Thérèse, tu me tues !
C’est inconcevable. Je ne peux pas admettre que tu me quittes ainsi sur un coup de tête, sur une impulsion, sur un caprice. Tu as balayé d’un seul coup de brosse les instants merveilleux que nous avons vécus ensemble tous les deux toi et moi. Pourquoi ?
Je veux bien admettre que parfois les occasions se présentent d’échapper à la routine quotidienne journalière qui, de jour en jour, peut contribuer à ce qu’une certaine latitude s’installe au sein même du cœur d’un couple bien établi. Mais quand même ! Est-ce une raison suffisante ?
Est-il vraiment mieux que moi, celui à qui tu t’offres à présent ? Est-il plus grand, plus beau, plus jeune, plus fort, plus intelligent, plus cultivé, plus riche, plus puissant, plus drôle ? A-t-il des relations ? Un sexe plus gros que le mien ? Est-il, grâce à cela et à tout le reste, mieux introduit que moi dans certains milieux ?
Thérèse, tu exagères !
N'étions-nous pas bien ensemble en couple à deux ? Est-ce cette soirée passée au Youp-la-la-Club qui a influé sur ton comportement ? Je sais, je n'aurais pas dû boire autant, et quand j'ai eu des nausées, je n'aurais pas dû vomir de la gerbe dans le jacuzzi. Je n'aurais pas dû non plus crier une gueulante vers le type qui dansait avec toi en te serrant très fort, même s'il avait tendance à promener ses mains baladeuses dans des endroits interdits où il ne pouvait pas aller sans y être autorisé.
Quand les sorteurs m'ont sorti par la porte d'entrée (c'est bizarre, ça) et que tu n'as pas voulu me suivre illico tout de suite (deux heures à prendre patience à t'attendre dans la voiture), j'aurais dû me douter qu'il y avait lézard sous pierre ; j'aurais dû t'abandonner là au lieu de rester tranquillement garé en stationnement sur le parking comme un chauffeur de maître pour Madame. Mais quand même ! Je n'imaginais pas ça.
Thérèse, est-ce vraiment fichu ?
Hier, nous étions là à t'attendre. Tu m'avais promis d'être là bien présente. Tout le monde était là aussi : la famille, les voisins, les amis, le maire et le curé. Je t'ai téléphoné, mais en vain. Raoul est allé sonner à ta porte, au bout de la rue, en te suppliant de venir, au moins un peu, juste une heure, pour sauver les apparences, mais tu as fait la sourde oreille pour faire semblant de ne rien entendre.
Nous avions tout prévu, tout commandé : le champagne, les zakouskis, les amuse-bouche et les amuse-gueule ; et même le cousin Albert pour la musique.
Alors pourquoi ? Pourquoi ?
Franchement, Thérèse, tu me déçois !
Tu aurais quand même pu attendre deux ou trois jours de plus avant de me quitter et de t'installer chez l'autre. Tu aurais pu sauver un tout petit peu les apparences, non ?
Ah ! J'ai eu l'air con, moi, devant la famille, les voisins, les amis, le maire et le curé !
Quand le journaliste est arrivé pour la photo, à l'heure où le maire devait faire son discours, tu n'étais pas là. J'étais seul dans mon costume trois-pièces avec gilet. Franchement, tu aurais pu avoir le courage de faire l'effort de venir !
Merde, Thérèse ! Soixante ans de mariage, ça valait quand même le coup, non ?
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