samedi 19 mai 2012

Les phénomènes de société

En marge de mon dernier article (en date – faut pas rêver, je vais continuer à sévir) où je vous entretenais une fois de plus sur les merveilles du monde dans lequel nous vivons, j'aurais pu vous servir une nouvelle page d'actualités à la con.

Il n'y a qu'à observer notre entourage, surfer sur le Web, écouter la télé, regarder la radio (ou l'inverse, c'est plus efficace) pour récolter quotidiennement une moisson de crétineries que notre Galaxie tout entière nous envierait si elle en avait quelque chose à battre.

De Bashar Al Assad se réjouissant du départ de Sarkozy et escomptant que Hollande daignera au moins, lui, reconnaître en Sa Splendeur un père aimant son peuple par-dessus tout ; jusqu'à Jean-Luc Dehaene publiant ses mémoires (si vous ne connaissez pas ce personnage, sachez qu'il s'est récemment qualifié lui-même de « pompier pyromane ») ; en passant par la défection de l'entraîneur de notre équipe nationale de football (Georges Leekens, très fier d'avoir accompli 90 % du boulot – le solde ridicule ne consistant plus qu'à nous qualifier pour la prochaine Coupe du Monde)... on n'a que l'embarras du choix.

J'aurais pu, donc, vous offrir une nouvelle page d'actualités à la con ; mais il se fait qu'en mettant de l'ordre dans mon brol, j'ai exhumé un bout de papier arraché jadis au numéro du 11/01/2006 de l'hebdomadaire « Moustique » (qui s'appelait encore « Télé Moustique » à l'époque).

Dans « Les humœurs », le très regretté Marc Moulin nous entretenait du « crime qui ne coûte pas » et de certains « phénomènes de société ».

Je vais donc relever pendant quelques minutes le niveau de mon blog en citant quelqu'un qui a de l'esprit, ce qui pourra me donner en même temps l'illusion d'en avoir un peu moi-même. Bien sûr, j'aurais pu tout recopier et faire comme si tout ça était de ma plume, ce qui présenterait en outre l'avantage de coller parfaitement au sujet, puisqu'il est question de copie illégale ; mais je ne parviens pas à me défaire de cette sale manie que j'ai prise de respecter le travail d'autrui et de considérer que tout ce qui est publié n'appartient pas à tout le monde tant que l'auteur n'est pas décédé depuis plus de 70 ans.

Voici donc ce qu'écrivait Marc Moulin, en janvier 2006 :


Étonnant, l'éditorial du Soir du 5 janvier. Le titre : « Et si on légalisait le téléchargement ? » Je vous résume : allez, quoi, tous ces millions de gens qui piratent musique et films, ça ne peut pas être malhonnête, puisque c'est devenu un phénomène de société. Et ça conclut sur un vibrant : « Le téléchargement est une pratique sociale profondément ancrée. Il ne faut pas l'étouffer, mais le légaliser. Soyons créatifs, inventons des modes de diffusion audacieux, respectant le droit d'auteur. Et celui du consommateur à surfer sur la diversité culturelle. Les idées ne manquent pas. Action ! »

Évidemment, personne n'y a pensé avant, c'est une simple question de créativité. Par exemple, pour le tabagisme, tenez, on ne parle que de ça en ce moment : 25 % de fumeurs, c'est un phénomène de société, ils n'ont donc aucune raison de culpabiliser. Soyons créatifs, multiplions les espaces fumeurs. Ou tous ces gens qui agressent des vieilles pour leur piquer leur sac, c'est encore un phénomène de société. Je ne sais pas, moi, il n'y a qu'à leur mettre deux sacoches, à ces vieilles, et elles n'auront qu'à en donner une spontanément. Pareil avec le racisme : à ce niveau de pourcentage, c'est un phénomène de société. Il suffit d'être créatif, je ne sais pas, moi, il n'y a qu'à tolérer un peu de racisme, en le partageant chouettement : tu critiques ma race, je critique la tienne. Les idées ne manquent pas.

