mercredi 16 mars 2011

Ces objets qui énervent

Il y a des jours comme ça…

Ce matin-là, je ne me demande pas pourquoi je me lève : c’est le mouvement machinal, presque irréfléchi, prélude à une journée de boulot. En bâillant et en me grattant les aisselles, je balance jusqu’au WC, m’assois sur la planche et soulage ma vessie gonflée. Je pourrais faire ça debout, comme un homme, un vrai, mais les brumes du demi-sommeil m’incitent habituellement à la prudence dans l’évaluation de mes capacités à bien viser la cuvette directement au saut du lit. Et puis, s’asseoir, ça repose déjà les jambes. Faut se ménager !

Direction la salle de bain, un coup de rasoir électrique (c’est moins dangereux qu’une lame, dans ces conditions de dynamisme absolu), puis un petit séjour sous la pomme d’arrosage le temps de maudire l’inventeur du rideau de douche, ce truc infâme qui vient toujours vous coller aux fesses sans prévenir. Pour la énième fois, je me dis qu’il faudrait que je m’offre une vraie cabine, avec une porte vitrée qui ne colle pas au cul… Foutu rideau de douche !

Retour dans la chambre, parce que j’ai oublié de préparer une chemise propre la veille au soir. Je pioche à tâtons dans la penderie à porte coulissante, attrape un cintre, deux autres tombent et un quatrième s’accroche vicieusement sous le col boutonné du vêtement. Comment est-il allé se fourrer là, celui-là ? Je ravale un juron pendant que dans le lit, Chérie grogne et se retourne… Saletés de cintres !

Habillé, peigné, je descends dans la cuisine. D’abord, préparer un peu de café. Trois tasses, c’est le minimum. Je mets l’eau dans la cafetière électrique. Zut ! La dose de la veille est restée dans le porte-filtre. Je l’attrape par le bord pour la jeter dans la poubelle… et crac ! Le papier se déchire avant d’arriver à destination. Je reste comme un con avec un bout de papier entre le pouce et l’index et du marc de café répandu dans la cuisine. Je le sais, pourtant, qu’il ne faut pas prendre le cornet de papier par le bord. Le porte-filtre amovible est conçu pour éviter ce genre de mésaventure. Bref : l’horreur à nettoyer. Quand Chérie va voir ça… Tant mal que bien, je ramasse, nettoie, éponge en espérant que la catastrophe ne laisse pas de traces scandaleuses… Cornichonneries de cornets de papier !

Pendant que passe mon jus, je prépare mes tartines. Six. Une à manger avec mon café, les autres essentiellement pour la matinée. Je sais, je suis goinfre, mais c’est comme ça. Plus d’alu sur le rouleau pour emballer mon pain. Je sais, je devrais acheter une boîte, c'est plus écologique, mais je n'y pense jamais au bon moment. Tant pis. Va pour le film alimentaire. Et pour plusieurs minutes de galère. Ce truc-là, dès qu’on le découpe, il colle sur lui-même avec l’obstination du sparadrap du capitaine Haddock ! Plus moyen de l'étaler. Soit on persiste en emballant comme on peut, avec des plis partout, soit on met à la poubelle et on essaie de faire mieux avec un autre morceau. L’horreur totale ! Il me revient d'avoir essayé de couvrir un plat contenant un peu de salade à mettre au frais ; et là, c'était l'inverse : quand je tirais d'un côté, il se décollait de l'autre. Un jour, nous en avions eu un rouleau plus facile à découper, avec du film plus épais, qui ne se repliait pas sur lui-même. Le problème, c'était qu'il ne collait sur rien du tout. Saloperie de film alimentaire !

Quand j'arrive au bureau, c'est en toussotant et en éternuant. Je dois avoir chopé un refroidissement en faisant le plein de carburant. Mon PC refuse de démarrer du premier coup dans sa configuration normale. J'appelle le service info avant d'avoir envie de cracher sur l'écran. Pendant qu'un spécialiste se penche sur les entrailles de la bête, je fais un peu de rangement. Des trous dans des papiers avant de les fourrer (les papiers, pas les trous) dans des classeurs étiquetés. Le rayon supérieur est haut, mais je suis grand. Sur la pointe des pieds, j'arrive à glisser les doigts dans les trous de préhension. Évidemment, dès que j'enlève un de ces gros objets cartonnés, ses voisins basculent, se vautrent les uns sur les autres comme des lions à l'heure de la sieste. Pour remettre en place, il faut se dresser, pousser, écarter... Le plus pratique est de sortir à demi le classeur à côté de celui qu'on emprunte. Ma méthode. Entretemps, l'informaticien a réglé le problème. Je me sers un café puis m'assois à ma table pour prendre un coup de fil et un peu de repos. Cinq minutes plus tard, je retourne vers le placard. La porte coulissante a été repoussée par un collègue qui avait besoin de quelque chose dans un rayonnage voisin. Classeur dans une main, je repousse la porte, qui roule, coince un peu puis roule de côté. Patatras ! Je me prends sur le crâne le classeur que j'avais à moitié sorti. Une demi-page de mon répertoire de jurons défile devant mes yeux pendant que je serre les dents. « Ça va ? » fait une voix mi-inquiète, mi-moqueuse. « Ouais, ça va », je fais. Putains de classeurs !

