mercredi 6 novembre 2013

Mal mystérieux et poil de nez

Notre corps, machine complexe parfois fragile mais souvent merveilleuse, recèle des mystères que notre médecin de famille – qui nous connaît pourtant si bien – peine souvent à éclaircir.

Combien de fois n'avons-nous pas souffert de quelque mal apparemment inexplicable, si inexplicable que le praticien en arrive à déclarer d'un ton las que c'est psychosomatique ou, à tout le moins, que c'est bénin ? Le genre de chose qui peut nous conduire à préciser, dans notre testament, que sur notre tombe devra figurer l'inscription : « Je vous l'avais bien dit que j'étais malade ».

Avouez toutefois que le bon docteur, aussi compétent soit-il, n'a pas toujours la tâche facile. Bien sûr, parfois, en arrivant chez vous suite à votre appel (où à celui d'une personne partageant votre quotidien, si vous n'étiez pas en état de téléphoner), le généraliste qui vous trouve allongé le thermomètre sous le bras n'a guère de peine à diagnostiquer votre grippe, celle-là même qui frappe à ce moment-là les trois quarts de sa clientèle, ou une autre affection contagieuse qui court les rues à la faveur d'une mauvaise saison un peu vicieuse. Mais ce n'est pas toujours le cas.

Lorsque vous vous rendez à sa consultation – de dix-sept à dix-neuf heures mais qui joue fréquemment les prolongations – pour lui conter vos soucis du moment, vous n'êtes pas toujours porteur de germes pathogènes immédiatement identifiables. Une fois mises de côté vos petites affections chroniques (allergie au pollen, au boulot, à TF1...) que vous connaissez bien et que vous soigneriez vous-même sans le secours du praticien si le pharmacien daignait au moins vous délivrer sans prescription le remède habituel et si votre patron vous octroyait généreusement sans certificat d'incapacité les quelques jours de congé nécessaires à vous remettre d'aplomb, vous voilà embarqué dans la description d'une douleur inédite, un mal étrange qui vous assaille de temps à autre, depuis quelques jours.

Vous avez bien songé que « ce n'est pas grave » et que « ça va passer », mais non. Ça ne passe pas. Ça s'en va et ça revient et, précisément, au moment où votre tour vient de vous présenter devant le toubib après avoir lustré du fond du pantalon une des chaises de la salle d'attente, ça s'en est allé.

Vous vous en doutiez. Cette douleur, ces élancements, ces sortes de pincements, de crampes, de... Vous n'arrivez pas à les décrire exactement et le médecin de famille parvient encore moins à les cerner. Tout ce qu'il comprend, c'est que vous souffrez de temps à autre, que c'est passager, et qu'il faudrait qu'il soit là au moment où ça se produit pour avoir une meilleure idée de ce qui se passe peut-être au sein de votre machine biologique capricieuse et complexe, mais voilà : il a autre chose à faire que de rester à votre chevet en attendant que « ça arrive ». Même si vous lui payez l'attente, comme vous pouvez le faire avec un chauffeur de taxi.

En attendant, votre tension artérielle est correcte, votre coeur bat comme il doit et la perspective d'aller bosser le lendemain se précise. Pour vous rassurer, le généraliste vous prescrit une radiographie, une échographie, un encéphalogramme, une gastroscopie ou tout autre truc finissant en « ie » ou en « amme », et vous propose de revenir le voir quand il aura reçu les résultats.

Il arrive aussi qu'il prévoie de vous faire faire pipi dans un petit pot ou de vous envoyer subir un prélèvement sanguin plutôt que de vous envoyer paître, même si vous l'enquiquinez, en fin de compte, avec vos petits maux.

Après ça, vous n'en saurez pas davantage ni lui non plus, votre petit mal mystérieux aura de toute façon miraculeusement – mais provisoirement – disparu en même temps qu'un bon paquet de pognon hors de votre portefeuille et des caisses de la sécu. La santé, c'est comme ça. C'est mystérieux.

C'est comme les poils de nez.

Les poils de nez, on nous a déjà vaguement dit à quoi ça sert : à filtrer ce qu'on respire et à bloquer les saletés qui, sans cela, arriveraient dans nos poumons et nous ficheraient de foutues maladies. C'est vous dire à quel point les poils de nez se foutent bien de notre pomme.
À moins qu'il y ait trop de saloperies dans l'air pour que de pauvres petits poils de nez puissent toutes les arrêter, ce qui est une autre explication plausible, admettons-le.

Mais les poils de nez, c'est quelque chose !

Vous avez certainement déjà été la victime d'un de ces petits vicieux qui se met soudain à vous chatouiller l'entrée de la narine, et à vous la chatouiller si bien qu'il faut que ça s'arrête ! Et rien n'y fait : ni le mouchoir, ni le doigt. Il faut éliminer le trublion.

Comme ça se produit rarement au moment où vous êtes devant le miroir de votre salle de bain avec une pince à épiler à portée de main, mais plutôt dans un endroit où l'on pourrait vous voir vous tripoter les narines et songer que vous êtes un dégoûtant, vous essayez la discrétion. Souffler doucement, renifler discrètement, tenter d'attraper cet enfoiré entre deux ongles... Rien n'y fait !

Vous cherchez un coin tranquille. Si vous avez de la chance, les toilettes ne sont pas loin. Sinon, vous vous détournez discrètement, vous attrapez et vous tirez. Et ça fait mal, nom d'une pipe ! D'autant plus que le coupable a résisté : vous contemplez vos ongles, mais ils n'ont rien emporté dans leur travail de pinçage-arrachage.

Vous recommencez. Malheureusement, celui que vous parvenez à extraire douloureusement n'est pas ce petit vicieux auteur du chatouillis, mais un de ses voisins parfaitement innocents ! La larme à l'œil, vous étouffez un juron et sortez votre mouchoir. Quand on s'arrache un poil de nez, ça fait rougir et pleurer l'œil situé du côté de la narine agressée. Les poils de nez ont probablement de longues racines. Et immédiatement après, vous devrez vous moucher si vous ne voulez pas passer pour un morveux.

La douleur passée, le flux lacrymal apaisé, vous tentez de repousser vers l'intérieur ce foutu poil emmerdeur qui persiste à vous chatouiller. Hélas !

Plusieurs tentatives d'arrachage seront nécessaires pour venir à bout du poil récalcitrant.

Les poils de nez, c'est un des mystères de notre corps.

Je me demande si certains ont déjà songé à utiliser leur arrachage comme moyen de torture... Ça doit être efficace.

1 commentaire:

  1. "un de ses voisins parfaitement innocents !"

    Ha ha ha ha !

    On sent le vécu !

    Ça mériterait un reportage, presque...

    Mais, effectivement, les médecins... oui... D'ailleurs, globalement, ils ne nous donnent désormais plus grand-chose à moins que ce ne soit strictement nécessaire, j'ai l'impression. D'un côté, c'est bien, et d'un autre, quand au bout de sept semaines de merdouillis la crevurerie n'est pas passée...

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