lundi 25 juin 2012

Une aventure cauchemardesque

Nous étions bien tranquilles, installés à la terrasse du café de la gare, lorsque des individus à la mine patibulaire nous sont tombés dessus pour nous enlever sans autre forme d'explication qu'un silence têtu. Bien vite, nous fûmes emmenés dans un drôle d'engin, pourvu de minuscules fenêtres par lesquelles nous avons pu brièvement découvrir un paysage qui nous était totalement inconnu...







On nous débarqua et on nous enferma derrière des barreaux...






Sans nous laisser le moindre espoir de nous échapper. Pour toute nourriture, nous eûmes droit à d'infâmes brouets...










Arrosés par d'imbuvables mixtures que nous fûmes néanmoins contraints d'avaler...




Des inconnus nous menacèrent ensuite des pires sévices, parmi lesquels l'intromission d'objets étranges...





Et le recours à d'horribles instruments de torture...


Nous n'en pouvions plus de ce régime et aurions souhaité nous échapper, mais l'endroit où nous étions maintenus prisonniers était bordé d'un côté par des falaises infranchissables...




 De l'autre par des marécages putrides...

 



S'étendant à perte de vue...




Et infestés d'animaux féroces...

 


Et excessivement dangereux...




En outre, nous étions sous surveillance permanente renforcée, nos tortionnaires nous guettant jour et nuit depuis leur mirador...






Nous désespérions de pouvoir échapper à leur vigilance et aux mauvais traitements qu'ils nous faisaient subir pour des raisons qui nous sont encore inconnues aujourd'hui.

Mais un jour, nous profitâmes d'un léger relâchement de leur surveillance...


Et nous abandonnâmes subrepticement les breuvages qu'ils nous avaient ordonné d'avaler...





Nous prîmes la fuite à travers une jungle presque impénétrable...









Traversâmes des zones désertiques...





Et des régions arides habitées par d'affreux reptiles...






Surpris par la nuit, nous dûmes dormir à la belle étoile dans un froid à glacer les os...





Mais à force de courage et de persévérance, nous réussîmes néanmoins à rentrer chez nous...






L'épouvantable aventure avait heureusement pris fin !



P.S. : Si quelqu'un pouvait nous expliquer pour quelle foutue raison nous avons été séquestrés dans cet enfer, nous serions heureux qu'il nous en informe.

mercredi 13 juin 2012

Le chef

Dimanche dernier, vers dix-neuf heures, en sélectionnant une chaîne française à la télé, j'étais en train de songer à quel point l'intérêt des gens pour certaines choses a priori de la même veine, et probablement d'une importance presque égale, peut varier dans de grandes proportions.

Je me suis souvenu des deux soirées, lors de l'élection présidentielle du mois de mai, et des émissions spéciales mises en route dès dix-huit heures sur la première chaîne belge francophone, avec diffusion immédiate de premières estimations pourtant rigoureusement interdites d'antenne avant vingt heures dans le principal pays concerné.

Je me suis souvenu de certaines conversations au boulot, des opinions des uns et des autres et des pronostics parfois enflammés que j'entendais autour de moi.

Vendredi dernier, nous évoquions, pendant l'heure de table, le week-end chargé qui s'annonçait dans les médias, avec le coup d'envoi de l'Euro de football, les finales de tennis à Roland-Garros, le grand prix de F1 au Canada et les cyclistes professionnels qui devaient en découdre sur les routes du « Dauphiné ». Dans la conversation, j'ai glissé un « et les élections en France ». Certains ont hoché la tête sans conviction, mais j'ai vu des sourcils se soulever.

« Ben oui », ai-je ajouté. « C'est les législatives. Le premier tour. » Et j'ai même dû un peu expliquer...

Et ce dimanche, en soirée, j'ai capté les premières nouvelles de ce scrutin sur une chaîne française. En Belgique, presque rien. Une page bien fournie lors du journal télévisé, certes, mais foin d'émission spéciale à rallonge avec invités français de tous bords, chose à laquelle nous avions eu droit lors de chacun des deux tours de la « présidentielle » !

Il me semble pourtant que ces législatives sont de première importance.

Il me semble...

Et puis, en voyant les premiers chiffres en bas de l'écran – ceux du taux d'abstention –, j'ai compris que le phénomène était aussi français que belge, et avait pour nom « désintérêt ».

Le président, le chef, ça intéresse beaucoup de monde ; mais les élus à l'Assemblée nationale, apparemment, ça ne fait pas courir les foules.

