mardi 17 mai 2011

Jalousie à la belge


En Belgique, on est quand même des minables. George W. Bush, qui en connaît un rayon en minabilisme, ne s’y était d’ailleurs pas trompé en nous traitant de chihuahuas. Et encore, c’était gentil, je trouve, parce que des chihuahuas c’est mignon, sympa et rigolo ; alors que nous autres les Belges, on n’est même pas tout ça. D’ailleurs, c’est bien simple : pour faire l’actu, on y connaît peau de balle !

On a bien quelques records, mais quand ils sont intéressants, ils sont déjà un peu défraîchis (genre palmarès d’Eddy Merckx) ; et quand ils sont récents, ils n’ont rien de bien glorieux (genre plus longue crise gouvernementale de toute l’histoire mondiale de la démocratie) ou font un peu sourire (septièmes olympiades en vue pour Jean-Michel Saive, mais c’est du ping-pong, ce qui a quand même un peu moins d’aura que le cent mètres).

Il suffit qu’une de nos éminences grises décroche un mandat européen pour qu’un mandataire britannique, qui s’y connaît en la matière puisque sa gonzesse est technicienne de surface, déclare immédiatement que notre candidat a tout le charisme d’une serpillière. C’est envoyé, ça ! C’est du costaud. Une phrase-choc ! Et notre brave ex-premier ministre, au lieu de lui balancer une réplique bien sentie du genre : « Vous en êtes une autre, ma chère ! Charisme de serpillière vous-même ! Et d'ailleurs on dit un torchon et pas une serpillière. » se contente de s’écraser, préférant ne pas répondre à ce genre d’incinération. Minable, vraiment !

Pour tenir la vedette au plan international, pour faire la une des médias, on est à côté de la plaque. On ne va pas, comme le précité George W., casser du terroriste un peu partout dans le monde. On n’en a pas les moyens. On peut tout au plus fournir quelques flingues, faute de nous en servir nous-mêmes. Bon, bien sûr, des fois on se goure et on les refile à qui-il-ne-faut-pas, genre Kadhafi ; et là c’est pas bien. On est cons : mieux valait lui vendre du nucléaire civil, qui rapporte gros et ne sert pas militairement, donc n’expose pas à la critique.

Nous devrions prendre exemple sur nos puissants voisins, nos partenaires européens ou nos alliés de l’OTAN, qui savent y faire en scandales qui défraient la chronique. Voyez le copain Berlu, en Italie. Quel mec ! Cigarettes, whisky et p’tites pépées. Et l’immunité totale. La toute grande classe ! Et DSK, qui lève une soubrette dans un hôtel ? Là, on en parle. C’est du costaud ! Ils sont balèzes, les Français. Même les vedettes de l’équipe nationale de football s’y mettent, à courir les filles même pas majeures. Ou alors on raconte des trucs intéressants avec des quotas de bronzage dans les sélections…

Et Bill Clinton et les petites pipes de Monica avec procès à la clé ? Encore le top du top pour faire la une des gazettes !

Et nous, qu’est-ce qu’on fait ? Du gagne-petit. Du scandale de raccroc.

Notre prince Laurent, par exemple. Lui aussi, il fait des voyages. Une tournée africaine sans en demander l’autorisation. Pas bien ! Notre premier ministre démissionnaire en affaires courantes depuis plus d’un an, monsieur Yves Leterme, lui a d’ailleurs fait la leçon en lui disant : « Écoute, Lolo, t’es bien gentil et tout ça, mais si tu veux pas qu’on te supprime ton argent de poche, tu fais pas des voyages à l’étranger sans demander l’accord du gouvernement. Vu ? » Et le petit prince d’obtempérer en baissant la tête au lieu de balancer une répartie du genre : « L’accord du gouvernement ? Lequel, de gouvernement ? Le tien ? Alors comme ça pour jouer les missionnaires je dois d’abord demander l’accord des démissionnaires ? »

