Ami auteur édité, vraiment édité
chez un vrai éditeur avec un bon réseau de distribution ; ami
auteur édité, quand tu vois ton bouquin sur l'étalage d'un
libraire, cela te fait-il quelque chose ? Et d'en trouver une
pile de dix sur un présentoir à la FNAC ou une autre grande
enseigne, avec à côté quelques ouvrages d'auteurs connus et
reconnus, cela te remplit-il de joie ?
J'essaie d'imaginer l'effet que ça
fait, puisque ce genre de chose ne m'est jamais arrivé, et si je
trouve sur la Toile quelques commentaires d'écrivains (comme celui-ci) ayant vécu cette situation, je me dis « Ouah !
Ça doit lui faire quelque chose, quand même ! »
Conscient que nombre d'auteurs rament à
la recherche d'un éditeur et réalisant que ceux-ci, parfois,
décrochent enfin le contrat tant souhaité, je me dis qu'à eux
aussi, même et surtout s'il s'agit de leur premier livre, ça doit
leur retourner les tripes.
Récemment, je reçois dans ma boîte à
lettres l'habituelle pile de dépliants publicitaires que je parcours
d'un derrière distrait – selon la formule consacrée – avant de
les jeter dans le carton qui filera à la déchetterie ; et là,
quand même, mon regard s'arrête sur une annonce pour des livres à
cinq euros l'unité. Cinq euros, c'est bon marché, surtout pour des
romans de plusieurs centaines de pages en format ex-libris avec
jaquette couleur et présentant l'aspect du neuf.
Curieux, je passe par ladite boutique
quelques jours plus tard et je vérifie que c'est bien vrai, ces
livres neufs à cinq euros. Des livres qui coûtaient trois à quatre
fois ce prix-là en librairie quelques mois plus tôt. Sûr. Je les y
avais déjà aperçus. Donc, les voilà soldés dans un magasin qui
vend des vêtements, des jouets, de la vaisselle et du petit
électroménager, des articles de jardinage, des piles, des
cartouches d'imprimante...
Et là, je me dis : « Et
l'auteur, dans tout ça ? »
Ben oui, l'auteur.
Toi, par exemple, camarade auteur édité
par une boîte bien distribuée ; toi qui as vu ton livre sur
l'étalage à la FNAC, toi qui l'as vu en vitrine chez le libraire,
toi qui...
Toi qui te demandais ce qu'il était
devenu ensuite, lorsque son permis de séjour sur les présentoirs
était arrivé à échéance ; toi qui avais interrogé à
plusieurs reprises ton éditeur (en ne recevant de sa secrétaire que
de vagues informations) pour tenter de connaître les chiffres de vente ; toi qui te demandais quel serait le montant de ton
prochain chèque de droit d'auteur...
Toi qui te posais ces questions, tu
vois soudain ton bouquin en solde à cinq euros chez Fitrac ; et
tu te demandes ce qui t'arrive, ce que tu as fait pour mériter ça
et ce que l'opération va te rapporter.
Autant te le dire tout de suite :
des nèfles, financièrement parlant.
Récapitulons.
Lorsque ton éditeur t'a proposé un
contrat, tu as bondi de joie : un contrat à compte d'éditeur,
offert par une boîte bien distribuée, c'était le rêve !
Combien de refus polis et impersonnels n'avais-tu pas reçus avant
cela, avant que cette maison ne reconnaisse ton talent, le potentiel
commercial de ton roman, et ne décide de t'accorder ta chance ?
Aussi, lorsque l'éditeur t'a proposé
un contrat à dix pour cent de droits d'auteur sur le prix hors TVA
des exemplaires vendus, tu as songé que c'était correct, pour un
premier roman. Bien souvent, c'est sept ou huit pour cent, dans ces
conditions. Trop heureux de ta chance, tu n'as sans doute pas négocié
un à-valoir, craignant sans doute – à juste titre – de te faire
rabrouer, toi l'illustre inconnu pétri de talent mais attendant
toujours la reconnaissance de ses mérites.
Le tirage initial de cinq mille
exemplaires te paraissait correct. Tu te disais, en signant le
contrat : « S'il s'en vend seulement la moitié, à
dix-sept euros quatre-vingt-quinze la pièce, ça me fera dans les
quatre mille euros de droits ».
Quand ton roman est enfin sorti – tu
as dû attendre longtemps – et que tu l'as aperçu sur les
étalages, tu t'es dit « Ça y est, je suis un écrivain ».
