mardi 30 mai 2017

Rien qu'un tas de ferraille...

Un jour, j'avais reçu cette pub dans ma boîte à lettres :



J'en ai juste scanné une page, mais il y en avait plusieurs comme ça, à la file, vantant les mérites de diverses voitures de cette marque bien connue. Chacune de ces pages comportait le même genre de littérature. C'est de la publicité, donc ça vaut ce que ça vaut, mais ce n'était pas la première fois que les têtes pensantes chargées du boulot promotionnel chez Renault dépassaient les bornes de ce que j'appelle la décence.

 
Peut-être que ça ne vous choque pas, ce genre de propos ; mais moi, bien. A priori, pas pour ce qui concerne le fond, car à la limite je m'en ficherais royalement, mais pour ce qui est de la forme.

A priori, écrivais-je, parce qu'en y réfléchissant un peu, l'indécence de la forme rejaillit fatalement sur le fond du message, qui devient lui aussi de mauvais goût.


Pour moi comme pour beaucoup de gens, une bagnole, c'est un bien de consommation. Un truc utile sans doute, un truc qui rend service plus d'une fois au cours de ses années de fonctionnement, mais qui n'est en réalité qu'un dispendieux tas de ferraille.

Dès lors, je ne vois pas pourquoi on appliquerait à l'égard d'un véhicule automobile un langage qu'on ne tient pas toujours en parlant des gens, des vraies personnes.

Chez les personnes correctement éduquées, courtoises et mesurées, on n'utilise l'article, en parlant de quelqu'un, que pour marquer du mépris, du courroux... On dirait, par exemple, avec agacement : « Le François, il m'a encore sali le trottoir avec son clebs ».

Inversement, quand on parle poliment d'une personne, on s'abstient d'utiliser cette tournure dévalorisante qui fait appel à l'article : « François fête son anniversaire, ce soir » ; et non « Le François fête son anniversaire ce soir ».

Alors, la Mégane (déjà affublée d'un prénom, comme une personne), ce n'est qu'une voiture. Un tas de ferraille, de plastique et de tissu. Rien qu'un objet. Et qu'elle soit nouvelle, ça ne change rien. Alors, écrire « Mégane », « Nouvelle Mégane », « Renault Mégane », « Nouvelle Renault Mégane »... sans l'article et avec des majuscules partout, c'est élever l'objet au rang d'une personne.
Et ça, ce n'est pas bien.

Comparativement, les travailleurs ont droit à moins de respect, bien qu'ils soient des personnes.

Alors, quand un constructeur automobile comme Renault déclare, par exemple, qu'il va devoir se séparer d'un certain nombre de salariés en raison d'une restructuration ou d'une rationalisation de l'outil de production (manière pudique de dire qu'on veut diminuer les frais en vue d'augmenter les bénéfices), il pourrait oublier l'article et utiliser la majuscule. Ouvriers ne sont pas des objets, contrairement aux bagnoles. Courageux Travailleurs ont donc droit à davantage de respect. Ou à autant de respect, au minimum.

Vous pourriez vous dire que je me choque pour pas grand-chose, mais moi, rien à faire, ce genre de message publicitaire rédigé comme ça rien que pour des bagnoles, ça me débecte.

samedi 29 avril 2017

Les régimes "sans" et les régimes tout court

Aujourd'hui, la mode est aux régimes « sans ». Sans viande, sans produits laitiers, sans féculents, sans pain, sans sucre, sans graisses... Un peu comme si nous priver de quelque chose était synonyme de meilleure santé. On nous explique que le lait de vache, c'est pour les veaux, donc que c'est mauvais pour nous ; même pour les enfants. Et puis, que c'est plein de graisse : quatre pour cent, pour du lait entier. C'est vrai que c'est beaucoup.

Et la viande ? Ce n'est pas bon, la viande. Ou alors, très maigre, genre blanc de poulet sans la peau. Mais sans viande, c'est mieux. Et comme il nous faut des protéines, où les puiser, si ce n'est dans les œufs (bio, bien sûr) ? Ou alors dans les lentilles, les pois chiches et les trucs végétariens genre tofu, parce que les œufs, c'est plein de cholestérol ; et quand on sait d'où ils sortent...

Les graisses aussi, c'est vraiment mauvais. Surtout les graisses animales, le porc, les viandes rouges, les charcuteries, le jambon industriel... Quant aux graisses végétales, c'est mieux, mais pas n'importe lesquelles ! Pas l'huile de palme. Très mauvaise, l'huile de palme. Il faut des omega3, de l'huile de colza, d'olive... Et manger du poisson gras : maquereau, saumon...

Ne parlons pas du sucre. Ou alors, très peu, juste pour affirmer que ce n'est pas mieux. Il y en a dans tout, du sucre. Ça détruit les dents et ça fait grossir.