Ouais. Pour ce qu’il avait fait, le Laurent de Belgique… Aller serrer la louche à Kabyla. C’est terrible, comme scandale ! En scandales et en spectacles de haut vol, notre famille royale n’y entrave rien. Un mariage princier, en Angleterre, ça c’est quelque chose ! Du grand show et du business. Des photos, des souvenirs, des objets de collection et même des sacs à vomir à l’effigie du couple princier ! À côté de ça, nos princes et princesses sont minables : Philippe qui essaie la barbe pour avoir l’air moins tarte et Mathilde qui s’habille chez Matante & Co ! Moi, je serais à la place d’Albert II, j’aurais vite fait de résoudre la crise. Je dirais aux politiciens flamands, qui ne peuvent pas encaisser Philippe : « Suivez-moi bien, Dames en Heren. Ou vous vous débrouillez pour former un gouvernement sous huitaine, ou j’abdique et vous vous arrangez avec Philou. »

Mais rien de tout ça. Bébert soupire et relance le carrousel. C’est vrai qu’il aime bien son pays et que le confier à un de ses rejetons, ce serait pas gentil. Entre Philippe qui a l’air d’avoir avalé un parapluie, Astrid qui est aussi rigolote qu’une feuille d’impôts et Laurent aussi psychologue qu’une contractuelle… il y a de quoi désespérer.

Et pour en revenir à Laurent : il aurait fait ribouldingue avec les servantes du palais présidentiel ou une bamboula d’enfer dans un village congolais, on comprendrait encore que Leterme l’engueule. Mais là…

Enfin, Yves Leterme, en minabilisme, il en connaît un bout lui aussi. Un Flamand qui supporte une équipe de foot wallonne et qui entonne la Marseillaise quand on lui demande de pousser une petite Brabançonne, c’est d’un minable ! Et les réactions belges le sont tout autant : on rigole, on ironise, on rouspète pour la forme… Imaginez le premier ministre français chantant la Brabançonne à la place de la Marseillaise. Fini, le mec ! Grillé. Carbonisé.

Des fois, quand même, la Belgique défraie la chronique. Mais d’une façon qu’on aimerait mieux éviter. Parce que des histoires de bourreaux d’enfants qui nous font parfois souhaiter qu’on rétablisse la peine de mort, on préférerait s’en passer. Et les affaires de curés et d’évêques qui jouent à touche-pipi sur des gamins, on s’en passerait bien aussi.

Eux, en tout cas, ils souhaitent s’en passer. La calotte est au-dessus des lois. Eux, ils savent pardonner, alors, qu’on leur pardonne aussi ! D’ailleurs, c’est du passé. Et le passé, c’est passé et il faut l’oublier.
Et en parlant du passé, je ne voudrais pas omettre de mentionner notre meilleur candidat au titre de couillon de la semaine (*) : Stefaan De Clerck, social-chrétien flamand et ministre de la Justice. Vu que l’extrême droite flamande (le Vlaams Belang) a proposé de remettre sur le tapis la question de l’amnistie des anciens collabos de la Deuxième Guerre Mondiale, et que les élus flamands, dans un presque touchant ensemble, on répondu qu’ils étaient d’avis aussi de se pencher là-dessus, monsieur De Clerck a jugé bon d’en remettre une couche lors d’un entretien télévisé, ce dernier week-end : « C’est du passé, il faut oublier ».

Chez nous, à défaut d’un Le Pen qui parle d’un « détail de l’Histoire », on a quand même des démocrates démocratiquement élus et membres de partis démocratiques qui osent balancer certaines énormités qui me font écrire, comme disait François Béranger, que « la merde noire relève le front ». Alors, pardonner ? Ce n’est pas à moi de pardonner. Mais oublier ? Jamais !

Franchement, parfois, en Belgique, on est vraiment minables.

