samedi 9 juin 2012

Le travail, c'est la santé

Je ne crois pas qu'avec un titre comme celui-là je puisse agrandir le cercle de mes amis, mais sait-on jamais ?

C'est vrai que le mot « travail » peut résonner différemment suivant qu'il tombe dans une oreille plutôt que dans une autre ; et même en fonction de celui qui le prononce.

Tout le monde comprend parfaitement ce que signifie le mot « travail », mais l'image qu'on s'en fait peut être extrêmement variable selon qu'on est chef d'entreprise, ouvrier, syndicaliste, commerçant, étudiant, femme au foyer, banquier, trader boursier, musicien, sportif, artiste-peintre... et suivant ce qu'on paie ou ce qu'on reçoit en contrepartie.

Notre existence est conditionnée par le travail et pervertie par l'idée de « travailler pour gagner sa vie ». Comme s'il était interdit voire impossible de subsister sans cela.

Et pourtant, le travail, à la base, c'est sain. Oh ! je ne parle pas d'un boulot lourd, répétitif jusqu'à l'abrutissement, mais plutôt des efforts, physiques ou intellectuels, que l'on consent à l'accomplissement d'une tâche.

Manuel ou intellectuel, le travail le plus sain, c'est celui qu'on accomplit de bonne grâce, presque avec plaisir. Celui auquel soudain il faut nous arracher lorsque sonne l'heure du repas. « Déjà ? » pensons-nous à ce moment.

Et ce travail-là, même s'il est difficile, même s'il est fatigant, lorsque nous arrivons au bout nous éprouvons une sorte de fierté, de satisfaction. Le plaisir de voir la tâche menée à bien, d'admirer le résultat. Nous éprouvons à cet instant une saine fatigue qui fera que le verre de quelque chose, la bonne sieste ou la partie de jambes en l'air qui s'y enchaînera nous procurera d'autres instants de plaisir mérité.

Ce travail-là, bien souvent, nous ne l'aurons pas fait pour le fric. Nous l'aurons fait pour nous ou pour ceux que nous aimons.

Il y a comme ça des tas de trucs qui me demandent un effort physique ou intellectuel, qui ne sont pas monnayés en échange, mais auxquels je m'attèle de bonne grâce.

Pourtant, parfois, il me vient des doutes : je veux bien faire mon boulot et même parfois celui d'un autre pour lui rendre service, mais je n'aime pas voler le travail d'autrui. C'est une notion étrange, que celle-là, et pourtant elle existe.

Nous sommes dans l'ère du « faites-le vous-même ».

C'est vrai que nous pouvons, nous-mêmes, accomplir un paquet de besognes sans recourir à ce qu'on appelait autrefois « un homme de métier ». Et même si, en remplaçant à l'aide de mes petites mains le robinet défectueux, je fais le job du plombier, je n'ai pas l'impression de lui ôter le pain de la bouche.

Tout d'abord, parce que je fais ça chez moi ou, éventuellement, chez un membre de ma famille. Ensuite parce qu'en le faisant, je gagne du temps et de l'argent. J'économise de l'argent en prenant sur mon temps. Je paie les pièces mais la main-d’œuvre est gratuite.

Il y a par contre quelque chose que je n'aime pas faire : le job de quelqu'un d'autre pour le plus grand bénéfice d'un tiers. Je trouve cela parfaitement malsain.

J'ai déjà écrit dans un précédent article que je n'aimais pas scanner moi-même les marchandises au supermarché. Non seulement je n'y gagnerais pas de temps – ou si peu – et aucun argent (à moins d'omettre de scanner certains de mes achats, ce qui serait malhonnête) ; mais à la sortie j'aurais la nette impression d'avoir vraiment volé le travail de l'hôtesse de caisse. Le boss du magasin a beau prétendre que ça lui permet de pratiquer des prix plus bas, moi je dis que ça lui permet surtout de foutre un maximum de pognon dans sa poche en débauchant du personnel grâce au boulot accompli gracieusement par le gogo qui paie, en sus, les marchandises !

Voilà du travail malsain. Celui-là, ce n'est pas la santé. Ni la mienne, ni celle de mes amis et amies du monde du travail.

Et puisque j'en suis à évoquer ceux qui se foutent bien de notre gueule, je ne voudrais pas manquer une bonne occasion de vous entretenir des banquiers.

Il n'y a pas bien longtemps de cela, je voulais déposer des liquidités à l'agence bancaire. Ce ne sont pas des choses qui arrivent fréquemment, puisque d'ordinaire c'est plutôt en chercher, que je fais, mais cette fois-là, j'avais été chargé par un membre de ma famille de rentrer sur son compte une certaine somme en billets (des vrais – parole). Les circonstances font parfois que les gens peuvent être dans l'impossibilité de se déplacer et se trouver embarrassés par des liquidités.

