mardi 6 août 2019

Des lendemains qui chantent


Cette fois, c'est promis, je vais faire preuve d'optimisme. C'est un état d'esprit qui se faisait rare chez moi depuis un bon bout de temps, ne m'incitant pas à poster sur mon blog. Je me disais « Mir, arrête tes conneries, tes diatribes pas drôles n'intéressent personne. Alors, si c'est pour broyer du noir, fais ça tout seul dans ton coin au lieu d'enquiquiner le bon peuple ».
Et c'est vrai que mes rares bafouilles ne baignaient pas dans un optimisme béat. Témoin le nombre de visites sur mon blog, en chute libre depuis belle lurette. J'avais davantage de lecteurs autrefois, quand mes sarcasmes prenaient pour cible Les Nouveaux Auteurs  ou quand je vous racontais mes déboires avec le PQ et quelques objets qui énervent.

Non, aujourd'hui, changement de cap : je vais être positif. Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement, compte tenu de l'avalanche de bonnes nouvelles auxquelles nous avons droit ces derniers temps ?

Et justement, parlons-en, du temps. Évoquons la météo, les températures caniculaires et notre bonne vieille Terre qui se réchauffe tout doucement quoique de plus en plus vite...

En voilà, une nouvelle qu'elle est bonne ! Moi qui n'aime pas le froid, moi qui supporte deux paires de chaussettes tout l'hiver – pas les mêmes, je vous rassure – et me contente d'une seule l'été pourvu que les températures dépassent les vingt degrés ! Moi qui dors toutes fenêtres fermées, radiateur à fond ! Moi qui n'abandonne mon écharpe de laine qu'aux alentours de la mi-mai pour la récupérer à la mi-août !

Moi, cette planète qui se réchauffe, je vous le dis : c'est une bonne nouvelle. Parce que tant et tant de gens nous bassinent avec l'urgence climatique et les particules fines qu'on en perdrait de vue l'essentiel : pour contrer l'effet de serre, il faut polluer moins. Surtout en brûlant moins d'énergie fossile : charbon, pétrole, gaz et vieux squelettes d'Homo Sapiens. Il paraît que ce qui dégage beaucoup de gaz carbonique, c'est notre chauffage individuel. Il faut chauffer moins, car chauffer moins, c'est polluer moins. Or, cette année, et bien que je sois un grand frileux, j'ai déjà fortement réduit ma consommation d'énergie. Normal : il fait chaud. On bat des records. La chaudière est en veille depuis des semaines. N'est-ce pas merveilleux ?

Autre bonne nouvelle : des maladies des contrées plus chaudes remontent vers le nord. Grâce au réchauffement climatique, le moustique-tigre, vecteur de sombres maux, se répand petit à petit en Europe. Malaria, dengue, chikungunya et autres joyeusetés se pressent à nos portes, prêtes à s'offrir en notre compagnie quelques pintes de bon sang. Quelle bonne idée ! Car déjà, nous sommes trop nombreux. Depuis plusieurs semaines déjà, nous vivons à crédit. Pas parce que nous avons emprunté pour les vacances, la bagnole, la maison et la cuisine Ikea ; mais parce que nous avons déjà consommé en quelques mois tout ce que la Terre peut nous offrir en un an. C'est ce qui s'appelle vivre à crédit : il n'y a plus assez de ressources pour nourrir le Monde, alors on entame déjà des réserves auxquelles nous ne devrions pas toucher.

Donc, les maladies dues au réchauffement viennent à notre secours : grâce à elles, la mortalité va augmenter. Et, comme d'un autre côté, notre fertilité est en régression, nous faisons moins d'enfants. Moins de gens, c'est moins de chauffages individuels, de voitures qui polluent, de viande et de légumes à produire ; donc moins de vaches qui pètent (le méthane est un gaz à effet de serre) et moins d'agriculteurs qui arrosent leurs champs. Et puis, la Terre qui se réchauffe, c'est la banquise qui fond, donc le niveau des océans qui monte. Des îles vont disparaître, des littoraux s'inonder et des côtiers se noyer. Des ours blancs arriveront dans les villes pour dévorer les citadins agonisants...

Le Monde finira donc par se dépeupler non seulement grâce aux maladies, à la famine, au terrorisme, aux guerres et à la vente libre des armes à feu aux States, mais aussi parce que les Chinois ont compris que plus on est de fous moins il y a de riz et qu'il faut limiter la procréation sous peine de n'avoir pas assez de Huawei pour tout le monde.

