lundi 4 avril 2011

Le train de Trifouilly-les-Oies

LE PROF : Bonjour. Asseyez-vous... Kevin, restez assis. Alors ? En forme, ce matin, hmmm ? Vous avez bien étudié ? Mieux que la semaine dernière ? Ça vaudrait mieux, parce que j'ai ici vos résultats, et ce n'est pas brillant du tout !

LES POTACHES : Grrrmmmmblll...

LE PROF : Silence ! Olivier, voici les feuilles. Restituez-les à leurs propriétaires... Je veux ces interros signées par vos parents pour le cours de jeudi au plus tard, sinon c'est zéro.

KEVIN : (Qui reçoit sa feuille) Ben, j'ai déjà zéro.

LE PROF : En effet, oui.

KEVIN : J'dois pas la faire signer, alors, c'est plus la peine !

LE PROF : Erreur ! Les zéros, c'est comme les perles, Kevin : ça s'enfile ! Bon. Tout le monde a récupéré son interro ? Bien. Alors, maintenant, vous prenez une feuille A4, et...

LES POTACHES : (Dans un touchant ensemble) Hein ?

LE PROF : Oui, une feuille A4, parfaitement... Et je n'ai pas dit une feuille pour quatre, nom d'une pipe !

CHARLOTTE : Une blanche, m'sieur ?

LE PROF : Non, une verte, Charlotte, une verte...

CHARLOTTE : Mais...

LE PROF : La couleur que vous voulez, à lignes ou à carreaux, aucune importance, c'est pour une interreau !

KEVIN : Une interreau ?

LE PROF : Une interro, si vous préférez !

PASCAL : Nous, on préfère pas, m'sieur !

LE PROF : Silence !

JOËLLE : Vous n'aviez pas prévenu, m'sieur !

LE PROF : Et alors ? Est-il indispensable de vous avertir d'un contrôle ? Sûrement pas ! Non, mais... Au vu des résultats de la semaine dernière, je vous offre une chance de vous rattraper avant de rentrer vos cotes pour le bulletin. Vous devriez vous en réjouir ! Et maintenant, vous indiquez votre nom, en haut à gauche, et la date, en haut à droite. Je le précise, parce que c'est fou ce que vous oubliez souvent de mettre votre nom ! La gêne, sans doute ! Bon. Première question...

LES POTACHES : Hé ! Pas si vite, m'sieur !

LE PROF : Dépêchez-vous ! On n'a pas que ça à faire ! Je ne comprends pas pourquoi ça vous prend autant de temps d'écrire votre nom !

LES POTACHES : Pffff...

LE PROF : Et pas de commentaires, je vous prie. Première question : si le train quittant la gare de Trifouilly-les-Oies à sept heures cinquante-quatre a dix-huit minutes de retard, le machiniste parviendra-t-il à combler ce retard avant d'arriver en gare de Sensenruth-sur-le-Sec, distante de cent quatre-vingt-trois kilomètres, s'il roule quatre pour cent plus vite que la vitesse maximale autorisée de cent trente kilomètres à l'heure, sachant que... comment ?

LES POTACHES : Pas si vite, m'sieur !

LE PROF : Je répète... Si le train quittant la gare de Trifouilly-les-Oies à sept heures...

KEVIN : Comment ça s'écrit, Trifouilly-les-Oies ?

LE PROF : Avec ton stylo à bille, mon garçon. Parce que ça ne s'écrira pas tout seul, crois-moi... La gare de Trifouilly-les-Oies à sept heures cinquante-quatre... a dix-huit minutes de retard... le machiniste... et cessez de soupirer !

KEVIN : Oui, mais...

LE PROF : Mais on s'en fiche, Kevin ! Aucune importance ! Écris ça comme tu veux ! Je continue... Le machiniste parviendra-t-il à combler ce retard avant d'arriver en gare de Sensenruth-sur-le-Sec... de Sensenruth-sur-le-Sec... écrivez ça comme vous voulez, ça m'est égal ! De Sensenruth-sur-le-Sec, distante de cent quatre-vingt-trois kilomètres, s'il roule quatre pour cent plus vite... j'ai bien dit : quatre pour cent plus vite... que la vitesse maximale autorisée de cent trente kilomètres à l'heure, sachant que... sachant que... oui, je ralentis. Tant pis si le train n'arrive pas, hein ! Sachant que la locomotive est d'un modèle ancien, qui ne pourra dépasser la vitesse maximale que de deux pour cent... je répète : de deux pour cent, dans la côte d'Outsiplou, longue de quatre kilomètres et qui débute exactement à mi-parcours...

LES POTACHES : Hhhuuuuh ?

LE PROF : Mais non, ce n'est pas compliqué. D'ailleurs, je ne vous demande qu'une seule réponse.

BRIGITTE : Facile à dire !

LE PROF : Oui, une seule réponse, Brigitte. Oui ou non. C'est tout. Oui, il parviendra à combler son retard ; ou non, il ne parviendra pas à combler son retard. C'est simple, n'est-ce pas ? Oui ou non. Vous n'avez qu'une chance sur deux de vous tromper, bande de nuls ! Voilà. Et nous passons à la seconde question.

LES POTACHES : Pffff...

LE PROF : Plus on soupire, plus on se dégonfle, ne l'oubliez pas. Voici la deuxième question : expliquez le paradoxe écologique qui...

LES POTACHES : Hhuuuh ?