(Marc Moulin, TéléMoustique, 11 janvier 2006)



Dans la même veine, on pourrait parler des tags. Il y a des mecs (et des nanas, peut-être) qui peinturlurent tous azimuts : les murs, les portes, les volets, les véhicules. Oui, les véhicules : les trains, par exemple. Chez nous, c'en est plein. Il y en a sur toutes les lignes, des rames couvertes de tags dégoûtants. Je sais qu'il y a des gens qui trouvent ça beau, ou artistique, ou de bon goût, mais moi j'appelle ça du vandalisme, du manque de respect pour les autres et ce qui leur appartient. Et les monuments ? On barbouille le bien public, maintenant. Il y en a tant, de ces tags, sur les murs et les ponts, dans les tunnels routiers... C'est un phénomène de société. Il faut laisser les gens s'exprimer. On pourrait trouver des idées, non ? Les pouvoirs publics pourraient fournir gracieusement les pots de peinture blanche, les rouleaux et les pinceaux aux commerçants pour qu'ils remettent à neuf leurs volets roulants barbouillés, par exemple. Et charger quelques « assistés » (chômeurs, petits vieux, immigrés...) de faire le boulot plutôt que de les payer à glander.

Et rouler au-dessus de la vitesse maximale autorisée ? C'est aussi un phénomène de société : il y en a tant, des automobilistes qui font ça ! C'est même devenu un sport national et international. On pourrait faire preuve d'imagination. En responsabilisant les gens, par exemple. Ils le savent, quand même, qu'ils roulent vite. Alors, je ne sais pas, moi, mais tant qu'ils ne causent pas d'accident, on pourrait ne pas les sanctionner, les chauffards. C'est vrai, quoi : ce n'est pas parce qu'on a un flingue qu'on va nécessairement refroidir quelqu'un ; et ce n'est pas parce qu'on roule à fond la caisse qu'on va nécessairement écraser le premier môme qui traverse. C'est du procès d'intention, ça !

Je pourrais continuer pendant des pages, par exemple avec les types qui mettent leurs pompes dégoûtantes sur les sièges d'en face, dans le train, le tram, le métro ; ceux qui déballent les marchandises dans les boutiques et laissent tout n'importe comment ; ceux qui enfoncent les ongles dans les fruits pour vérifier qu'ils sont assez mûrs ; ceux qui balancent leurs crasses le long des routes ou leurs déchets de peinture dans les égouts ; ceux qui squattent les places de stationnement réservées aux moins valides ; etc.

Comme j'en parlais dans ce précédent article, réprimer ne sert à rien, ou si peu. Il est préférable d'éduquer.

Bon, voilà, je n'ai pas été rigolo, une fois de plus.

Alors, je vais réparer en vous parlant du football belge.

Non, ne riez pas.

Si ? C'est rigolo, le football belge ?

Vu de l'extérieur, probablement (François Hollande ne s'y est pas trompé), mais pour ceux qui paient leurs tickets, je ne sais pas si c'est la fête toutes les semaines.

Mais c'est vrai qu'il n'est pas terrible, notre football. Même si on a le meilleur joueur du Championnat de France, le meilleur du Championnat de Hollande (!), le meilleur du Championnat d'Angleterre...

Enfin, il paraît qu'on sera parmi les favoris de la prochaine Coupe du Monde, selon les spécialistes du Monde du football. Faudrait d'abord se qualifier, hein ! Déjà que l'entraîneur s'est fait la malle... Mais ça, selon des spécialistes de la Belgique du football, ce serait peut-être déjà un pas dans la bonne direction.

8 commentaires:

  1. Mais le football n'est-il pas un gros phénomène de société ?

    RépondreSupprimer
  2. « Voici bientôt quatre longues semaines que les gens normaux, j’entends les gens issus de la norme, avec deux bras et deux jambes pour signifier qu’ils existent, subissent à longueur d’antenne les dégradantes contorsions manchotes des hordes encaleçonnées sudoripares qui se disputent sur gazon l’honneur minuscule d’être champions de la balle au pied.