Comme la médecine progresse et que nous vivons plus vieux, alors qu'il y a de moins en moins de naissances et, par corollaire, de futurs travailleurs qui financeront les caisses de retraite, la misère va s'installer. Des gens sans ressources financières vont se retrouver à la rue. Ils seront malades et la peste, la tuberculose, le choléra se répandront comme jamais. Des révoltes éclateront, puis des guerres qui décimeront la population.

Ainsi, au fil des années, la race humaine sera en déclin, puis finira par disparaître comme avant elle ont disparu d'autres espèces, petites ou grandes, féroces ou paisibles mais toujours concurrentes les unes des autres.

Après ce déluge de paroles rassurantes, une triste nouvelle vient hélas assombrir ce tableau idyllique : la Belgique est toujours sans gouvernement fédéral de plein exercice et, jusqu'à présent, on ne parle pas encore de l'éventualité de retourner aux urnes. Et ça, c'est bien dommage car, si c'était le cas, les extrémistes de droite comme de gauche amélioreraient certainement leur score du mois de mai, rendant ainsi notre Belgique ingouvernable une bonne fois pour toutes. Alors tout pourrait enfin péter définitivement au pays du Compromis et...

... et je m'interromps ici, malheureusement, car l'ambulance est déjà là.

Merci pour votre attention.

vendredi 14 juin 2019

La crise politique belge pour les cancres (8)



Bien du temps est passé depuis que je vous ai entretenu de la crise politique belge ; mais l’Histoire étant un perpétuel recommencement, une mauvaise langue me glisse à l’oreille que nous pourrions être en train d'en écrire un nouveau chapitre.

Pour ceux qui n’ont pas suivi l’actu, qu’elle soit toute récente ou vieille d'une demi-douzaine d'années, rappelons que la Belgique est un pays étrange, composé artificiellement de gens qui ont peu ou prou les mêmes problèmes mais n’ont pas la même approche de la manière de les résoudre.

C’est pourquoi dans le nord (néerlandophone), on vote plutôt « à droite » ; tandis que dans le sud (francophone), c’est traditionnellement « la gauche » qui domine. Ajoutons qu’au milieu de tout cela, il y a Bruxelles (majoritairement francophone mais où votent aussi les néerlandophones) ; et à l’est, près de la frontière allemande, une communauté germanophone active mais incluse dans la partie francophone. Vous suivez ?



Tout cela pour essayer de vous expliquer à quel point ça peut être compliqué, puisque nous avons plusieurs parlements (élus) et gouvernements (coalitions) à composer : il y a le « fédéral » (entendez « national ») et ceux des régions (« wallonne » et « flamande »).

Au fédéral, les Flamands, qui sont plus nombreux (60 % de la population, environ), pourraient former une majorité à eux seuls, mais ce n’est pas permis par notre Constitution : les deux communautés doivent être représentées dans la majorité fédérale. Cela dit, il n’est pas indispensable que la coalition au pouvoir possède la majorité dans les deux communautés (cela s’est déjà produit, et plus précisément avec le gouvernement sortant, minoritaire en francophonie) ; excepté en cas de révision de ladite Constitution, auquel cas le gouvernement doit être majoritaire dans chacune des deux parties du pays et représenter, au total, une majorité des 2/3 des parlementaires. Vous suivez toujours ?



C’est donc en partie pour ces raisons que la formation d’une majorité fédérale peut prendre du temps (le record est à plus de 500 jours) : mettre d’accord des élus de gauche et de droite, qui plus est de langue et de culture différentes, n’est jamais une promenade de santé. Ces dernières années, les gouvernements issus de majorités de centre-gauche ou de centre-droit ont été minoritaires en Flandre pour le premier et en Wallonie pour le second.



Les élections du 26 mai dernier n’ont pas arrangé les choses, puisque la tendance s’est accentuée. Une extrême droite à 20 % en Flandre et une extrême gauche à 10 % en Wallonie. Et comme dès avant le scrutin, plusieurs partis ont lancé des « exclusives » (pas avec l’extrême droite, pas avec l’extrême gauche, pas avec les socialistes francophones, pas avec les nationalistes flamands, c'est impensable avec les écolos, etc.), constituer une majorité va exiger non seulement du temps, mais aussi pas mal d’imagination. Le risque étant la constitution d’une majorité bancale, asymétrique droite-gauche, et dont les constituants auront dû ravaler leurs paroles, promesses et interdits (autrement dit, « oublier » leurs exclusives). Ravaler paroles et promesses, c’est courant dans le milieu, mais cette fois nos politiciens y sont allés fort. Très fort.



