jeudi 20 décembre 2012

Ceci n'est pas un adieu

Je sais que tout le monde en parle et que la plupart des gens s'en foutent, surtout ceux qui sont pauvres et en mauvaise santé, mais comment, en ce 20 décembre 2012, ne pas glisser un petit mot sur mon blog pour vous entretenir de ce qui déchaîne autant de passions que d'indifférence ? La fin du Monde.

Selon des personnes apparemment bien informées, ce serait pour demain. À quelle heure ? Comment ? Ça, on ne nous l'explique pas vraiment. Et quand on nous l'explique, c'est dans des langages tellement divers que l'envie nous prend de porter l'index à la tempe ou de lever les yeux au ciel, ce ciel qui n'existera plus demain, ou après-demain, si on veut bien en croire les prophètes du désastre appliqué à l'Humanité.

Voulez-vous que je vous dise ce que je pense de tous ces illuminés ?

Bon, je n'ai peut-être pas besoin de le dire, puisque je viens d'opérer le raccourci magique consistant à inclure la réponse dans l'énoncé de la question ; style « couleur du cheval blanc de Napoléon ».

Il y a des gens qui savent toujours tout. Et ceux qui croient en savoir le plus sont généralement ceux qui ne savent rien ; parce que les vrais savants vous le diront toujours : « plus j'apprends, moins j'en sais ». Non que le fait d'apprendre rende ignorant, mais l'instruction incite à rendre modeste vis-à-vis l'infinité de ce qui reste à connaître.

Malgré cela, il y aura toujours des gens qui savent tout mieux que tout le monde. Souvent, ces gens se spécialisent dans un domaine particulier qu'ils s'imaginent maîtriser comme personne ; mais à côté d'eux, vous en trouverez qui ont des idées bien arrêtées sur tout.

A-t-on détroussé une jolie étudiante ou violé une petite vieille ? Volé la grange du Père Lepoilu ou incendié la mobylette du curé ? Tandis que les enquêteurs mènent patiemment et professionnellement leurs investigations, le voisin d'en face et cousin du boulanger répétera à tout qui veut l'entendre dans un rayon de dix mètres à partir du coin du comptoir de la buvette du club de foot où il exerce ses talents d'arrière droit, que le coupable ne peut être bien sûr que Machinchose.

Chaque année, essentiellement au printemps et à l'automne, des météorologues d'arrière-boutique vous expliqueront qu'on va avoir un été pourri ou un hiver exceptionnellement rude. Ils soutiendront leurs propos en affirmant répéter ce qu'ils ont entendu à la télé ou à la radio ou lu dans le canard local, parce que c'est bien connu : les prévisions météo se font toujours sur le long terme.

Évidemment, ce qu'ils ont lu ou entendu serait plutôt du genre : « on pourrait vivre un été torride ou un hiver pluvieux », les prévisionnistes ne pouvant que se baser sur des statistiques, des modèles plus ou moins récents et des probabilités qui ne vaudront jamais que ce qu'elles valent, pour se risquer à des prévisions dépassant la huitaine de jours. Quand on a vécu deux ou trois étés torrides successifs, le compère pourri a d'autant plus de chances de surgir, même si la certitude sur le sujet demeure toujours aux abonnés absents.

Bien entendu, les prévisionnistes d'opérette seront, dans les semaines et mois qui suivront leurs prédictions, soit frappés d'amnésie au point d'oublier de vous parler des bêtises qu'ils avaient proférées, soit exagérément triomphalistes à coups de « je vous l'avais bien dit ! » selon le degré de vérification de leurs prophéties.

En général, le prophète de base, bas de plafond et fort en gueule, se contentera de prévisions binaires : oui ou non. Hiver rude ou hiver doux ; été torride ou été pourri. Il n'a qu'une chance sur deux de se tromper, ce qui lui en donne tout autant de triompher.

Cette histoire de fin du Monde pour demain relève de la même fantaisie : ça se produira ou ça ne se produira pas. Peu importe la manière, finalement : rôtis, noyés, pulvérisés, asphyxiés, irradiés... nous finirons demain notre triste existence terrienne. Enfin, selon les tenants de l'apocalypse imminente !

Alors, moi, je vais vous le dire franchement : ceci n'est pas un adieu. La fin du Monde n'est pas pour demain. On a le temps d'encore déconner un petit peu.

Au bureau, par exemple, ce midi, nous avons pris l'apéro en nous disant que c'était peut-être le dernier ; mais lundi nous remettrons ça en proclamant joyeusement que nous l'avons échappé belle ! N'est-ce pas merveilleux ?

Et puis, je vais aussi vous avouer autre chose : je ne tiens pas à avoir l'air con. Comme ça m'est déjà arrivé souvent, je ne devrais pourtant pas me soucier d'être ridicule une fois de plus, d'autant que ça n'a jamais tué personne et qu'un moment de honte est vite passé, mais toutes les fois où ça s'est produit, c'était à mon corps défendant. Je ne l'avais pas fait exprès.

Alors, si j'écris soudain « Adieu, Monde cruel » dans mon message de ce soir, je suis absolument sûr de me couvrir de ridicule. Demain, nous serons encore là. Et il faudra que je m'explique. Je n'y tiens pas.

Je suis démodé mais pragmatique : si je vous dis adieu et qu'après-demain nous sommes encore tous là, que devrai-je faire ? Me taire ? De toute façon, j'aurais l'air con.

Par contre, si je vous dis « à bientôt » sur ce blog et que nous nous y retrouvons effectivement encore demain et après-demain et l'an prochain... j'aurai échappé au ridicule. À coup sûr.

Ce ne sera évidemment pas le cas pour tout un tas d'illuminés qui vont avoir l'air con, mais con...

Alors, je vous dis : « À bientôt pour un prochain message sur ce blog ».

Et si je me suis gouré, ben... plus personne ne devrait être là pour me le rappeler, n'est-ce pas ?

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