Par définition, un couillon, c’est un imbécile. Mais puisqu’il y a toutes sortes d’imbéciles, il est inévitable qu’il y ait toutes sortes de couillons. Et puis, à la longue, le mot « couillon » a fini par endosser plusieurs acceptions.
On dit souvent, par exemple : « et nous, pauvres couillons… »
Parce que c’est vrai que le contribuable, c’est un pauvre couillon. Est-ce à dire qu’en chaque contribuable sommeille un imbécile ? Plutôt une sorte de pigeon, de mouton, de brave bête acceptant d’être plumée ou tondue par les décideurs qu’il a lui-même mis en place. Un gogo, en quelque sorte. Parce que le gogo est une sorte de couillon. Un imbécile pas tellement imbécile, mais plutôt rendu impuissant par ceux qui maîtrisent des mécanismes qui lui échappent. Ne dit-on pas : « se faire couillonner » ? Chez vous, je ne sais pas, mais chez moi, oui. En Belgique, nous nous faisons régulièrement couillonner (et je ne parle pas du sport international, genre Coupe du Monde de football). Vous en trouverez quelques exemples ici.
En Belgique francophone et plus particulièrement en Wallonie, un couillon, c’est aussi un froussard. Par extension sans doute du terme wallon « coûyon », qui qualifie une personne ayant les jetons (mais pas au casino, où celui qui a les jetons est un veinard).
Donc, lorsque j’évoque les couillons dans l’Histoire, c’est au sens large. Dans toutes les acceptions du terme.
Par exemple, un couillon qui entrera certainement dans l’Histoire, c’est ce pauvre commandant Schettino. Comment n’en pas parler ? C’est lui qui, sans doute pour fêter dignement le centenaire du lancement et du naufrage du « Titanic », nous a concocté une catastrophe maritime, humaine et, possiblement, écologique.
« Tout le monde le montre au doigt ; sauf les manchots, ça va de soi », chantait Maître Georges. Alors, on brandit vers ce pauvre commandant de bord des index accusateurs. C’est sûr, il a déconné. C’est sûr, il va payer. Mais ne l’accablons pas, parce qu’il n’est pas le seul couillon dans l’affaire, contrairement à ce que tentent de nous faire gober ceux qui essaient de se dédouaner de toute responsabilité.
Et tout d’abord, ceux qui construisent ce genre de paquebot et l’exploitent en même temps que le personnel qui y travaille (de toutes nationalités, mais beaucoup de Philippins logés dans les cales - ou à peu près), ne sont-ce pas des couillons de première ?
Le capitaine est seul maître à bord, paraît-il (après Dieu, préciseront les croyants). Mais confie-t-on un navire de cette valeur et le destin de cinq mille personnes aux seules décisions d’un seul homme, si celui-ci n’est pas estimé compétent ?
Alors, comme ça, chez Costa Croisières, on déclinerait toute responsabilité ? Les couillons qui dirigent la compagnie semblent tout prêts à accabler un seul pauvre type qui a un peu pété les plombs, alors qu’à l’heure de la modernité, des technologies de pointe, des satellites, des GPS et de tout le toutim, les moyens devraient exister pour empêcher justement qu’un seul gus puisse foutre la merde de cette façon-là sans que personne puisse réagir rapidement et efficacement pour l’en empêcher !
Dans les médias, le « Titanic » refait surface (le nom, pas ce qui reste du navire). C’est vrai que si la tragédie du « Costa Concordia » s’était produite en pleine mer, nous aurions eu droit à une catastrophe d’une autre ampleur, propre à remettre en question la conception et l’existence même de villes flottantes dans le genre de cet engin démesuré.
J’ai entendu ce matin à la radio quelqu’un rappeler que le drame du « Titanic » avait été le manque de canots de sauvetage. Il n’y en avait pas assez.
En effet. Moins de places disponibles dans les barquettes que de personnes présentes à bord, c’est effectivement trop peu de barquettes. Mais lors d’un naufrage, il y a toujours trop peu de barquettes. De même que les secours sont toujours trop loin et arrivent trop tard, ou ne peuvent pas intervenir efficacement parce que la mer est toujours mauvaise, etc.
Voilà cent ans que le « Titanic » a sombré. Voilà soixante ans qu’Alain Bombard a expliqué que les canots de sauvetage, il n’y en a jamais assez parce que la plupart sont inutilisables dès que le bateau prend de la gîte. Or, quand un bateau coule, il le fait rarement sans prendre de la gîte. D’un côté, les canots sont en méchant surplomb, difficiles à atteindre et à mettre à l’eau ; de l’autre ils ne servent plus à rien puisqu’ils pendent au-dessus du navire.