En plongeant dans mes souvenirs de cours et de diverses lectures, une vérité m'est soudain revenue à l'esprit : l'Homme est un animal de meute. Et toute meute a besoin d'un chef.

Il n'est même pas besoin d'une meute. Une simple famille suffit. Mais plus le groupe est réduit, paradoxalement, plus la place de chef est difficile à maintenir, à justifier.

Quand on est deux, il n'y a pas souvent officiellement un chef. En tout cas pas dans nos civilisations occidentales du siècle présent. À trois, à quatre, ça commence à devenir nécessaire. Même si c'est un duo qui dirige.

Dans un « guide de survie » à l'usage des naufragés et des gens se retrouvant plongés dans un monde hostile sans espoir d'en sortir immédiatement, j'ai lu que la vie en groupe exigeait de l'organisation et une forme de discipline imposant le choix d'un chef.

Le choix du chef, c'est important. Le chef qui parvient à s'imposer et se faire respecter, c'est primordial. Dès qu'on est en groupe, il faut un leader, un meneur ; et plus le groupe est important, plus il est hiérarchisé. L'établissement de cette hiérarchie exige généralement une grande débauche d'énergie, suscite de l'agitation et, pendant quelque temps sans doute, de l'instabilité.

Mais la mise en place du chef est, de loin, ce qui requiert le plus d'attention de la part de tous. Depuis ceux qui aimeraient être chef à la place du chef à ceux qui savent qu'ils ne le seront jamais parce que ce n'est pas donné à tout le monde, parce que ça exige force, confiance en soi, esprit d'initiative, sens des responsabilités, vigilance, méfiance, ruse et – il faut bien le dire – une bonne dose de duplicité. Tous se sentent concernés, de près ou de loin.

Une fois le chef intronisé, le choix de ses lieutenants semble soudain secondaire, même s'ils sont nombreux. À peine si ce n'est pas lui qui doit les choisir parmi les prétendants, parmi lesquels nombreux seront ceux rêvant de devenir « numéro un ».

Les législatives, finalement, c'est un peu ça : un combat de grenouilles rêvant de devenir un jour plus grosses que le bœuf, mais réduites à court terme à patauger dans la mare en coassant à qui mieux mieux dans l'indifférence quasi générale mais sous le regard calculateur d'un grand chef qui compte les coups tout en marquant résolument son territoire.

Et même si on vit seul, on peut rêver d'être, comme le chantait Renaud, « toute une bande ».

« Je suis le chef et le sous-chef
Je suis Fernand le rigolo
Je suis le p'tit gros à lunettes
Je suis robert le grand costaud
Y'a pas d'problème de hiérarchie
Vu qu'c'est toujours moi qui commande
C'est toujours moi qui obéis
Faut d'la discipline dans une bande.

Je suis une bande de jeunes à moi tout seul... »

(Renaud : « Je suis une bande de jeunes »)


Que cela ne nous fasse pas oublier, toutefois, ce que grommelait Maître Georges :

« Le pluriel ne vaut rien à l'Homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre on est une bande de cons. »
(Georges Brassens : « Le pluriel »)

samedi 9 juin 2012

Le travail, c'est la santé

Je ne crois pas qu'avec un titre comme celui-là je puisse agrandir le cercle de mes amis, mais sait-on jamais ?

C'est vrai que le mot « travail » peut résonner différemment suivant qu'il tombe dans une oreille plutôt que dans une autre ; et même en fonction de celui qui le prononce.

Tout le monde comprend parfaitement ce que signifie le mot « travail », mais l'image qu'on s'en fait peut être extrêmement variable selon qu'on est chef d'entreprise, ouvrier, syndicaliste, commerçant, étudiant, femme au foyer, banquier, trader boursier, musicien, sportif, artiste-peintre... et suivant ce qu'on paie ou ce qu'on reçoit en contrepartie.

Notre existence est conditionnée par le travail et pervertie par l'idée de « travailler pour gagner sa vie ». Comme s'il était interdit voire impossible de subsister sans cela.

Et pourtant, le travail, à la base, c'est sain. Oh ! je ne parle pas d'un boulot lourd, répétitif jusqu'à l'abrutissement, mais plutôt des efforts, physiques ou intellectuels, que l'on consent à l'accomplissement d'une tâche.

Manuel ou intellectuel, le travail le plus sain, c'est celui qu'on accomplit de bonne grâce, presque avec plaisir. Celui auquel soudain il faut nous arracher lorsque sonne l'heure du repas. « Déjà ? » pensons-nous à ce moment.