LE PROF : Un paradoxe, oui. Un paradoxe. C'est dans votre cours, bande de sous-développés. Un paradoxe, c'est par exemple de vouloir confier l'avenir de la planète à une génération telle que la vôtre... Non, ne cherchez pas à comprendre. Voici donc cette deuxième question : expliquez le paradoxe écologique établissant que plus il y a de soleil, moins on a d'énergie.

LES POTACHES : Hhuuuh ?

LE PROF : Eh ben ! Heureusement qu'il fait souvent nuageux, par ici ! Oui, plus il y a de soleil, et moins on a d'énergie, parfaitement ! Alors, en quoi est-ce un paradoxe écologique ? Hmmm ? Nous l'avons expliqué en long et en large la semaine dernière...

CHARLOTTE : J'étais malade, m'sieur, et...

LE PROF : Vous êtes tout le temps malade, Charlotte. Vous disposez d'une santé précaire qui finira par nous asphyxier la caisse de la sécu. Une semaine vous êtes malade, la suivante vous recopiez les cours que vous avez manqués. Donc ça vous épuise et vous retombez malade !

CHARLOTTE : Ah, là là !

LE PROF : Silence ! Et Jean-François, regardez devant vous ! Sur votre feuille, oui ! Pas sur celle de Marie-France ! Et voici la troisième et dernière question.

BRIGITTE : Trois questions ?

LE PROF : C'est pas assez ? Vous en voulez plus encore ?

LES POTACHES : Pfff... Rrommgnongnon... gnon gnon... rogngngn...

LE PROF : Sileeeeeeeeeence ! Troisième question. Et soyez attentifs, parce que je ne répèterai pas. Si on suppose que la terre est parfaitement ronde et qu'on enroule une corde, parfaitement serrée autour de l'équateur, de combien cette corde se soulèvera-t-elle si on l'allonge d'un mètre ?

LES POTACHES : Hhuuuuh ?

LE PROF : Voilà. Vous avez dix minutes.

KEVIN : Vous voulez pas répéter, m'sieur ?

LE PROF : Vous avez dix minutes.

KEVIN : Heu... répéter la troisième question, m'sieur.

LE PROF : J'ai dit que je ne répèterais pas. Soyez attentifs, bon sang !

CHARLOTTE : (Bas) T'as étudié ?

BRIGITTE : (Bas) Hein ?

CHARLOTTE : (Bas) Tu connais ?

BRIGITTE : Pffff !

LE PROF : Silence, sinon c'est zéro !



ooOoo



LE PROF : Voilà. C'est terminé. Charlotte, ramassez les feuilles !

LES POTACHES : Hééé ! Non, m'sieur !

LE PROF : Vous avez disposé de largement assez de temps ! Charlotte, ramassez les interros... Non ! Tout compte fait, pas vous, Charlotte, ça va vous épuiser. Patricia, veuillez nous collecter les feuilles.

PATRICIA : On peut pas encore avoir un peu de temps ?

LE PROF : Non !

PATRICIA : Pfff...

LE PROF : Mais... dites-moi, Patricia... Heu... Votre mère ne dit rien, pour votre pantalon ?

PATRICIA : Dire quoi, m'sieur ?

LE PROF : Pour les coups de cutter que vous avez donnés dedans. C'est tout déchiré, coupé, effiloché.

PATRICIA : C'est pas des coups de cutter.

LE PROF : Ah non ? Vous avez fait ça comment ?

PATRICIA : Je l'ai acheté comme ça.

LA PROF : Ah bon ? Il est tout neuf ?

PATRICIA : Ben oui. C'est la mode.

LE PROF : Eeh ben ! Et ça coûte cher, un jean tout sale et tout déchiré ?

PATRICIA : Non, c'est juste 75 euros.

LE PROF : Nom de... Et... et vos parents vous paient ça ? Eh ben ! Et... et... posez vos stylos, vous autres ! Ce n'est pas le moment d'en profiter ! Brigitte ! Ramassez les feuilles pour l'autre rangée. Et en vitesse. Et activez, Patricia !

BRIGITTE : Oui, m'sieur.

LE PROF : Kevin, on peut savoir pourquoi vous riez ? Non ? Vous rirez sans doute moins quand vous recevrez votre bulletin... Merci, Patricia... Et... Heu... Merci aussi, Brigitte. Vous pouvez retourner vous asseoir. Et c'est préférable, d'ailleurs, vu la longueur de votre jupe... Les garçons, ce n'est pas la peine de siffler.

KEVIN : Elle a même pas d'culotte.

LES POTACHES : Ouaiiiiiis !

LE PROF : C'est fini, oui ?

BRIGITTE : C'est pas vrai ! J'en ai une.

KEVIN : Mon œil ! T'as qu'à la montrer, si tu veux qu'on te croie !

BRIGITTE : Chiche !

LE PROF : Silence ! Et vous, Brigitte, retournez à votre place. Et vous aussi, Patricia.

KEVIN : T'oserais pas !

LE PROF : Kevin, ça suffit ! Brigitte, descendez de l'estrade. Ce n'est pas la peine d'exciter votre monde !

LES POTACHES : Ouaaaah ha ha ha !

BRIGITTE : Voilà !

LE PROF : Mais... mais... Brigitte ! Baissez votre jupe, saperlipopette !

KEVIN : C'est pas une culotte, c'est un string !

LES POTACHES : Ouaaaaaiis !

LE DIRECTEUR : Eh bien bravo ! Heureusement que je passe dans le couloir. Alors, c'est comme ça que vous donnez votre cours, Dugenou ?

LE PROF : M... Monsieur le dir...

LE DIRECTEUR : Vous passerez me voir dans mon bureau dès la fin du cours.
 

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