En tout cas, je préférerais qu’on défraie la chronique parce qu’un de nos ministres a mis la main au cul d’une soubrette ou s’est fait tailler une pipe par sa secrétaire, plutôt qu’avec des histoires de maniaques pédophiles et pédophobes ou les déclarations débiles et électoralistes de certains de nos politiciens qui galopent derrière l’extrême droite pour sauver leur mandat !

Je sais, c'est pas gai tout ça. Mais je suis jaloux. Et la jalousie, c'est vilain, puisque c'est un des sept péchés capitaux. Bon, ce serait à refaire maintenant, on en ajouterait d'autres, comme le racisme et l'extrémisme. Mais c'est pas à refaire. La cervoise est tirée depuis longtemps.


(*) Chaque vendredi soir, sur la première chaîne radio de la RTBF, est diffusée l’émission « La semaine infernale » ; qui est un passage en revue humoristique de l’actualité de la semaine écoulée. Les chroniqueurs élisent à chaque fois un « couillon de la semaine », qui n’est pas nécessairement une personnalité belge, bien que chez nous le choix ne manque généralement pas.


Edit. (21/05) :
Comme je le pressentais, Stefaan De Clerck a été brillamment élu "couillon de la semaine", devant Lars Von Trier qui a effectivement fait très fort lors du Festival de Cannes. 
DSK a été mentionné également, mais l'élire était sans doute un peu "bateau".
Félicitations aux lauréats.

lundi 9 mai 2011

La politesse de l'éditeur


Si nous sommes tous supposés avoir assimilé les notions de politesse et de courtoisie les plus élémentaires, nous constatons malheureusement que certains individus n’ont pas appris grand-chose en la matière ou, à tout le moins, se sont hâtés d’en oublier l’essentiel. Je ne vous ferai pas l’affront d’énumérer les manquements dont la plupart d’entre nous sont journellement témoins (voire victimes), car je ne pourrais être exhaustif, mais nous savons tous combien la grossièreté, l’incivisme et l’égoïsme sont aujourd’hui devenus monnaie courante.

L’objet de cet article ne sera pas d’épingler ces comportements, mais d’attirer l’attention sur une autre forme d’impolitesse, ayant trait à nos activités en elles-mêmes plutôt qu’à nos gestes de la vie courante et à nos rapports directs à autrui.

Au cinéma, par exemple, la politesse de la caissière et la courtoisie de l’ouvreuse peuvent-elles susciter notre satisfaction si le film est projeté avec une image parfois sautillante et des interruptions dans la bande sonore ?

Au restaurant, le professionnalisme du service en salle et l’excellence des mets mitonnés par le chef suffisent-ils à excuser une nappe souillée et un courant d’air désagréable charriant les miasmes des conteneurs à ordures ?

Bien sûr, le gestionnaire de la salle pourra arguer que le film était compréhensible malgré tout, de même que le patron du restaurant pourra se retrancher derrière la qualité de la cuisine proposée. Il n'empêche que si des manquements sont admissibles à la séance de ciné-club d'une petite école ou lors du repas de la visite des parents dans un camp scout, de telles négligences le sont beaucoup moins de la part de professionnels.

Quand j'achète un livre, j'attends qu'il soit intéressant sur le fond, soigné dans la forme et irréprochable sur le plan technique. Vingt euros pour des pages qui se détachent, une mise en forme douteuse ou des fautes de grammaire non corrigées, c'est inadmissible ! La politesse de l'éditeur, c'est la qualité technique du produit qu'il propose. S'il ne peut écrire à la place de l'auteur, il peut toutefois consentir l'effort d'offrir un travail d'édition irréprochable. Je constate que ce n'est pas toujours le cas.