Les régimes « sans », c'est donc la mode. Sans viande, par exemple. Pourquoi pas ? Mais si c'est pour avaler des denrées industrielles supposées avoir un goût de viande, là, je cale. Quand on choisit un régime, on l'assume : sans viande, c'est sans viande. Végétarien ou végétalien, c'est comme on veut, mais nul besoin de s'illusionner en avalant des « hamburgers végétaux », comme j'ai vu des opportunistes en proposer aux consommateurs. On cuit ça comme un steak haché, sur un grill, un barbecue, dans une poêle à frire... et c'est supposé avoir l'aspect, l'odeur et le goût de la viande, sans en contenir. Ouf ! L'honneur est sauf !

Mais l'industrie fait pire. Pour produire à bon marché – très bon marché, elle nous fabrique des pizzas sans vrai fromage et sans vrai jambon, par exemple. Et on nous explique que c'est la grande distribution qui veut ça, pour tirer les prix de vente vers le bas en gardant une marge bénéficiaire suffisante. Et dans la grande distribution, on nous rétorque que c'est le client qui demande ça : moins cher, toujours moins cher, même si c'est de la merde.

J'ai même vu qu'on fabrique du jambon, des charcuteries, du saumon... fumés sans avoir jamais séjourné dans un fumoir. On verse sur la chair du gros sel agrémenté de quelques gouttes d'un extrait de fumée produit mystérieusement (le processus est un secret jalousement préservé) par une entreprise aux accès mieux protégés que ceux de Fort-Knox. Il faut savoir lire la liste interminable (en petits caractères) des ingrédients, sur l'emballage, où figure le mot « fumée ». Même quand c'est « fumé au bois de hêtre », ça ne garantit pas le séjour en fumoir. Plutôt que dans le fumage, on baigne dans la fumisterie.

Et les produits sans sucre ? Avec des édulcorants qui ne valent guère mieux ? Et les produits « light » truffés d'une chimie plus que douteuse destinée à rendre attrayants, onctueux et odorants des aliments qui sinon seraient à peu près immangeables par un quidam accoutumé à d'autres saveurs ?

Nous vivons dans un monde du faux, du frelaté. Sous des dehors de « préservez votre santé », la vérité s'appelle « accroissez mes bénéfices ». Et les régimes « sans » qu'on nous vend avec un certain succès n'ont d'autre but que celui-là : le profit. Bien sûr, il y a des « études qui... », mais on ne nous dit pas par qui elles sont financées. C'est néanmoins très facile à deviner !

Et si je vous entretiens des régimes « sans », que je trouve débiles – à moins de subir une allergie ou intolérance à certains aliments, bien sûr –, c'est parce qu'ils vont bien souvent à l'encontre de notre santé et de notre portefeuille. Le mieux est, en bon omnivore, de consommer de tout avec modération en profitant des produits de saison, locaux autant que possible, et non transformés par l'agro-industrie avide de profits.

Et si de récentes découvertes et études de fossiles nous indiquent parfois que certains de nos ancêtres étaient végétariens, alors que d'autres se révélaient carnivores voire cannibales, elles ne constituent pas un argument en faveur d'un régime alimentaire plutôt qu'un autre. Elles démontrent juste que l'Homme a été, de tout temps, un opportuniste aux incroyables facultés d'adaptation, capable de survivre dans des milieux souvent hostiles. Le régime « sans » était un régime par défaut et non par choix.

D'ailleurs, les régimes, c'est mauvais.

Dans cet ancien article, j'expliquais qu'il ne faut pas suivre de régime amaigrissant. En effet : les régimes sont néfastes parce qu'ils engendrent frustrations, privations et mauvaise humeur ; ce qui impose à l'organisme un stress inutile. Notre corps a bonne mémoire : quand on le prive de ce dont il a besoin, il prend non seulement des mesures pour se défendre, mais il prépare le futur en réduisant ses besoins de manière à ne plus devoir se priver soudain de choses qui lui paraissaient indispensables.

Comprenons bien que suivre un régime amaigrissant, quel qu'il soit, consiste à absorber moins de calories qu'on n'en dépense de manière à inciter le corps à puiser dans ses réserves de graisse ; et puiser dans ses réserves, le corps déteste cela : il se sent agressé et, de manière à tenir le coup (entendez : minimiser les risques de famine), il diminue ses besoins. En conséquence, il va tenter, en même temps que nous essaierons de lui faire brûler ses graisses, de diminuer ses besoins en énergie en réduisant sa masse musculaire, car les muscles sont gros consommateurs de calories. Ce qui veut dire que moins on mange, plus notre corps s'adaptera à recevoir moins de nourriture. S'il a puisé dans ses réserves, il réagira en stockant dès que possible un maximum d'énergie sous forme de graisses (le meilleur rapport poids/calories) en prévision de futures disettes.

Ajoutons que la souhaitée conversion en sucre des couches de graisse accumulées çà et là est un processus lent, généralement incompatible avec une pratique sportive saine et efficace. Insuffisamment nourri, on découvre la fringale du sportif. Faire du sport sans rien manger avant ni pendant en espérant que le corps puisera dans ses réserves est donc une illusion.