L'après-midi, je dois me rendre aux archives : recherche d'informations dans un vieux dossier. Les archives, j'y vais rarement. Et rarement seul. Non que je m'y rende uniquement accompagné d'une collègue pour me livrer à des trucs salaces, comme pourraient le penser les esprits mal tournés, mais parce que ce qui est archivé, pour moi, c'est archivé. Donc peu accessible et, par conséquent, déconseillé d'y fouiner. Mais parfois, il faut. Donc, ce jour-là, j'y vais. Avec le trousseau de clés, parce que les archives, on les enferme sous clé quelquefois que des dossiers compromettants auraient envie de se barrer tout seuls. Et les trousseaux de clés, c'est encore un truc frustrant : quelle que soit la clé que vous essayez en premier, ce sera toujours celle que vous essayerez en dernier qui sera la bonne. D'ailleurs, la preuve, c'est qu'après elle, on n'en essaie plus d'autre.

En rentrant du boulot, je fais un crochet par le supermarché. Chérie avait préparé une petite liste que je suis scrupuleusement, sans rien acheter de plus. Pas question de flâner, j'ai horreur des boutiques d'alimentation. En fin de parcours, alors que je m'approche des caisses, je m'aperçois que j'ai oublié la bouteille d'huile. C'est là tout près. Demi-tour stratégique avec le chariot, j'attrape la bouteille de plastique, en tête de rayon. Et merde ! De l'huile plein les doigts. C'est fatal. Une bouteille a coulé, tous ceux qui la prennent font comme moi : il grognent, la remettent sur la tablette et en prennent une autre. En passant à la caisse et en emballant mes marchandises, je colle du gras un peu partout. De toute façon, à peine dans l'armoire de la cuisine, la bouteille d'huile sera grasse dès la première utilisation. La goutte coulera du goulot vers le fond, maculera la planche et les doigts des utilisateurs. Je hais les bouteilles d'huile !

Quand j'arrive à la maison, Chérie n'est pas encore rentrée de son travail. J'ai mal au crâne, je tousse de plus en plus et je sens que mes sinus vont encore trinquer... Je range les victuailles puis plonge dans l'armoire à pharmacie. Il y a l'aspirine. J'en avale avec un verre d'eau. J'attrape une petite boîte en carton. Le nom me dit quelque chose. Ça doit être pour les sinus. « Lire attentivement la notice. » C'est imprimé sur l'emballage. J'ouvre et déplie le papier. Les sadiques qui conçoivent ça n'imaginent sans doute pas que ceux qui essaient de déchiffrer leur charabia microscopique ont souvent mal au crâne, aux yeux, au dos, aux oreilles, aux dents... enfin, mal quelque part et pas envie de se prendre la tête avec des noms latins et des mises en garde à la noix. Je lis que c'est déconseillé aux femmes enceintes, alors j'avale deux comprimés. J'essaie de replier le papier, mais c'est encore plus abrutissant à refermer qu'une carte routière. En enfonçant la plaquette entamée, la boîte en carton s'ouvre de l'autre côté en laissant dépasser le papier avec le sermon. Je mets tout comme ça dans l'armoire. Tant pis ! Ce soir, avant de me mettre au lit, je boirai une tisane. À toutes fins utiles, je prépare la bouteille de sirop antitussif. Je la sors de la boîte pour vérifier le niveau. Scrogneugneu ! La notice porteuse de la posologie est collée au cul du flacon ; quant au bouchon, j'aurai besoin des dents pour le dévisser. Le caramel qu'ils mélangent à leur mixture pour la rendre buvable colle tout sur son passage. J'exècre la pharmacopée, les bouteilles de sirop et les notices de médicaments !

Quelle journée de merde !

6 commentaires:

  1. Excellent !!!
    ABSOLUMENT D'ACCORD POUR LE FILM TRANSPARANT. Juste une chose à rajouter : il y a des gens surévolués, surhumains, qui arrivent à le manipuler sans problème. Je ne sais pas comment ils font. C'est le cas de mon keum.

    Bon pour la bouteille d'huile je te conseille de la poser sur un petit bout de sopalin, comme ça ça salit pas ton placard...

    Et sinon je voulais savoir si je peux donner des liens vers tes articles sur les Nouveaux Auteurs sur mon blog ?

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  2. Oui, Stoni, pas de problème.
    Et merci pour ton message.

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  3. Hello,
    I would like to thank you for the efforts you have made in writing this article. I am hoping the same best work from you in the future as well.

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  4. @ Elévateur Suisse...

    I'm just hoping you didn't rely on "google translate" to read this article.

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  5. Il est chouette ton article, il me fait marrer.

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    1. Ravi d'avoir pu amuser quelqu'un !
      Ces objets sont effectivement plus rigolos quand on en parle que quand on essaie de les maîtriser.
      Merci pour votre petit mot.

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