Je fais sans doute partie de ces maniaques qui ne peuvent s'empêcher de relever, dans les livres qu'ils lisent, les fautes de typographie, les accords manqués ou les usages douteux. C'est peut-être maladif, mais ça fait partie de mon tempérament. Et je suis capable de discernement. Je ne jetterai pas la pierre à l'éditeur qui laisse quelques fautes dans un livre, lorsqu'il apparaît clairement que ce n'est pas dû à de la négligence ou à la satisfaction de l'à-peu-près ! Des fautes, tout le monde en commet ; on ne peut que très difficilement les repérer toutes et les rectifier.

Ce qui me hérisse, c'est le « c'est bon comme ça » de certains éditeurs qui n'ont aucun scrupule à commercialiser des romans truffés de fautes et d'approximations. Clairement, ces gens se moquent du lectorat. Ils le méprisent.
Leur argument est facile à deviner : pour eux, le lecteur ne remarquera pas les fautes ; et s'il en voit l'une ou l'autre, il ne réclamera pas. Ces éditeurs considèrent qu'ils ne publient pas « pour le Goncourt », et que les romans de gare qu'ils commercialisent sont destinés à un public qui cherche la lecture facile et qui ne va pas « se prendre la tête » avec la grammaire. C'est probablement vrai ; mais ce qui l'est encore plus, c'est que ces marchands de soupe prennent les gens pour des idiots. Personne ne les oblige à publier de la littérature de haut vol ; on peut utiliser un langage courant, populaire, accessible... sans pour autant imprimer n'importe quoi n'importe comment. Ces éditeurs sont comme le patron de cinéma qui projette un film avec l'image qui saute de temps à autre ou le restaurateur qui sert sur des tables sales : ils méprisent la clientèle. Même un sachet de frites ou un hamburger, dans un snack, ça doit se servir proprement ! Personne ne désire acheter un véhicule automobile souffrant de vices cachés ! Personne ne demande des livres truffés de fautes !

L'éditeur, même s'il s'en défend, doit jouer un rôle éducatif. Donner le goût de la lecture et des histoires bien écrites. Simplement s'il le veut, mais correctement.
J'ai la faiblesse de croire qu'à force de lire des phrases, des mots formulés et orthographiés dans le respect de la langue, on finit par les assimiler. Et à ceux qui objecteront que de nombreuses personnes écriront toujours mal, quelle que soit la qualité de ce qu'elles lisent, je rétorquerai que si on ne leur offre que de la médiocrité, les chances de les voir progresser seront encore moindres.

Internet, réseaux sociaux, blogs, forums, édition à la demande, auto-édition... Aujourd'hui, l'informatique et les télécommunications permettent à presque tout le monde d'écrire et d'être lu. « Tout le monde », ça veut dire « n'importe qui ». Et aussi, très souvent, « n'importe quoi, n'importe comment » !

Sur ce petit blog, je fais l'effort d'écrire lisiblement, de vérifier la qualité rédactionnelle et orthographique des articles que je publie ; c'est, il me semble, la moindre des politesses de la part de quelqu'un qui écrit, publie et attend qu'on le lise. Et si l'une ou l'autre faute d'orthographe ou de typographie subsiste, je m'efforce de la rectifier dès que je la repère... ou qu'un autre me la signale.


mardi 3 mai 2011

Choisir un chat


« Oui, ma chérie. On attend Papa, et puis on va choisir un chat. »
En entendant cette réponse d'une maman à la question posée par sa fille, je me suis dit : « Choisir un chat ? Rien que ça ? »
Parce que, souvent, on va choisir un animal de compagnie (chien, chat, lapin, hamster, cochon d'Inde, conjoint...) en se fiant qui à son instinct, qui à ses goûts, qui à sa bonne étoile, qui au vendeur, qui à l'oncle Ernest ou à la cousine Berthe, qui à son bon cœur...
Mais un chat ! Choisit-on vraiment un chat ? Et tout d'abord, y a-t-il animal de compagnie plus inutile qu'un chat ? Deux chats, oui, bien sûr, mais c'est un peu facile, comme réponse. Alors, voyons d'abord ce que représente vraiment un chat. Parce que si certains prétendent que le cheval est la plus belle conquête de l'Homme et le chien son meilleur ami, que penser de ce scrogneugneu de chat ? Ou de cette enfoirée de chatte ? Parce que l'un ou l'autre...
Appelons un chat un chat ; et une chatte un chat aussi, pour la facilité. Et décrivons les principales caractéristiques de l'animal.