Ajoutez-y que, dans la panique généralisée, des canots presque vides sont mis à l’eau alors que d’autres, surchargés, menacent de chavirer. Des gens sautent, pataugent et se noient, faute de trouver un objet flottant auquel s’accrocher.
Des canots gonflables (se gonflant automatiquement par cartouche d’air comprimé dès qu’on les jette à l’eau), comme le suggérait Bombard, n’aideraient-ils pas ? C’est mieux que rien, en tout cas !
Les choses ont-elles changé depuis 1912 ? Les armateurs sont-ils moins avides de profit ? Les paquebots sont-ils mieux conçus ? Les officiers mieux formés ? Les exercices d’évacuation bien organisés et bien compris ? Et ces exercices serviraient-ils vraiment à quelque chose ?
Mais comment discipliner plusieurs milliers de touristes qui, fort logiquement, ont la trouille de leur vie et ne songent qu’à sauver leur peau ?
« En rang par quatre, gilet de sauvetage, les femmes, les enfants et les plus richards d’abord et, surtout, pas de panique ! » Pas de panique !
Mais panique il y a, dès qu’il s’agit d’évacuer, et c’est bien compréhensible. Les héros sont rares ; et un gus qui se sacrifie pour sauver les autres d’abord et lui ensuite, quelque part, c’est un couillon. Un brave type, certes, mais un couillon. Un brave couillon.
Pour en revenir au drame qui occupe les médias ces derniers jours, notons la circonstance aggravante pour le mégacouillon désigné grand responsable du naufrage du « Costa Concordia » : il n’est pas resté le dernier à bord de l’épave. Quel scandale ! Manquement au devoir le plus élémentaire du commandant, qui se doit de sombrer, s’il le faut, en même temps que son bateau si tout le monde n’en a pas été évacué, avec ou sans cantiques.
Voilà une monstrueuse bévue qui rappelle non pas le « Titanic », mais un autre navire tristement célèbre : la « Méduse ».
Échouée sur un banc de sable, au large de la Mauritanie, en 1816, la « Méduse » dut être évacuée. Comme il manquait de place dans les canots de sauvetage (vous voyez que le problème n’est pas neuf !), Hugues Duroy de Chaumareys, commandant de bord, songeant avant tout à sauver sa carcasse, s’embarqua avec quelques privilégiés et du ravitaillement dans la meilleure des chaloupes, abandonnant près de cent cinquante malheureux sur un misérable radeau. Une quinzaine d’entre eux survécurent et c’est à peine si on accorda foi au témoignage de ceux qui étaient encore en état de parler ! Gros couillon de l’Histoire, Chaumareys ne fut même pas inquiété.
Parce que parfois, les couillons sont des privilégiés, bien protégés par d’autres couillons tout aussi privilégiés…
Mais j’arrête là, sinon je vais parler de politique.
voilà un billet trsè bien écrit et en plus très intéressant...
RépondreSupprimeril est vrai qu'à bord, le commandant, ou le pacha (c'est comme ça qu'on l'appelle dans la "royale" française) est le seul maitre à bord après Dieu. Et il n'est pas nécessaire d'être croyant pour utiliser cette formule. Pour ma part, sur mon premier embarquement, j'avais écrit à mes parents, en reprenant une formule qui, hélas, n'était pas de moi: "je suis le seul maitre à bord, après Dieu, le commandant et quelques autres..."
pour en revenir, au cdt du Concordia, il est vrai qu'il a fauté: d'abord en étant trop près de la côte et en n'écoutant pas ses officiers qui l'ont mis en garde; il est vrai qu'il a ensuite bien manoeuvré pour éviter le chavirage du bâtiment plus au large;
En quittant le navire, il a manqué au devoir le plus élémentaire d'un marin et d'un cdt: à savoir, organiser l'évacuation du navire et ensuite se soucier de sa personne: mais ensuite seulement!
Donc, Ludovic, ce ntype n'est pas le couillon que tu supposes: bien au contraire, même si aujourd'hui il est montré du doigt. Sauf qu'il est le premier et seul responsable de ce naufrage.
Pour continuer dans ma veine contradictoire:
sur la Méduse, comme sur tous les bâteaux de cette époque, il n'y avait pas de canots de sauvetage; il y a avait une ou deux chaloupes, dont une réservée au cdt pour ses allers retours à terre quand le bâtiment était au mouillage.
Cela n'enlève rien à la resposabilité de son cdt, comme le fait que celui du Concordia ne peut s'extraire de sa responsabilité parce que salarié de haut niveau d'un groupe capitaliste.
Cela posé, cet article est bien agréable à lire et met en lumière quelques évidences que l'on a parfois trop souvent tendance à oublier.
