Avant toute chose, je tiens à
rappeler que lorsque je parle de « couillon », le terme
est à prendre au sens large. Vous trouverez dans ce message un
paragraphe explicatif à ce sujet.
C'est en feuilletant un bouquin
consacré aux inventeurs, ces génies – connus et méconnus,
encensés ou ignorés de leur vivant – ayant émaillé l'histoire
de l'Homme moderne, que je me suis rendu compte qu'on trouve parmi
eux quelques exemplaires couillons.
Alfred Nobel, par exemple. Un
phénomène, celui-là. Un Suédois.
Ce type était obsédé par la
nitroglycérine, ce truc qui peut vous péter à la figure pour un
oui ou pour un non, et passait son temps à jouer avec dans l'usine
familiale. Évidemment, ce qui devait arriver arriva : une belle
explosion pour envoyer ad patres cinq malheureux dont Emil, le
petit frère de notre génie.
Très marqué par cette tragédie,
Alfred se remet au boulot. Mais pas au jardinage, non. Il continue de
jouer avec la nitroglycérine pour la rendre moins dangereuse. Moins
dangereuse pour celui qui la manipule, bien entendu.
En mélangeant sa substance avec une
autre, plus lourde, inerte, Alfred est tout content qu'il soit alors
nécessaire d'utiliser un détonateur pour tout faire péter. Alors
que jusque-là, on disait de lui qu'il n'avait pas inventé la
poudre, voilà que notre bon Alfred nous fabrique la dynamite.
Quelle belle invention ! Fini de
creuser à la pioche dans les mines. Fini les coups de pelle pour
tracer des routes. Quelques bâtons bien placés et... Boum ! Le
gros du boulot est déjà abattu.
Évidemment, dès que vous inventez
quelque chose qui peut exploser, péter à la gueule, détruire,
tuer, démolir, pulvériser ou hacher menu, soyez certain
d'intéresser ces sauveurs du Monde libre que sont les militaires.
Voilà donc notre brave Alfred qui joue
le rôle du couillon de service. Parce que dès que vous inventez
quelque chose qui peut être récupéré à des fins militaires, même
si vous n'y aviez pas songé une seule seconde, vous entrez de plein
droit dans la confrérie des riches couillons qui risquent de marquer
l'Histoire.
Bourré de remords plus que d'aquavit,
Alfred Nobel décide alors de se racheter en léguant toute sa
fortune à la création du Prix Nobel.
Il y a à présent des Prix Nobel de
n'importe quoi. Même de littérature. Ça vaut ce que ça vaut, mais
c'est quand même grâce à un couillon qui s'est enrichi grâce à
une invention qui a tué des tas de gens par le truchement
d'accidents, de conflits divers, d'attentats, de vols avec violence,
de sanglantes scènes de ménage et même de guerres qu'est attribué
chaque année un Prix Nobel de la Paix.
Moins marquant dans le genre « génie
impérissable », nous avons Joseph Cayetty. « Qui c'est
celui-là ? » vous demanderez-vous en songeant peut-être
en passant à la moustache de Pierre Vassiliu. Eh bien, Joseph
Cayetty, ce serait l'inventeur du papier hygiénique ! Le célèbre
PQ. Oui, monsieur ! Rien de moins que ça.
Vous remarquerez qu'on n'a pas appelé
ça du Cayetty ou du Joseph Cayetty. Non. Ce n'est pas comme la
poubelle de monsieur Poubelle. Nous n'avons pas de rouleaux de
Cayetty comme nous avons des couvercles ou des poignées de
poubelles. Modeste, donc, notre inventeur. Ce qui est étonnant,
parce qu'il était quand même Américain. L'avantage de l'affaire
c'est que « Cayetty » est resté un nom propre. Tandis
que « poubelle » est devenu un nom aussi commun que
l'objet qu'il désigne.
À l'époque de son invention (aux
alentours de 1855), le PQ était un produit de luxe. Oui, de luxe.
Qui songerait à ça aujourd'hui ?
En ces temps très reculés, on se
torchait l'anus avec des bouts de journaux. Celui de la veille ou de
l'avant-veille ; parfois même celui du jour en cas d'urgence.
Aujourd'hui, c'est vrai qu'on
réserverait bien cet usage à certaines feuilles de chou qui ne
méritent guère de meilleur traitement ; mais il faut aussi
reconnaître que les journaux se vendent moins, que certaines
personnes n'en achètent jamais, et que le papier glacé imprimé en
couleurs qu'on nous fourgue dans la boite à lettres n'est pas
l'idéal en la matière.
D'ailleurs, aujourd'hui, les nouvelles
se lisent essentiellement sur le Web. Et je vois mal les gens se
torcher le cul avec leur tablette.
En tout cas, si je n'avais pas trouvé
ce bouquin sur les inventeurs, je n'aurais jamais connu le nom du
couillon qui a inventé le PQ. Je n'écris pas « couillon »
à cause de sa création, que j'apprécie beaucoup en dépit de
certains inconvénients relatés dans cet article, mais parce qu'il
est passé à côté de la célébrité. Qui donc connaît Joseph
Cayetty ?
Dois-je à présent vous parler de
Gustave Eiffel ? Il paraît qu'il a inventé le
porte-jarretelles.
"Ce qui est étonnant, parce qu'il était quand même Américain."
RépondreSupprimerHa ha ha !
le PQ, une belle invention tout de même.
RépondreSupprimerRespect au Cayetty.