Le chat est paresseux.
Ben oui. Plus partisan du moindre effort qu'un félin, c'est difficile à trouver. Bon, si le léopard ou la lionne ne se magnent pas un peu le train pour chasser, ils feront ceinture ; mais ça ne les empêche pas de roupiller quinze à vingt heures par jour. Alors, la boule de poils qui se vautre dans le meilleur fauteuil ou dans le lit de bébé (f... le camp, sale bête, on te l'a déjà dit !) et qui reçoit sa gamelle deux fois par jour, vous croyez qu'elle va secouer ses neurones ? Ce feignant se réveille deux fois par jour, donc, en s'étirant, et vient se frotter à vos chevilles en miaulant ou recouper vos pas au moment où vous trimbalez quelque chose d'encombrant qui vous empêche de voir où vous posez les pieds (nom de D... de chat ! Tu veux que je tombe ?)
Et à quelle heure ? Une heure avant l'heure de la gamelle, en général. Sauf au moment où on passe à l'heure d'été : là, il n'a que quarante minutes d'avance. Il a failli être pris de court, mais votre attitude lui a indiqué qu'il devait être en retard. Houla !
Par contre, au passage à l'heure d'hiver, vous en avez pour une semaine à supporter ce parasite en avance de deux heures. Et vous craquez. Pour avoir la paix.

Le chat n'obéit pas.
Mieux : il désobéit. Parce que non seulement ce corniaud refuse de faire quoi que ce soit pour se rendre utile ou pour suivre vos injonctions ; mais dès que vous tournez le dos, il s'empresse de faire ce que vous lui avez maintes fois interdit de faire. Vous l'engueulez ? Ha, ha, ha ! Il se taille dans un coin tranquille (dessous de meuble, haut du cerisier, jardin du voisin) jusqu'à l'heure de la gamelle. Là, il revient peinard, ronron devant, yeux doux, en espérant que vous avez oublié. Vous avez le temps de penser à autre chose. Le chat ne fait jamais ses conneries juste avant l'heure de la gamelle. Il fait ça après. Comme ça il se barre dans un coin tranquille pour digérer (en piquant un roupillon).

Le chat ne sert à rien.
Ce paresseux est supposé chasser les souris. Comme vous avez assez bon cœur pour le nourrir, il n'est pas très motivé. Mais de temps en temps, pour s'amuser, il en attrape quelques-unes et vient les éventrer devant votre porte de service (vous mettrez invariablement le pied sur le cadavre écartelé, si vous n'êtes pas attentif). Il ne les mange pas. C'est moins bon que ses boîtes ou ses croquettes. Et puis, il n'a pas faim. Il joue. Et pour vous remercier de le nourrir, il fait sa boucherie devant votre porte et vous laisse la tripaille en cadeau. Charmant !
Non, ce n'est pas Minet qui éliminera les souris. Sa présence va les éloigner, plus que probablement, mais guère plus.
Un chat, ce n'est pas comme un chien. Heureusement. Parce qu'un chien, vous êtes responsable de ses conneries. Il faut le surveiller, l'attacher, l'enfermer, l'empêcher d'aboyer pendant des heures, ramasser ses crottes... Et s'il fait du dégât dans le quartier, on vous présentera la facture.
Mais si votre matou s'en va zigouiller un pigeon de concours dans le voisinage, vous n'en serez pas tenu officiellement pour responsable. On n'exigera pas officiellement des dédommagements. Mais il est possible aussi que le colombophile frustré s'inscrive dans un club de tir. Vous voilà averti.