Article et commentaire de Paniss très instructifs, comme toujours !
RépondreSupprimerMerci pour tes commentaires, Paniss !
RépondreSupprimerC'est très bien observé. Comme je l'indique d'ailleurs en introduction à mon article, "couillon" revêt plusieurs acceptions, du moins chez moi.
Oui, le "pacha" du Concordia mérite ce qualificatif, pour les raisons indiquées, mais il n'est pas le seul à le mériter, contrairement à ce qu'essaient de faire croire ses employeurs ! Oui, dans cette affaire, si le commandant de bord est justement montré du doigt, il est effarant d'entendre les réactions des patrons de la compagnie exploitant le paquebot ! Je n'ai peut-être pas suffisamment insisté sur ce point ?
Maintenant que les événements ont eu lieu, on va s'interroger sur l'opportunité de lancer et exploiter de telles villes flottantes, alors qu'on aurait dû y songer avant.
C'est un peu comme les centrales nucléaires : il faut un Tchernobyl, puis un Fukushima, pour qu'on se pose de sérieuses questions. Mais les proprios/exploitants balaient tout ça d'un revers de main : c'est sans danger !
Ludovic: sur ton dernier paragraphe, je serai tenté de partager ton opinion; sauf qu'il ne faut pas tout mélanger: le nucléaire est d'un autre niveau et d'un autre danger et il me semble que la réflexion est toute autre.
RépondreSupprimerSi parce qu'il y a un danger quelconque, il ne faut plus rien faire, plus rien entreprendre, alors autant se mettre un gueuse de 50kgs (en fonte, bien sûr..) autour du cou et se jeter dans le premier fleuve qui passe.
Oui ces paquebots sont énormes, comme le sont les porte avions ou les super tankers ou les immeubles de 50 étages et plus; comme le sont les camions de 40 ou 50 tonnes qui roulent sur nos routes ou le A380 d'Airbus qui peut transporter 550 personnes...etc, etc, et la liste est infinie.
bref, des naufrages, il y en a depuis que l'on a mis un morceau de bois sur l'eau avec des bonhommes dedans: aurait-il fallu interdire de construire la moindre barcasse parce que des gens à leur bord se sont noyés? Auarit-il fallu interdire le chemin de fer parceque dans les années 1850 un train a déraillé et tué plus de 50 personnes?
ton interrogation est pertinente, mais la réponse ne l'est pas. Pour autant, il convient de mettre en place toutes les mesures possibles pour éviter les catastrophes. Mais toutes ces mesures seront inopérantes si l'erreur ou la bêtise humaine prend le dessus. Il n'y a pas de mailleurs exemples que celui du Concordia...
bien à toi
Ludovic: 02H37 AM: aurais tu des insomnies?
RépondreSupprimermais à bien regarder l'heure à laquellede mon commentaire 01.01 AM, je me dis qu'il y a une couille dans le potage, pardon , dans la pendule: il est exactement 10H01, heure française...
Oui, c'est fou, ces trucs d'heures.
RépondreSupprimerUn hacker ?
Ou alors, c'est Bazouk. Un génie, celui-là.
RépondreSupprimerC'est dingue. C'est l'heure belge, à mon avis. Dans la liste des messages, les heures sont correctes, mais en affichage sous le message concerné, ça déconne. En tant que béotien en informatique, je décline toute responsabilité.
RépondreSupprimerMille sabords ! Quel est le couillon qui a saboté mon horloge ?
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJ'ai même réussi à multiposter ! Puis à supprimer le doublon. Je progresse...
RépondreSupprimerJ'ai même réussi à double-poster, puis à supprimer le double commentaire. Je progresse.
RépondreSupprimerAh, ben non, je progresse pas, en fait. J'ai double-posté mon cri de victoire.
RépondreSupprimerJe suis démodé, y a pas à dire.
Ou alors, couillon aussi, de faire confiance à cette p... de technologie du 21e siècle !
RépondreSupprimertiens, j'ai trouvé ça: http://www.lexilogos.com/wallon_langue_dictionnaires.htm
RépondreSupprimertu étudies attentivement, il y aura une interro écrite...
Oui. Je connais un peu. Mais contrairement au français, qui est une langue à la fois parlée et écrite, avec sa grammaire et ses règles (bien) établies, le wallon est essentiellement un langage oral. Certains ont tenté et tentent encore de fixer des règles, mais quelques kilomètres de distance suffisent à dire les choses différemment. Quant à les écrire...
RépondreSupprimerBon, tiens-toi bien, Ludovic, je vais tenter quelque chose...
RépondreSupprimerAu secours !
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