Hier encore, Chérie me disait :
« T'es vraiment courageux de faire tout ça... »
Voilà un genre de compliment toujours
agréable à entendre, même s'il est assorti d'un « tu en fais
trop » délicieusement sous-entendu à défaut d'être
prononcé.
Bon, d'accord, Chérie qui me trouve du
courage, ça fait bizarre ; mais que voulez-vous ? Elle est
amoureuse ; et tout le monde sait bien dans quel état ça peut
mettre les facultés de raisonnement.
C'est vrai que moi aussi, bien souvent,
je trouve que Chérie est vraiment très courageuse. Elle bosse
beaucoup. En râlant quand même un peu en passant la serpillière et
en manœuvrant la centrale-vapeur, mais à chacun son boulot en
fonction de ses compétences : je salis ; elle nettoie.
Mes collègues, qui ne connaissent
pourtant pas tous ma femme, la trouvent très courageuse aussi. Il en
est même qui ont suggéré qu'on lui érige une statue sur la place
du village, c'est dire !
Mais il en va de la paresse et du
courage comme de beaucoup d'autres choses sujettes à interprétation
ou à jugement : c'est relatif. Tout est relatif.
Moi, je ne pourrais pas consacrer une
demi-journée à repasser et ranger du linge ; pas même une
demi-heure, en fait. En conséquence, je suis ravi que Chérie
s'acquitte de la corvée sans rechigner. À mes yeux, ça la rend
particulièrement courageuse. Exactement comme quand elle lave les
vitres de la maison ou arrache les mauvaises herbes dans les
parterres de fleurs et le potager : toutes choses qui ne
m'emballent pas et qui ne seraient jamais faites s'il ne fallait
compter qu'avec ma paresse naturelle.
Ses deux fois vingt minutes de vélo
statique entrecoupées d'étirements, de flexions et d'exercices
abdominaux, ça me dépasse. Dès que je pose les fesses sur cet
engin de torture, je n'arrive pas à pédaler plus de dix minutes ;
et lorsque j'y parviens, c'est à titre si exceptionnel que je n'ose
plus m'en approcher pendant plusieurs mois. Et ne comptez pas
davantage sur moi pour aller faire au pas de course le tour du pâté
de maisons !
Paresse ? Oui, peut-être. Mais
pas pour tout. Je taille les haies et la pelouse, j'évacue vers la
déchetterie tout notre excédent de végétaux, de verre, d'huiles
usagées, d'emballages, de débris de maçonnerie et d'appareils
ménagers hors d'usage.
Je me lève pour aller bosser, sans
panne d'oreiller ni maladie du lundi matin ; je sers de
chauffeur aux plus jeunes et... aux plus âgés de la famille ;
je répare ce qui peut l'être, rénove ce qui l'exige et m'occupe de
toute la foutue paperasserie.
Avec ma femme, nous nous partageons la
corvée des emplettes, le plaisir de cuisiner, la fatigue du
nettoyage et du rangement... et les bons moments de la vie.
Oui, tout est relatif : la
sveltesse de celui qui se trouve enveloppé lorsqu'il côtoie un
collègue dépassant allègrement le quintal ; la jeunesse du
quinquagénaire en visite dans une maison de repos ; le bonheur
de n'avoir pas de chaussures quand on rencontre quelqu'un n'ayant
plus de pieds...
Voir quelqu'un travailler et se dire
« je ne voudrais pas faire ça comme boulot », ça
comprend déjà quelque part une sorte de respect, voire
d'admiration. Le courage et la paresse, eux aussi, sont relatifs.
Mon talent littéraire est relatif, lui
aussi. Mais comme ce n'est pas à moi d'opérer les comparaisons, je
vais me contenter de me taire. Ce n'est pas très courageux comme
attitude, certes, mais j'assume ma paresse et ma lâcheté.
Yep !
RépondreSupprimerEt encore, est-elle bien au courant de toutes tes activités...
RépondreSupprimerComme ces corrections, là, que tu t'imposes... Des Bleuets, des (Passes) Roses, ou autre...
RépondreSupprimerNon, non, pas celles-là, non...
SupprimerJe veux dire pas les bleuets et les passes roses - que je ne pratique pas. Mais les autres, ce n'est pas un secret.
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