Et ce travail-là, même s'il est difficile, même s'il est fatigant, lorsque nous arrivons au bout nous éprouvons une sorte de fierté, de satisfaction. Le plaisir de voir la tâche menée à bien, d'admirer le résultat. Nous éprouvons à cet instant une saine fatigue qui fera que le verre de quelque chose, la bonne sieste ou la partie de jambes en l'air qui s'y enchaînera nous procurera d'autres instants de plaisir mérité.

Ce travail-là, bien souvent, nous ne l'aurons pas fait pour le fric. Nous l'aurons fait pour nous ou pour ceux que nous aimons.

Il y a comme ça des tas de trucs qui me demandent un effort physique ou intellectuel, qui ne sont pas monnayés en échange, mais auxquels je m'attèle de bonne grâce.

Pourtant, parfois, il me vient des doutes : je veux bien faire mon boulot et même parfois celui d'un autre pour lui rendre service, mais je n'aime pas voler le travail d'autrui. C'est une notion étrange, que celle-là, et pourtant elle existe.

Nous sommes dans l'ère du « faites-le vous-même ».

C'est vrai que nous pouvons, nous-mêmes, accomplir un paquet de besognes sans recourir à ce qu'on appelait autrefois « un homme de métier ». Et même si, en remplaçant à l'aide de mes petites mains le robinet défectueux, je fais le job du plombier, je n'ai pas l'impression de lui ôter le pain de la bouche.

Tout d'abord, parce que je fais ça chez moi ou, éventuellement, chez un membre de ma famille. Ensuite parce qu'en le faisant, je gagne du temps et de l'argent. J'économise de l'argent en prenant sur mon temps. Je paie les pièces mais la main-d’œuvre est gratuite.

Il y a par contre quelque chose que je n'aime pas faire : le job de quelqu'un d'autre pour le plus grand bénéfice d'un tiers. Je trouve cela parfaitement malsain.

J'ai déjà écrit dans un précédent article que je n'aimais pas scanner moi-même les marchandises au supermarché. Non seulement je n'y gagnerais pas de temps – ou si peu – et aucun argent (à moins d'omettre de scanner certains de mes achats, ce qui serait malhonnête) ; mais à la sortie j'aurais la nette impression d'avoir vraiment volé le travail de l'hôtesse de caisse. Le boss du magasin a beau prétendre que ça lui permet de pratiquer des prix plus bas, moi je dis que ça lui permet surtout de foutre un maximum de pognon dans sa poche en débauchant du personnel grâce au boulot accompli gracieusement par le gogo qui paie, en sus, les marchandises !

Voilà du travail malsain. Celui-là, ce n'est pas la santé. Ni la mienne, ni celle de mes amis et amies du monde du travail.

Et puisque j'en suis à évoquer ceux qui se foutent bien de notre gueule, je ne voudrais pas manquer une bonne occasion de vous entretenir des banquiers.

Il n'y a pas bien longtemps de cela, je voulais déposer des liquidités à l'agence bancaire. Ce ne sont pas des choses qui arrivent fréquemment, puisque d'ordinaire c'est plutôt en chercher, que je fais, mais cette fois-là, j'avais été chargé par un membre de ma famille de rentrer sur son compte une certaine somme en billets (des vrais – parole). Les circonstances font parfois que les gens peuvent être dans l'impossibilité de se déplacer et se trouver embarrassés par des liquidités.

À la banque, on m'explique aimablement qu'on ne peut pas prendre cet argent parce qu'on n'a pas d'argent. Il n'y a pas de fric à la banque. Les guichetiers ne donnent pas de pognon et n'en acceptent pas : ils sont là pour encoder des trucs dans leurs ordis et vous faire signer des papelards, c'est tout.

Pour les billets, allez au distributeur automatique. Pour en retirer comme pour en mettre. Et ces charmantes machines n'acceptant les opérations que sur votre propre compte, j'ai donc dû déposer la somme sur le mien et effectuer ensuite un virement vers celui du juste destinataire.

Ce virement, bien sûr, je l'ai fait moi-même. Au guichet automatique.

Avant, je complétais les formules de virement et les glissais dans la boîte aux lettres de l'agence. C'était gratuit.

Ensuite, c'est devenu payant. Un certain nombre d'opérations étaient comprises, les suivantes étaient payantes. Cela pour m'encourager à faire le travail moi-même.

Actuellement, il n'y a plus aucun service digne de ce nom, il faut faire soi-même l'essentiel du travail et non seulement on n'est pas payé pour le faire, mais en outre l'escroc de banquier nous pompe mensuellement des « frais de gestion forfaitaires ». En plus de cela, il encourage les opérations financières via Internet. Comme ça, à la longue, ils finiront par fermer toutes les agences, peut-être ?

