jeudi 22 novembre 2012

Le courage et la paresse

Hier encore, Chérie me disait : « T'es vraiment courageux de faire tout ça... »

Voilà un genre de compliment toujours agréable à entendre, même s'il est assorti d'un « tu en fais trop » délicieusement sous-entendu à défaut d'être prononcé.

Bon, d'accord, Chérie qui me trouve du courage, ça fait bizarre ; mais que voulez-vous ? Elle est amoureuse ; et tout le monde sait bien dans quel état ça peut mettre les facultés de raisonnement.

C'est vrai que moi aussi, bien souvent, je trouve que Chérie est vraiment très courageuse. Elle bosse beaucoup. En râlant quand même un peu en passant la serpillière et en manœuvrant la centrale-vapeur, mais à chacun son boulot en fonction de ses compétences : je salis ; elle nettoie.

Mes collègues, qui ne connaissent pourtant pas tous ma femme, la trouvent très courageuse aussi. Il en est même qui ont suggéré qu'on lui érige une statue sur la place du village, c'est dire !

Mais il en va de la paresse et du courage comme de beaucoup d'autres choses sujettes à interprétation ou à jugement : c'est relatif. Tout est relatif.

Moi, je ne pourrais pas consacrer une demi-journée à repasser et ranger du linge ; pas même une demi-heure, en fait. En conséquence, je suis ravi que Chérie s'acquitte de la corvée sans rechigner. À mes yeux, ça la rend particulièrement courageuse. Exactement comme quand elle lave les vitres de la maison ou arrache les mauvaises herbes dans les parterres de fleurs et le potager : toutes choses qui ne m'emballent pas et qui ne seraient jamais faites s'il ne fallait compter qu'avec ma paresse naturelle.

Ses deux fois vingt minutes de vélo statique entrecoupées d'étirements, de flexions et d'exercices abdominaux, ça me dépasse. Dès que je pose les fesses sur cet engin de torture, je n'arrive pas à pédaler plus de dix minutes ; et lorsque j'y parviens, c'est à titre si exceptionnel que je n'ose plus m'en approcher pendant plusieurs mois. Et ne comptez pas davantage sur moi pour aller faire au pas de course le tour du pâté de maisons !

Paresse ? Oui, peut-être. Mais pas pour tout. Je taille les haies et la pelouse, j'évacue vers la déchetterie tout notre excédent de végétaux, de verre, d'huiles usagées, d'emballages, de débris de maçonnerie et d'appareils ménagers hors d'usage.

Je me lève pour aller bosser, sans panne d'oreiller ni maladie du lundi matin ; je sers de chauffeur aux plus jeunes et... aux plus âgés de la famille ; je répare ce qui peut l'être, rénove ce qui l'exige et m'occupe de toute la foutue paperasserie.

Avec ma femme, nous nous partageons la corvée des emplettes, le plaisir de cuisiner, la fatigue du nettoyage et du rangement... et les bons moments de la vie.


Oui, tout est relatif : la sveltesse de celui qui se trouve enveloppé lorsqu'il côtoie un collègue dépassant allègrement le quintal ; la jeunesse du quinquagénaire en visite dans une maison de repos ; le bonheur de n'avoir pas de chaussures quand on rencontre quelqu'un n'ayant plus de pieds...

Voir quelqu'un travailler et se dire « je ne voudrais pas faire ça comme boulot », ça comprend déjà quelque part une sorte de respect, voire d'admiration. Le courage et la paresse, eux aussi, sont relatifs.

Mon talent littéraire est relatif, lui aussi. Mais comme ce n'est pas à moi d'opérer les comparaisons, je vais me contenter de me taire. Ce n'est pas très courageux comme attitude, certes, mais j'assume ma paresse et ma lâcheté.

5 commentaires:

  1. Et encore, est-elle bien au courant de toutes tes activités...

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  2. Comme ces corrections, là, que tu t'imposes... Des Bleuets, des (Passes) Roses, ou autre...

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    1. Non, non, pas celles-là, non...

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    2. Je veux dire pas les bleuets et les passes roses - que je ne pratique pas. Mais les autres, ce n'est pas un secret.

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