mardi 21 juin 2011

La parabole du type qui cherche du pognon

C’est l’histoire d’un mec qui a besoin de fric. Pas vraiment pour lui, car il n’est pas dans la dèche comme beaucoup de ses semblables, mais pour la collectivité. Parce que le gars, il a des responsabilités. Comment assurer le bien-être de tout un peuple lorsque les caisses sont vides et qu’il faudrait les regarnir pour faire face à toutes les échéances et financer les services, travaux et achats importants ?

Le type se dit qu’il va aller chercher du fric là où il y en a : à la banque. Comme il n’est ni assez malhonnête pour décider d’un hold-up ni assez malin pour l’organiser, il va trouver le directeur de la banque.

Du fric ? lui répond celui-ci. Pourquoi pas ? Mais tu connais la conjoncture, les cotations des bureaux d’experts et les cours boursiers : ton peuple n’a pas bonne presse. Je peux te prêter de l’argent, mais c’est à dix pour cent l’an.
Dix pour cent ? Mais tu n’y penses pas ! Jamais je ne pourrai assumer un taux comme celui-là !
C’est à prendre ou à laisser. Voilà le papier, tu as juste à signer.
Non, je te le laisse. Ton fric nous coûterait la peau des fesses !

Mais le mec, bien que dépité, n’est pas encore à court d’idées. Il s’en va voir le PDG de la grosse multinationale qui fut jadis accueillie à bras ouverts.

Toi, tu pourrais sûrement m’aider. Souviens-toi du coup de pouce qu’on t’a donné pour t’installer et faire ton business avec de grosses facilités.
Facilités, facilités… Voilà qui est facile à dire !
Tu ne peux quand même pas le nier ! Impôts réduits, priorités… et tous les avantages que tu en as tirés ! On pourrait aussi te les supprimer…
C’est quand même moi qui ai investi avec les risques que ça comporte ; tu ne voudrais quand même pas que je mette mes ouvriers à la porte ? C’est bien simple : si tu insistes, je délocalise et toute la boîte fait ses valises pour s’installer à Radjaspour où la main-d’œuvre coûte bien moins lourd !
Tu n’oserais quand même pas faire ça !
Que tu crois ! L’Orient me fait une concurrence déloyale, j’ai du mal à nouer les deux bouts, et si tu essaies de me mettre à bout, à toi les mille deux cents chômeurs car j’irai m’installer ailleurs !

Toujours cherchant une solution et quelque généreux donateur, notre héros a un trait de génie en visant le secteur de l’énergie.

Jadis on t’a donné un coup de pouce de Dieu-le-Père pour bâtir tes centrales nucléaires. À présent qu’elles sont amorties, viens donc en aide aux consommateurs qui ont tant payé pour que tu fasses ton beurre.
Et Tchernobyl ? Et Fukushima ? Le nucléaire l’a dans le baba ! Ne sais-tu pas qu’on m’interdit pour mon malheur d’allonger la durée de vie de mes réacteurs ? À présent je dois investir, me reconvertir, payer la recherche pour les énergies renouvelables sans lesquelles nous ne serons plus capables de faire face à nos besoins sans devoir acheter chez nos voisins. En cherchant de nouvelles sources d’énergie, je combats pour l’écologie. Va donc solliciter ceux qui polluent la planète et laisse les moyens de travailler à ceux qui oeuvrent pour la sauver !

La mort dans l’âme, le mec s’en va. Il pense qu’il n’en sortira pas. Il s’en va demander conseil à un gaillard qui a de la bouteille. C’est un de ses prédécesseurs, un vieux briscard, un magouilleur.

Tu t’y prends mal, lui explique-t-il. Tu vas demander du pognon à des gens qui jamais ne t’en donneront ! Le fric il faut le prendre à ceux qui en ont : ils sont des millions.
Des millions ? De qui parles-tu donc ?
Eh bien, de tes contribuables !
Mes contribuables ? Mais ils n’en sont pas capables ! Ils travaillent, ils s’endettent, nombre d’entre eux n’ont pas un rond et tu voudrais qu’ils me donnent du pognon ?
Pas un rond ? Regarde-les : ils prennent l’avion, vont en vacances, bâtissent des maisons et se remplissent la panse. C’est qu’ils ont plus d’un sou d’avance ! L’été est là, la transhumance, c’est le moment d’en profiter ! Pendant qu’ils se dorent au soleil, subrepticement tu fais voter une petite taxe, des accises, des impôts, des centimes additionnels… aie un peu d’imagination, bordel !
Alors, je pourrais ajouter quelques centimes au prix des carburants ?
Tu perds la tête ! Et les lobbys des transporteurs ? Tu veux fâcher les camionneurs ? On a déjà assez d’emmerdes sur les autoroutes des vacances, c’est pas le moment d’y ajouter des opérations escargot et des obstructions à tire-larigot !
Que faire, alors ? Donne-moi une idée !
C’est pas compliqué et je me demande comment tu n’y as pas encore pensé : l’Europe nous montre du doigt pour nos largesses, fais-nous en douce un saut d’index ! Tripote le panier de la ménagère, réaménage l’indice-santé ! Attaque-toi à la tabagie : prélève donc quelques centimes supplémentaires pour la recherche contre le cancer et les maladies cardio-vasculaires !
Ils vont rouspéter !
Pour la forme…
On aura des grèves, des manifs !
C’est l’été, te dis-je, les vacances. Le long repos du bâtiment, la production en léthargie, les syndicats sont désarmés : leurs délégués sont en congé !

Et fort de cet enseignement, le gaillard s’en va lever taxes et impôts en catimini dans notre dos, car ainsi va la vie depuis la nuit des temps, c’est en prenant peu et souvent qu’on s’enrichit le plus discrètement.


Moralité : il est plus facile de piquer dix euros à plusieurs millions de gogos que d’en demander des millions à dix cadors bourrés de pognon.


2 commentaires:

  1. très drôle ! et superbes rimes qui passent comme une lettre à la poste

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  2. Merci !
    Mais le pire, c'est que c'est vrai, tout ça.

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