J'ai d'ailleurs remarqué que les gens en surpoids ne mangent généralement pas les bonnes choses au bon moment et en quantité adéquate. Leur hygiène alimentaire est soit mauvaise, soit inadaptée à leurs activités. Bien souvent, ils jeûnent pour travailler et mangent pour se reposer. En d'autres termes, ils ne déjeunent pas ou trop peu, mangent mal ou insuffisamment pendant leur journée de travail et terminent par un repas copieux le soir avant de se vautrer devant la télé puis d'aller dormir.

Comme je l'écrivais plus haut dans cet article, le corps a bonne mémoire : puisqu'on le prive ou le nourrit mal pendant la journée, il se rattrape avec le plantureux repas du soir qui lui permet de constituer des réserves de graisse pendant la nuit.

Inversement, se coucher le ventre à peu près vide contrarie notre gourmandise, mais pas notre organisme. Pendant notre sommeil, le corps a peu de besoins en énergie. Il vit au ralenti. Si le ventre est vide, convertir en sucres une petite partie des réserves de graisse se fera sans peine. Le matin, nous aurons faim. Un bon petit déjeuner regarnira le ventre et, si nous partons travailler, l'énergie absorbée sera entièrement dépensée. Il en sera de même avec le repas de midi, si nous sommes toujours actifs jusqu'en fin d'après-midi. Le véritable danger, c'est le repas du soir, souvent trop copieux et trop tardif.

Ne faites donc pas de régime : adaptez simplement votre alimentation à vos activités.

Et, surtout, fuyez comme la peste les régimes « sans ». Je sais que c'est la mode, y compris celle de jeûner un jour par semaine, mais c'est inutile. Et même : c'est nuisible. À moins d'être vraiment allergique ou intolérant à certaines denrées, le mieux est de manger de tout... avec modération.

Et sur ce, bon appétit !

vendredi 24 mars 2017

J'aime bien comprendre

Il m'arrive fréquemment de me demander pourquoi certaines choses se produisent, pourquoi nos réactions sont ce qu'elles sont et ce qui nous pousse à adopter des idées et des comportements bien particuliers ; mais surtout de m'étonner que d'autres que moi puissent accepter des faits et des paroles sans s'interroger sur leur véracité ou leur pertinence.

En d'autres termes, je me demande souvent pourquoi tant de gens ne se demandent pas pourquoi. C'est idiot, peut-être, mais ça m'interpelle.

Ainsi, le mec qui gesticule, vocifère, menace et accuse à tout va, se pose en victime et demande qu'on le soutienne dans sa lutte contre les terroristes et les conspirateurs qui en veulent à son pays, à sa religion et, accessoirement, à son pouvoir qu'il s'efforce de rendre absolu ; ce mec pour qui des gens, chez nous et dans d'autres pays de l'Union, sortent dans la rue et crient des slogans en levant le poing et en agitant des drapeaux ; ce mec, ceux qui l'acclament, ils ne se posent jamais de questions ?

Est-ce que ça leur semble normal que ce gars révise l'Histoire ? Est-ce que ça leur paraît souhaitable qu'un chef d'État qui a déjà beaucoup de pouvoir puisse demander à son peuple de lui en accorder davantage ? Est-ce bien raisonnable de donner carte blanche à quelqu'un qui fait emprisonner des milliers de personnes sous accusation de terrorisme, de conspiration ? N'est-ce pas inquiétant de voir contester le droit de parole à des artistes, des écrivains, des journalistes, des magistrats ? Est-il acceptable de l'entendre traiter de nazis des gens qui accueillent depuis des années des milliers de ses compatriotes ?

Comment peut-on envisager de dire « oui » à ce qu'il demande ? Comment peut-on croire les bobards qu'il lance à la figure du Monde ? Comment est-il possible d'être assez naïf pour envisager d'offrir à quelqu'un le fouet avec lequel on sera battu en retour ? Comment peut-on être à ce point aveuglé par un simple écran de fumée, converti à une parole aux arguments aussi grotesques ?

Mais il n'y a pas que lui.

Ailleurs, dans d'autres pays, il y en a d'autres. Certains de ces excités qui nous préparent la troisième guerre mondiale sont déjà au pouvoir ou en passe d'y accéder. Et s'ils n'y accèdent pas demain, ce ne sera que partie remise pour après-demain. Là où ils ont échoué ou échoueront bientôt, ils reviendront à la charge avec leurs arguments grotesques, leurs prétextes fallacieux, leur haine de l'autre, leur refus du droit à la différence, leur égoïsme maladif. Ils relanceront la chasse aux sorcières, leur recherche du bouc émissaire, leurs discours faciles qui n'ont pour but que d'amener au pouvoir leur mégalomanie. Car le peuple, leur peuple, ils s'en foutent. Ils disent l'aimer, vouloir sa prospérité et sa grandeur parce qu'il est supérieur aux autres, qu'il mérite mieux que d'autres.

Songeons-y lorsque nous irons aux urnes. Quand ces fous furieux auront accédé au pouvoir un peu partout grâce à notre naïve complicité, ils confisqueront notre droit à la parole, notre droit à la liberté, notre démocratie et notre joie de vivre ; et nous entraîneront à leur suite vers le chaos, la sueur, le sang et les larmes.