Alors, la énième crise politique belge sera-t-elle longue ? Oui.

Allons-nous en sortir ? Peut-être, car nous l’avons toujours fait, en spécialistes mondiaux du compromis (rappelons qu’un compromis, c’est l’art de trouver un accord qui satisfait toutes les parties ou qui les satisfait parce qu’aucune n’est satisfaite).



Mon intuition, toutefois, est que nous retournerons bientôt aux urnes, avec en perspective la menace (selon les uns) ou la promesse (selon les autres) de l’éclatement du pays. Il n’y aura plus d’exclusives. Nos élus pourront alors dire que « c’était la volonté de l’électeur ». Parce que l’électeur a toujours raison. Même quand on le trompe ou qu’il se trompe.




jeudi 4 avril 2019

Le centriste


Non, je ne vais pas vous entretenir de politique. Le centriste en question ne fait pas partie de la race des élus ou de ceux aspirant à l’intégrer, bien qu’avec ces gens on ne sache jamais vraiment à quoi s’en tenir.

Non, le centriste dont je veux vous parler, c’est celui qui, imperturbablement, squatte la bande centrale de nos autoroutes au fil des kilomètres qu’il parcourt. Le plus souvent, ce centriste est respectueux des limites de vitesse, choisissant même de circuler cinq à dix kilomètres/heure en dessous du maximum autorisé.

Si vous roulez – en toute légalité – plus rapidement que lui, vous devrez impérativement le dépasser par la gauche (donc en empruntant la troisième bande de circulation) et non par la droite, manœuvre interdite par le Code de la route sauf en de rares circonstances.

Les deux comportements sont répréhensibles, les autorités viennent de nous le rappeler, et le montant de l’amende infligée aux contrevenants a récemment été doublé.

Apparemment, la hausse du coût des sanctions n’a exercé aucun effet immédiat : les centristes sont toujours aussi nombreux sur nos autoroutes. Il est même certains jours où je me demande s’ils ne sont pas majoritaires. Un comble, car des centristes majoritaires, même en politique, ça se voit rarement !

Ce qui m’interpelle, en réalité, c’est le nombre d’automobilistes qui se plaignent de la situation actuelle. Autour de moi et dans les médias, j’entends des gens rapportant le nombre incroyable de contrevenants qui les agacent quotidiennement et déplorer qu’ils ne soient pas sanctionnés.

Mais sanctionner un centriste, c’est difficile. La limite entre le séjour prolongé en bande centrale et l’enchaînement de dépassements de véhicules plus lents est difficile à cerner. Elle serait même, comme dans beaucoup de cas, soumise à l’arbitraire des agents des Forces de l’Ordre, avec tous les doutes, dérives et abus qu’on peut craindre. En outre, pour apporter la preuve de l’infraction, il faudrait des photos explicites ou, mieux encore, des captures vidéo accablantes. L’exercice n’est sans doute pas des plus aisés.

Si le nombre impressionnant d’automobilistes se plaignant des centristes m’interpelle, la curieuse absence des centristes eux-mêmes dans les conversations m’interpelle davantage ! Je n’ai pas rencontré depuis longtemps quelqu’un avouant squatter régulièrement la bande centrale de l’autoroute au mépris du Code ; et pourtant, les conducteurs se comportant de la sorte existent incontestablement.

Il faut croire que ceux-là sont un peu comme certains piétons adressant des gestes de reproche aux automobilistes qui ne leur cèdent pas la priorité sur les passages protégés ; mais qui se transforment en chauffards mettant en danger les usagers faibles dès qu’ils s’installent au volant de leur bolide.

Les mauvais, c’est les autres, c’est bien connu.

En attendant, une nouvelle race commence à proliférer : le gauchiste. Contrairement à ce qui se passe au plan politique dans la plupart des pays de l'Union, les partisans de la gauche sont désormais en progression. Ne pouvant dépasser par la droite les centristes, la plupart le font par la gauche, mais certains d'entre eux décident désormais de s'installer là, squattant la bande de gauche à une vitesse supérieure de dix à vingt kilomètres/heure au maximum autorisé.

Ces gauchistes sont peut-être des centristes un peu pressés ne supportant plus de rester dans la file des centristes ordinaires...

Finalement, je verrais d’un bon œil le parallèle politique avec les centristes, en appliquant à ces derniers le principe qu’avait un jour lancé Lionel Jospin : « Le Centre, c’est comme le Triangle des Bermudes ; qui s’en approche tend à disparaître ».