Mais ce n'est pas tout.
Non contents de ne nous offrir sur notre épargne que des taux largement inférieurs à ceux de l'inflation, ces bandits ne nous accordent eux-mêmes de crédit qu'à des taux usuraires ! Essayez donc d'être en découvert sur votre compte-courant ! C'est jouissif, les intérêts débiteurs !

Pire encore : ils jouent avec notre pognon, en perdent pour des milliards et, lorsque la faillite menace pour cause de mauvaise gestion, les patrons appellent l'État à la rescousse avant de démissionner en emportant dans leurs bagages des primes de départ qui font passer pour des péquenots les grands gagnants de la Loterie nationale.

Je tentais vainement de retenir mes nausées en songeant à cela lorsque j'entendis, tout récemment à la radio, cette phrase « It's so easy to tax on web », chantée sur l'air de « It's so easy to fall in love ».

Ben oui : le Ministère des Finances fait de la retape radiophonique, maintenant. Tax on Web.
C'est leur nouveau truc, leur dada, leur cheval de bataille pour économiser du pognon.

Parce que vous le savez certainement : l'État a besoin de fric. Il faut faire des économies parce que c'est la crise.

Si, si, rappelez-vous : les banques. Elles sont responsables de la crise. Pour que ladite crise ne s'aggrave pas, les États doivent voler au secours des banques. Pour ce faire, les États sont à court d'oseille et doivent à la fois lever de nouveaux impôts et faire des économies de gestion – par exemple dans les ministères.

Et voilà qu'arrive notre miraculeux Tax on Web.

Flashback : Avant, on remettait sur papier sa déclaration de revenus. On pouvait déposer les formulaires dûment complétés dans la boîte aux lettres du bureau local du Ministère des Finances, service des contributions directes. On pouvait même s'y faire aider, au cas où on s'y perdait, dans cette paperasse.

Actuellement, les bureaux ne sont plus accessibles que selon des horaires restreints, souvent sur rendez-vous. (Pour vous faire aider, adressez-vous plutôt aux services sociaux : mutuelle, centres d'aide sociale, syndicats...)

Inutile de déposer au bureau de taxation les enveloppes contenant votre déclaration de revenus. Il faut impérativement les renvoyer par la poste (format non normalisé, donc double timbre).

Tout ça pour décourager le vaillant contribuable d'encore compléter des formulaires sur papier, alors que les mêmes existent sur Internet. Et pour bien inciter les gens à utiliser cette voie-là, l'administration prend bien soin de traiter en premier les déclarations rentrées via Tax on Web. Comme ça, si vous devez toucher un trop-perçu (c'est souvent le cas parce que les employeurs sont encouragés à retenir à la base un maximum de précompte professionnel), vous serez remboursé plus tôt. C'est alléchant.

Gageons que lorsque presque tous utiliseront Tax on Web, les délais de remboursement reprendront leurs plus mauvaises habitudes.

Mais ce sera trop tard. Il n'y aura presque plus de bureaux, beaucoup moins d'employés et presque plus de service. Comme dans les banques. Et nous n'y aurons rien gagné, sauf que nous ferons gracieusement le travail d'encodage au plus grand soulagement du ministre des Finances, qui pourra réduire les frais de personnel de son ministère.

Le travail, c'est la santé. Quand c'est mon travail ou celui de mes proches et que j'en tire économie et satisfaction.

Mais je déteste faire le boulot d'un autre qui finira au chômage pour le plus grand bénéfice de son ex-employeur.

vendredi 1 juin 2012

La glorieuse incertitude du sport

J’ai bien ri ce matin en écoutant les informations à la radio : des voix s’élèvent dans le milieu du sport belge pour réclamer un plafonnement du salaire des footballeurs professionnels ! C’est vrai que ces vedettes empochent trop de pognon. C’est indécent !

Pour ceux qui ont la mémoire courte, qui sont trop jeunes ou trop vieux ou s’en foutent complètement, je rappellerai quand même que le monde du sport en général, et du football en particulier, a bien changé en quelques décennies.

Et tout d’abord, il faut bien reconnaître que bon nombre de disciplines sportives font à présent injure au terme « sport », et que la « glorieuse incertitude du sport » ne semble plus avoir d’intérêt que pour les parieurs. Le reste, c’est surtout du bizness.

