mardi 12 avril 2011

Le degré zéro

Dans mes moments de grogne les plus intenses, je pose sur le monde qui m'entoure des regards courroucés ou je me laisse aller à des soupirs de découragement. Je n'aime pas la fatalité, j'aurais même tendance à dire qu'elle n'existe pas, mais l'inlassable inventivité de la race humaine quand il s'agit de créer quelque chose pour en tirer un profit maximal me laisse parfois pantois.

Qu'on fasse bouffer par des poulets (ceux qui ont des plumes et des ailes) de la farine de poisson, qu'on ajoute de la graisse de je-ne-sais-quoi dans la pâte de cacao, qu'on fabrique du saucisson avec tout sauf de la bonne viande, qu'on fasse pousser de la cane à sucre ou des céréales pour les transformer en carburant alors que des gens crèvent de faim, qu'on déverse dans un lac africain des poissons qui n'avaient rien à y faire à part bouffer tous les autres, qu'on prolonge la vie de centrales nucléaires largement amorties mais devenues dangereuses, qu'on fasse fabriquer au diable vauvert des denrées qu'on pourrait tout aussi bien produire chez nous en évitant des milliers de kilomètres de transport polluant... l'imagination humaine appliquée aux bénéfices est sans limites.

On en arrive à nous faire accepter le degré zéro de tout un tas de choses.

Le degré zéro de la gastronomie dans un fast-food qui sert des frites et des hamburgers graisseux ; le degré zéro de la culture dans des émissions de téléréalité où la connerie atteint des sommets insoupçonnés ; le degré zéro de l'éthique sportive dans des compétitions internationales où tout est pourri par le fric ; le degré zéro de la littérature dans des romans de gare bourrés de clichés et aussi piteusement édités qu'ils sont vendus à prix élevé ; le degré zéro de l'intelligence musicale dans des chansons préformatées interprétées par des vedettes préfabriquées ; le degré zéro de l'honnêteté quand un dictateur à qui on a vendu des armes devient tout à coup l'ennemi à abattre pour ceux qui essaient de se donner bonne conscience...

On peut trouver du degré zéro à tous les coins de rue, dans toutes les villes, dans tous les pays, dans toutes les cultures, dans les articles de presse ou parmi les messages qui circulent sur la Toile.

Celui-ci, par exemple, doit être le degré zéro de quelque chose. De l'optimisme, peut-être ?

Je vais aller me consoler avec un ballon de rouge. Le degré douze virgule cinq de la détente.

1 commentaire:

  1. Une chose est sûre : un petit ballon de rouge n'est pas le dégré zéro du réconfort !!!

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