À la banque, on m'explique aimablement qu'on ne peut pas prendre cet argent parce qu'on n'a pas d'argent. Il n'y a pas de fric à la banque. Les guichetiers ne donnent pas de pognon et n'en acceptent pas : ils sont là pour encoder des trucs dans leurs ordis et vous faire signer des papelards, c'est tout.

Pour les billets, allez au distributeur automatique. Pour en retirer comme pour en mettre. Et ces charmantes machines n'acceptant les opérations que sur votre propre compte, j'ai donc dû déposer la somme sur le mien et effectuer ensuite un virement vers celui du juste destinataire.

Ce virement, bien sûr, je l'ai fait moi-même. Au guichet automatique.

Avant, je complétais les formules de virement et les glissais dans la boîte aux lettres de l'agence. C'était gratuit.

Ensuite, c'est devenu payant. Un certain nombre d'opérations étaient comprises, les suivantes étaient payantes. Cela pour m'encourager à faire le travail moi-même.

Actuellement, il n'y a plus aucun service digne de ce nom, il faut faire soi-même l'essentiel du travail et non seulement on n'est pas payé pour le faire, mais en outre l'escroc de banquier nous pompe mensuellement des « frais de gestion forfaitaires ». En plus de cela, il encourage les opérations financières via Internet. Comme ça, à la longue, ils finiront par fermer toutes les agences, peut-être ?

Mais ce n'est pas tout.
Non contents de ne nous offrir sur notre épargne que des taux largement inférieurs à ceux de l'inflation, ces bandits ne nous accordent eux-mêmes de crédit qu'à des taux usuraires ! Essayez donc d'être en découvert sur votre compte-courant ! C'est jouissif, les intérêts débiteurs !

Pire encore : ils jouent avec notre pognon, en perdent pour des milliards et, lorsque la faillite menace pour cause de mauvaise gestion, les patrons appellent l'État à la rescousse avant de démissionner en emportant dans leurs bagages des primes de départ qui font passer pour des péquenots les grands gagnants de la Loterie nationale.

Je tentais vainement de retenir mes nausées en songeant à cela lorsque j'entendis, tout récemment à la radio, cette phrase « It's so easy to tax on web », chantée sur l'air de « It's so easy to fall in love ».

Ben oui : le Ministère des Finances fait de la retape radiophonique, maintenant. Tax on Web.
C'est leur nouveau truc, leur dada, leur cheval de bataille pour économiser du pognon.

Parce que vous le savez certainement : l'État a besoin de fric. Il faut faire des économies parce que c'est la crise.

Si, si, rappelez-vous : les banques. Elles sont responsables de la crise. Pour que ladite crise ne s'aggrave pas, les États doivent voler au secours des banques. Pour ce faire, les États sont à court d'oseille et doivent à la fois lever de nouveaux impôts et faire des économies de gestion – par exemple dans les ministères.

Et voilà qu'arrive notre miraculeux Tax on Web.

Flashback : Avant, on remettait sur papier sa déclaration de revenus. On pouvait déposer les formulaires dûment complétés dans la boîte aux lettres du bureau local du Ministère des Finances, service des contributions directes. On pouvait même s'y faire aider, au cas où on s'y perdait, dans cette paperasse.

Actuellement, les bureaux ne sont plus accessibles que selon des horaires restreints, souvent sur rendez-vous. (Pour vous faire aider, adressez-vous plutôt aux services sociaux : mutuelle, centres d'aide sociale, syndicats...)

Inutile de déposer au bureau de taxation les enveloppes contenant votre déclaration de revenus. Il faut impérativement les renvoyer par la poste (format non normalisé, donc double timbre).

Tout ça pour décourager le vaillant contribuable d'encore compléter des formulaires sur papier, alors que les mêmes existent sur Internet. Et pour bien inciter les gens à utiliser cette voie-là, l'administration prend bien soin de traiter en premier les déclarations rentrées via Tax on Web. Comme ça, si vous devez toucher un trop-perçu (c'est souvent le cas parce que les employeurs sont encouragés à retenir à la base un maximum de précompte professionnel), vous serez remboursé plus tôt. C'est alléchant.

Gageons que lorsque presque tous utiliseront Tax on Web, les délais de remboursement reprendront leurs plus mauvaises habitudes.

Mais ce sera trop tard. Il n'y aura presque plus de bureaux, beaucoup moins d'employés et presque plus de service. Comme dans les banques. Et nous n'y aurons rien gagné, sauf que nous ferons gracieusement le travail d'encodage au plus grand soulagement du ministre des Finances, qui pourra réduire les frais de personnel de son ministère.

Le travail, c'est la santé. Quand c'est mon travail ou celui de mes proches et que j'en tire économie et satisfaction.

Mais je déteste faire le boulot d'un autre qui finira au chômage pour le plus grand bénéfice de son ex-employeur.

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