Revenons-en à ces voix qui s’élèvent pour demander un plafonnement des émoluments des vedettes du foot, et autorisons-nous une petite mise au point historique…

La coupe d’Europe des clubs champions a été créée en 1955-56 ; et la formule d’origine regroupait les clubs ayant remporté le championnat de chacun des pays d’Europe admis à participer. Pendant de nombreuses années, les concurrents furent amenés à en découdre suivant un système d’élimination directe, par rencontres aller-retour jusqu’en demi-finale, la finale se jouant en un seul match.

Aucun pays n’y envoyait plus d’un club, à l’exception du pays « tenant » de la coupe, qui obtenait deux tickets, le vainqueur sortant étant qualifié d’office.

Assez rapidement, l’épreuve fut qualifiée de prestigieuse et les rencontres internationales, très prisées du public, remplirent aisément les stades et les trésoreries. Les enjeux financiers se précisèrent et, bien vite, les clubs les plus huppés obtinrent d’être désignés « têtes de série » lors des tirages au sort, histoire d’éviter d’avoir à en découdre entre eux dès les premiers tours et risquer de se voir rapidement et injustement éliminés d’une compétition pouvant rapporter pas mal d’argent.

J’écris « injustement » parce qu’il s’agit d’une constante ancrée dans la mentalité des mieux nantis : quand ils perdent, c’est toujours injustement. Le petit a triché, a bénéficié de circonstances favorables, etc.

Comme chacun sait, le sport est fait d’incertitudes ; et le monde des affaires déteste les incertitudes.

Voici une vingtaine d’années, la coupe d’Europe des champions est devenue Ligue des champions. Fini l’élimination directe des clubs les plus huppés ! Avant d’en arriver là, certitude leur a été donnée de disputer plusieurs rencontres à domicile et en déplacement, rencontres au cours desquelles ils pourront amasser de l’argent tout en ayant droit au moins une fois à l’erreur sans se voir irrémédiablement boutés hors compétition.

Pour les aider dans leur entreprise et éviter de mécontenter les bailleurs de fonds (les patrons de clubs comptant fermement sur un prompt retour sur investissement), l’UEFA attribue aux clubs des coefficients de performances issus de leurs résultats lors des éditions précédentes, et permet aussi la participation de plusieurs clubs issus du même championnat !

Ainsi, lors de la toute récente finale de l’édition 2011-2012, qui opposait Chelsea au Bayern de Munich et qui s’est terminée par la victoire des Anglais à l’issue de l’épreuve des tirs au but, un seul de ces tirs manqué ou réussi a pu décider non seulement de l’issue de la rencontre, mais aussi du sort du… RSC Anderlecht, vainqueur du championnat de Belgique !

Munich vainqueur, Anderlecht était directement admis au sein des groupes éliminatoires de la ligue des champions. Chelsea l’ayant finalement emporté, le champion de Belgique devra non seulement se farcir deux tours préliminaires pour arracher le droit d’accéder à la véritable compétition, mais il ne recevra pas la prime de « participation » de quinze millions d’euros attribuée aux qualifiés directs !

Selon la défunte formule, l’Angleterre aurait eu deux participants à l’édition 2012-2013 : Chelsea, vainqueur sortant ; et Manchester City, champion 2011-2012. Les autres pays auraient un club qualifié.

Un coup d’œil au tableau des qualifiés à la moderne ligue des champions nous apprend que pour permettre aux Anglais d’envoyer quatre clubs directement dans les groupes ; aux Espagnols et aux Allemands d’en déléguer trois et aux Italiens, Français et Portugais deux ; les vainqueurs – entre autres – des championnats belge, roumain, écossais, suisse, tchèque, croate, polonais… devront d’abord en découdre par élimination directe dans des tours préliminaires.

Voilà plusieurs années que je ne regarde plus de matchs de foot européen à la télé. Franchement, ça me débecte. Que les riches se disputent entre eux le trophée et qu’ils cessent de se payer notre tête !

Nous, les « petits », les moins nantis, nous n’avons aucune chance de briller dans ces compétitions que nous devrions tout simplement boycotter. Nos clubs sont devenus des pourvoyeurs de talents, des bancs d’essai où les jeunes espoirs tentent d’émerger, de se faire un nom, avant de partir se faire du blé en Angleterre, en Espagne, en Italie, en Allemagne…

L’équipe nationale belge de football est composée presque exclusivement de joueurs officiant dans d’autres championnats que le nôtre. Ils y gagnent beaucoup d’argent, bien plus qu’en évoluant dans les meilleurs de nos clubs ; et bien plus aussi que dans cette équipe nationale composée de joueurs talentueux mais démotivés parce qu’ils ont trop peur de se blesser dans des rencontres amicales ou dans des matchs éliminatoires sans gros enjeux financiers.

Le foot-business me fait gerber.