Humblement, tu as tenté d'obtenir les
chiffres de ventes et, en se faisant beaucoup tirer l'oreille, ton
éditeur t'a enfin annoncé qu'en six mois il s'en était écoulé un
peu plus de quatre cents exemplaires, et tu as reçu dans la foulée
un premier chèque de sept cents euros et quelques. Pas terrible,
mais pour un premier roman, il ne faut pas trop espérer. Et ça
commence seulement, songes-tu.
En réalité, ça finit déjà. Au
cours des semaines et des mois qui suivent, tu te demandes où est
passé ton bouquin, tu t'inquiètes, tu te ronges les sangs au point
que ça entrave le travail d'écriture de ton nouveau roman. À la
fin de l'année, ton éditeur consent de mauvaise grâce à te
fournir d'autres chiffres et un second chèque, moitié moins élevé
que le premier : est-ce bien vrai, cela ? Te
communique-t-il les bons chiffres ? Comment vérifier ?
Le boss en profite pour t'annoncer que,
conformément au contrat que tu as signé, les invendus sont destinés
au pilon. Au pilon, oui. Revendus au poids à fin de recyclage en
papier journal. À moins, bien sûr, que tu ne souhaites, toi auteur,
racheter le stock. Trois mille deux cent vingt-cinq exemplaires, que
l'éditeur te propose d'acquérir à demi-prix ; comme ça, si
tu les revends, ton bénéfice sera important.
Si tu les revends.
En attendant, où vas-tu trouver les
fonds nécessaires à ce rachat ? C'est vingt-cinq à trente
fois le montant de droit d'auteur que tu as touché !
Tu déglutis et tu déclines l'offre.
Tu proposes bien d'en acquérir quelques dizaines, mais l'éditeur
t'annonce que dans ces conditions, il ne peut pas te les revendre à
un prix aussi avantageux que si tu prends tout le stock.
Tant pis ! Tu te dis que tu te
satisferas des quelque six cents bouquins vendus et, peut-être, de
ceux encore en circulation qui trouveront finalement un acquéreur.
Et puis, l'année suivante, alors que
tu viens de terminer ton second roman et de l'envoyer en lecture à
ton éditeur, tu vois plusieurs dizaines d'exemplaires du premier
entassés dans un bac chez Fitrac, ce magasin qui les solde à cinq
euros, et tu songes que tu t'es fait avoir.
Ben oui, parce que là, avec dix pour
cent du prix de vente hors TVA, ça ne te fera même pas cinquante
centimes à l'unité écoulée !
D'ailleurs, courroucé, tu demandes des
explications que ton éditeur te fournit aussi froidement que
poliment, en te recommandant de bien lire les termes du contrat que
tu as signé. Si tu ne touches rien sur les exemplaires mis au pilon,
tu n'en touches pas davantage sur ceux qui sont rachetés à vil prix
par les soldeurs.
Et, déjà, tu regrettes le second
roman que tu as envoyé à ce rapace qui ne l'éditera qu'aux mêmes
conditions que le premier.
♪♫ ♫ Édition, ton univers impitoyable... ♫♫♪♫
encore un coup des NA !
RépondreSupprimerattention cela est prévu dans la plupart des contrats d'édition.
je retrouverai les termes exacts si tu le souhaites.
mais les romans édités chez de "vrais éditeurs" terminent très rarement dans ce genre de braderie, mais plutôt au pilon pour les stocks non vendus.
les braderies sont spécifiques aux éditeurs qui font de la littérature "de supermarché".
Oui, sans en connaître la formulation précise, je sais que c'est un point prévu dans de nombreux contrats. Merci d'avoir confirmé mes dires, Stoni. Et si tu as un exemple avec les termes exacts, je serai ravi d'en prendre connaissance.
Supprimervoilà les termes dans un contrat.
Supprimer"Si l'Ouvrage donne lieu à un marché spécial, telle une vente directe par l'Editeur ou conclu à un taux de remise supérieur à 60 % (soixante pour cent) sur le prix public, la redevance définie en 3-1 sera calculée sur le prix de cession, hors taxes, fixé dans ce marché."
le contrat prévot normalement ce cas de figure mais aussi celui de france loisir, ce genre de trucs.
l'éditeur dispose de tous les droits d'adaptation, de solde, de réédition. d'où l'importance de le choisir correctement. mais pour ça, toi et moi on est bien d'accord...
Merci pour les précisions !
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