    Voilà bien la différence entre le singe et le footballeur. Le premier a trop de mains ou pas assez de pieds pour s’abaisser à jouer au football.
    Le football. Quel sport est plus laid, plus balourd et moins gracieux que le football? Quelle harmonie, quelle élégance l’esthète de base pourrait-il bien découvrir dans les trottinements patauds de vingt-deux handicapés velus qui poussent des balles comme on pousse un étron, en ahanant des râles vulgaires de boeufs éteints.
    Quel bâtard en rut de quel corniaud branlé oserait manifester publiquement sa libido en s’enlaçant frénétiquement comme ils le font par paquets de huit, à grands coups de pattes grasses et mouillées, en ululant des gutturalités simiesques à choquer un rocker d’usine? Quelle brute glacée, quel monstre décérébré de quel ordre noir oserait rire sur des cadavres comme nous le vîmes en vérité, certain soir du Heysel où vos idoles, calamiteux goalistes extatiques, ont exulté de joie folle au milieu de quarante morts piétinés, tout ça parce que la baballe était dans les bois?
    Je vous hais, footballeurs. Vous ne m’avez fait vibrer qu’une fois : le jour où j’ai appris que vous aviez attrapé la chiasse mexicaine en suçant des frites aztèques. J’eusse aimé que les amibes vous coupassent les pattes jusqu’à la fin du tournoi. Mais Dieu n’a pas voulu. Ca ne m’a pas surpris de sa part. Il est des vôtes. Il est comme vous. Il est partout, tout le temps, quoi qu’on fasse et où qu’on se planque, on ne peut y échapper.
    Quand j’étais petit garçon, je me suis cru longtemps anormal parce que je vous repoussais déjà. Je refusais systématiquement de jouer au foot, à l’école ou dans la rue. On me disait : « Ah, la fille! » ou bien : « Tiens, il est malade », tellement l’idée d’anormalité est solidement solidaire de la non-footballité.
    Je vous emmerde. Je n’ai jamais été malade. Quant à la féminité que vous subodoriez, elle est toujours en moi. Et me pousse aux temps chauds à rechercher la compagnie des femmes. Y compris celle des vôtres que je ne rechigne pas à culbuter quand vous vibrez aux stades. »

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Citer autrui, ça peut parfois permettre, pendant quelques instants, de paraître plus brillant qu'on ne l'est.
      Moi, j'aime bien le foot, mais j'en regarde peu et je ne vais jamais au stade.
      Je ne me permettrais pas, par contre, d'insulter ou mépriser les gens qui s’enthousiasment pour cette activité à caractère sportif ou la pratiquent.
      C'est tellement facile de mépriser ce qu'on n'aime pas.

      Supprimer
    2. évidamment mais lorsqu on constate que des gens volent, mendie ou bien encore vote front national, nous devons aussi nous demander pourquoi ils le font. et ne pas se contenter de les ignorer en disant que ce n est pas bien. ce ne sont pas des choses que gens font naturelement.

      Supprimer
  3. Ce qu'il y a, c'est qu'à l'inverse, c'est devenu une sorte de mode (ou de phénomène de société) de détester le foot...

    Il suffirait sans doute de cesser de le médiatiser autant.

    Remarque, ce serait marrant qu'on nous prenne le chou avec un autre sport sur le même principe. L'excellent curling, par exemple.

    Et les infos du matin qui deviendraient :
    1. La politique (au sens : la mise en cause d'un quelconque ministre dans une sombre affaire financière ou de cul).
    2. La guerre dans n'importe quel patelin du Moyen-Orient.
    3. Le curling.
    4. Les résultats du loto, ou à défaut, de la Bourse.
    5. Rapidement, en fonction du temps d'antenne restant, quelques vraies informations.


    « Le président de la République s'est rendu avec son épouse et ses quarante-treize ministres (sauf celui de la paix compromis dans une affaire de vente d'armes) à la rencontre Slovénie-Botswana de curling mixte. Douze morts dans les tribunes à la suite d'un mouvement de colère des supporters botswanais qui ont contesté une décision de l'arbitre de touche. »



    Cela dit, pour quelqu'un qui trouve le foot plutôt chiant mais qui s'intéresse à d'autres sports, c'est un peu agaçant d'entendre parler du transfert de je sais pas quel joueur dont on n'a rien à foutre (pour la modique somme de 78945687064869045860 $ par mois), mais de ne rien savoir des éventuels autres sports, dans lesquels il se passe pourtant parfois aussi quelque chose.

    Alors, c'est vrai, y a des chaînes spécialisées. Et tant mieux. Mais pourquoi le foot doit-il nécessairement avoir sa place dans les flashes d'infos ? Même quand c'est pour nous donner le bilan d'une obscure journée de championnat sans le moindre enjeu ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Détester ce qui attire les foules ou suscite l'enthousiasme des médias, c'est effectivement un phénomène de société.

      Supprimer
  4. Ha ha ! Alors voici le niveau 2 : est-ce que prétendre que c'est un phénomène de société est en soi un phénomène de société ?

    RépondreSupprimer
  5. moi, je m'en fous, du moment que le PSG s'est fait éclater par Montpellier, tout me va !

    RépondreSupprimer