'obtient à elle seule la majorité des sièges à la Chambre des représentants, ce qui garantit souvent foire d'empoigne, coups de couteau dans le dos, crocs-en-jambe et noms d'oiseaux.

Pour corser le jeu, les familles politiques se sont depuis longtemps désunies, les partis étant désormais francophones ou néerlandophones, avec des présidences, des sièges, des représentants et des idées franchement dissemblables.

En tête aux dernières élections, la NVA, parti séparatiste flamingant ayant pour chapitre premier de ses statuts la création d'un État flamand indépendant, avec trente pour cent des voix au nord du pays, ce qui équivaut à une vingtaine de pour cent du total.

Ce parti de droite plutôt cul et chemise avec le patronat flamand (et qui souhaiterait mettre à mal la sécurité sociale, les chômeurs, les immigrés, les demandeurs d'asile, les malades et la Wallonie) n'ayant pas d'équivalent francophone, les seules convergences qu'il peut trouver au sud du pays le sont au plan socio-économique auprès des libéraux. À condition de mettre de côté toute revendication communautaire.

NVA + MR (libéraux francophones) n'ayant pas de majorité à eux deux, un troisième comparse tout trouvé est le CD&V (sociaux-chrétiens flamands), parti de centre droit qui se verrait bien gouverner avec Bart de Wever (chef de file NVA), surtout que celui-ci n'est pas intéressé par le poste de premier ministre mais que Kris Peters (CD&V), par contre, se voit très bien dans ce costume.

Reste à convaincre un quatrième partenaire pour atteindre la majorité. Un partenaire francophone de préférence, parce que la tripartite NVA-CD&V-MR ne compterait dans ses rangs côté francophone que le seul MR, largement minoritaire à lui tout seul au sud du pays.

Seul parti francophone envisageable actuellement pour faire l'appoint : le CDH. Les chrétiens-humanistes sont le pendant francophone du CD&V et, bien que plutôt de centre gauche que de centre droit, un partenaire assez naturellement envisageable par Bart De Wever et Kris Peters.

Côté MR, on est partant. Les libéraux francophones sont prêts à tout, semble-t-il, pour gouverner – enfin ! – sans les socialistes. C'est leur vieux fantasme : repousser le PS dans l'opposition.

Vous suivez ? Bravo !

Parce que c'est maintenant qu'il y a un os. Côté CDH, on n'est pas chaud. Pas chaud du tout pour s'embarquer dans un gouvernement où on sera le « petit Poucet » d'une coalition franchement à droite alors qu'on est plutôt au centre gauche et que depuis des mois on se fait brocarder, insulter et accuser de tous les maux par le puissant voisin libéral. C'est dire si la confiance règne. Et sans confiance...

Sans le CDH, Bart De Wever se tournerait bien vers l'OpenVLD, parti libéral flamand et partenaire de choix pour les francophones du MR. La majorité serait suffisante... pour autant que les libéraux francophones soient tentés d'y aller seuls, tout minoritaires qu'ils sont, on le rappelle, pour représenter le sud du pays. Quelques maroquins et l'assurance d'être débarrassés des socialistes devraient faire l'affaire.

Mais là aussi, il y a un os. Et même deux.
Le premier est que, dans ce cas, la famille libérale serait la plus importante en sièges dans la coalition, et se trouverait ainsi bien placée pour revendiquer le poste suprême tant convoité par Kris Peters. Le second, encore plus embarrassant, est que l'OpenVLD a mis comme première condition à sa participation au gouvernement fédéral sa participation au gouvernement flamand. Et pour l'instant, il n'en est pas question, CD&V et NVA paraissant décidés à diriger main dans la main le nord du pays.

Bouh ! Vous suivez toujours ?

Non ?

Vous avez raison. C'est beaucoup moins compliqué de suivre le Mondial de football avec ses groupes, ses qualifiés, ses éliminés, ses différences de buts, ses égarements d'arbitrage et son joueur-vedette anthropophage.

2 commentaires:

  1. effectivement, c'est très très compliqué;
    chez nous, c'est plus simple, même si notre type de scrutin implique des alliances, mais AVANT les élections: puisqu'il y a deux tours, qu'il faut un minimum de % de voix pour y participer, les partis doivent s'entendre avant; on remarquera que la formation d'un gouvernement ne demande ici que quelques jours;
    certains ici voudraient revenir à la proportionnelle, et les plus enragés à une proportionnelle intégrale comme sous la IV ème République; ce n'est pas à souhaiter, mais alors pas du tout.
    Il est vrai cependant qu'un partis qui pèse 20% des voix n'a que deux députés (le FN) alors que d'autres (FG et EELV) qui ne pèsent qu'à peine 10% en ont plus d'une vingtaine... C'est justement le jeu des alliances d'avant éléctions qui implique cet état de fait.
    Il n'est pas interdit de penser qu'une certaine dose de proportionnelle serait plus équitable, même si je ne me réjouis pas que plusieurs dizaines de députés FN siègent à l'AN...

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    1. Oui, c'est vraiment très différent ! Mais en fin de compte, on est toujours dans la m*** !

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