Le chat est racoleur.
Le chat a un tempérament de putain. Il racole. Les frotte-frotte et les ronrons sont ses armes favorites. Tout petit, déjà, le chat est craquant. Quoi de plus craquant qu'un chaton ? Deux chatons, je sais, elle est facile. Mais c'est vrai : le petit de cet animal est photogénique. Dans le genre, aucun ne lui arrive à la cheville. En plus, les chatons sont rigolos. On leur pardonne tout, ou presque.
Grave erreur. L'éducation, c'est tout petit qu'on la fait : on ne joue pas avec les doigts des gens, on ne saute pas toutes griffes dehors sur le divan de cuir, on ne se vautre pas sur les lits, on fait pipi-caca dehors...
Avez-vous déjà vu une chatte en chaleur ? Non, pas la fille de la voisine ! Je parle de l'animal : une chatte en période de rut. Avez-vous déjà admiré ce genre de s****e ? Et vas-y que je minaude, et vas-y que je pissouille partout pour attirer les matous... Et que font-ils, les Félix, Grosminet et autres Raminagrobis ? Ils se battent pour obtenir les faveurs de la belle. Et quelles faveurs ! On y reviendra.
Voyons d'abord comment ils se battent, ces courageux quadrupèdes velus. Ils font du bruit, oui. De temps en temps un coup de patte, ça oui. Mais rien de plus. Faut pas trop se fatiguer. Et puis, les blessures, ça fait mal et ça s'infecte ; alors, non merci ! Les bagarres de matous, c'est de l'esbroufe. Entre deux miaulements, on médite. On s'observe. Et puis on regarde ailleurs. On fait semblant de sniffer quelque chose par terre. Et puis on se tire presque sans combattre. Celui qui convainc la belle, par contre...
La voilà qui se roule par terre pour aguicher l'élu. Mais dès qu'il s'approche, c'est coups de griffes et feulements courroucés : « Je ne suis pas celle que vous croyez ! »
S****e, oui ! Toutes les mêmes !


Alors, pourquoi choisir un chat ? Et pourquoi même vouloir d'un chat à la maison ?
Je ne sais pas pourquoi, vraiment, mais chez moi il y a toujours eu un chat. Ou plusieurs.
Par contre, j'ai appris une chose : on ne choisit pas un chat. Il ne faut jamais choisir un chat. Le chat que vous choisirez sera le pire emmerdeur dont la planète féline vous a jamais fait subir la présence.
Le meilleur des chats (le plus affectueux, le moins désobéissant, le plus sympa, le moins ingrat...), c'est celui qui vous choisit. Pas celui que vous choisissez.
Si vous allez au refuge, chez un marchand, chez des amis ou chez qui vous voulez pour adopter ou acheter un chat, suivez ce sage conseil : ne choisissez pas de chat. Ne prenez pas le plus beau, le plus laid, le plus gros, le plus petit, le plus rigolo, le dernier disponible, le plus cher, le plus timide, le plus ceci ou le moins cela. Non. Laissez le chat vous choisir. Et s'il ne va pas vers vous, passez votre chemin.
Le meilleur chat, ce n'est pas cette petite boule de poils craquante, adorable, qu'un marchand vous met dans les bras ou dont quelque connaissance cherche à se défaire. Le meilleur chat, c'est celui qui vient de nulle part. Le pauvre minable maigrichon qui échoue dans votre jardin et qui vient vers vous avec dans les yeux cette simple supplique : « adopte-moi ». Ou alors ce chat qui attend derrière un grillage, dans un refuge, avec plusieurs de ses congénères, et qui vient vers vous en vous jetant un regard suppliant, en vous tendant la joue à gratter entre les fils galvanisés.

Moi, j'aime les chats, ces paresseux, ces inutiles, ces désobéissants, ces racoleurs. Au fond, j'aime bien les chats parce que j'aime bien les gens. Ils se ressemblent tellement !