samedi 30 juillet 2011

Départ en vacances


Nous roulions joyeux sur la route des vacances.
Dans notre grande sagesse (la mienne, surtout), Chérie et moi avions tout prévu, sage précaution quand on souhaite éviter l'imprévu.

Nous avions nos chèques-voyage, notre carte d'assistance, nos réservations ; nos congés nous avaient été accordés (de haute lutte avec une collègue pisse-vinaigre qui arguait qu'elle a deux mouflets lui donnant la priorité).
Les listes d'objets à emporter avaient été dressées, vérifiées, approuvées ; l'itinéraire était prêt et nous avions acheté ce qui nous manquait encore.

Tout était emballé, étiqueté, enfermé dans la malle de la voiture.
Nickel.

Nous roulions joyeux lorsque...

T'es sûr qu'on n'a rien oublié ?

C'est bien les femmes, ça ! « T'es sûr qu'on n'a rien oublié » !
Parce que moi, si j'oublie quelque chose, c'est pas volontairement, en général. Donc comment voulez-vous que je dise si j'ai oublié quelque chose ? Bon, oui, c'est possible, mais quoi ? Puisque c'est oublié...

Beuh... En principe, on a tout. Y avait les listes, et on a coché au fur et à mesure.

Parce que d'ordinaire, je suis plutôt bien organisé : le pense-bête est préparé de longue date, avec des cases à cocher pour ce qu'il faut acheter, puis emballer, puis mettre dans la bagnole.

T'es sûr qu'on a bien fermé derrière ?
Le coffre de la voiture ?
Non, la maison.
Ben... C'est toi qui as fermé, non ?
Ah, non. C'est toi. Tu te souviens pas ? C'est pour ça que je te le demande.
Je dois avoir fermé. J'ai fermé, certainement.
C'est quand tu as dit que tu allais vérifier si on avait fermé la bonbonne de gaz.
Oui, ben alors, j'ai fermé.
N'empêche que ça me tracasse, et... Attention ! Freine !
Sacrebleu ! Quelle andouille, ce Hollandais ! Eux et leurs caravanes...
Tu l'avais pas vu ?
Forcément ! Tu me tracasses avec tes questions...
Oh ! Ça va !
Maman...
On roule, y a du monde, alors faut pas me distraire.
Oh lala...
Mamaaaan...
Hhuuuuh ?
C'est la petite.
Mamaaaan, j'suis malaaaade...
Oh, non ! Chérie, fais quelque chose...
J'dois vomiiiir...
Oh, pas ça !
Arrête-toi, bon sang ! T'entends pas que la petite est malade ?
Mais si, j'entends ! Mais je peux pas arrêter comme ça !
Mets-toi sur le côté ! Mets tes feux de détresse.
Mamaaaaaann...
Oui, oui, on s'arrête, mon petit cœur. On va s'arrêter... Arrête-toi, bon sang !
Mais oui-euh ! Je m'arrê-teuh !
Mamm.... Bleeeeuuuuââââârrk !
Et meeeerde !
Trop tard ! M'enfin ! Pourquoi tu t'arrêtes aussi brusquement, hein ?
Oh ! Ça va !

Nous voilà donc sur le bord de la route.
Comme on a tout prévu, on a toujours un gros bidon de flotte dans le coffre, avec des chiffons et du papier-cul. Pendant que Chérie s'occupe de la gamine, je retrousse mes manches et vide la moitié de la malle arrière. Parce que le matériel de nettoyage est rangé derrière une trappe latérale inaccessible quand le coffre est bourré jusqu'à la gueule.

Pendant que j'éponge, que je frotte, que je rince et que j'essuie en maîtrisant mes nausées, Chérie achève de sortir les bagages pour choisir dans la-grosse-valise-qui-est-tout-dans-le-fond des vêtements de rechange pour la petite.

On remballe, on range. Après tous ces travaux, j'ai soif. Où est la glacière ?

Elle est là.
Zut ! On allait l'oublier.
Heureusement qu'on l'a vue.
Et... et je la mets où ? Y a plus de place.
Forcément. On a été trop vite pour tout remettre en place.
Ne parle pas de remettre, s'il te plaît.

On s'organise. On déplace des sacs, des paquets, des valises.

T'en as pris, des vêtements !
Juste ce qu'il faut.
Bah ! J'suis sûr. On va être en maillot toute la journée, et t'as pris des lainages.
On ne sait jamais.

Finalement, on repart... mais pour quelques mètres seulement.

Qu'est-ce qui se passe ? T'as oublié quelque chose ?
Non. On a un problème. T'as pas senti ?
Je sens que... mais on n'y peut rien, hein ! Ouvre un peu ta fenêtre.
Je parle pas de ça. J'espère qu'on n'a pas crevé.

Hélas ! C'est la triste réalité. En nous rangeant sur le bas-côté, on a dû rouler sur quelque chose de néfaste pour l'avant-droit qui en est tout raplapla.

Heureusement qu'on a une roue de secours et qu'elle est bien gonflée, hein !

Oui, parce que je rappelle qu'on a tout prévu. Même ça.
Ce qui n'empêche que ladite roue de secours, le cric, la manivelle et la clé en croix sont bien planqués sous le plancher du coffre. En soupirant et en maudissant les concepteurs de la voiture, nous déchargeons une nouvelle fois les bagages.

Trente minutes d'effort et de sueur avant de vider cul sec un litre d'eau de source, et nous repartons. Pour de bon, cette fois.

Pas de panique. Nous avons déjà parcouru deux cents bornes, soit un cinquième du trajet, que peut-il encore nous arriver ? Une sortie de route ? Un attentat ? Un tremblement de terre ? Céline Dion à la radio ?
En conduisant, j'essaie de ne pas penser à toutes les mésaventures qui pourraient survenir.

Soudain, c'est bizarre, voilà que la bagnole n'avance presque plus. Pourtant, elle est bien entretenue. Comme j'ai tout prévu, je suis passé au garage la veille du départ, et tout a été vérifié.
Mais voilà. Ça n'avance plus. Tout le monde nous dépasse.

Que se passe-t-il encore ?
Je sais pas. On n'avance pas. Et je pousse à fond sur la pédale, pourtant.

C'est vrai. Je m'arc-boute de toutes mes forces, en danseuse, les mains crispées sur le guidon. Je souffre... je sue... mais heureusement, j'arrive en haut de la côte. Ça va être plus facile. Après, ça descend.

Peu à peu, mes foulées s'allongent, je cours plus vite, je respire mieux. J'entends même le bulletin météo. On annonce de la pluie. C'est bien ma veine !

Machinalement, j'étends le bras pour faire taire ce stupide radio-réveil.
J'ouvre les yeux. Il fait sombre. Le ciel doit être gris. Il ne me reste plus qu'à m'arracher au confort du lit pour une nouvelle journée de boulot. La dernière.

On part en vacances demain.

Dors, Chérie. Tout va bien.

3 commentaires:

  1. Oui, l'autre jour justement je me demandais comment mes parents avaient eu le courage de partir en vacances à plus de 800 km de chez nous... d'une seule traite à chaque fois... jamais je ne ferais un truc pareil, quelle horreur

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  2. @ Paniss : nous ne sommes pas partis longtemps, mais le rêve n'était pas prémonitoire. Ouf !

    @ Stoni : 800 km c'est pas encore des masses. Les Belges aiment généralement bien les côtes méditerranéennes ; et là, ça fait au minimum dans les mille bornes. Et certains le font d'une seule traite. Moi, plus jamais. C'est trop.

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