vendredi 4 mars 2011

Les Belges sont des gens simples

Dans la série d'articles consacrés à la crise politique belge, j'essayais de vous expliquer simplement pourquoi la Belgique est un pays peuplé de gens simples, sympathiques, bons vivants et pas bagarreurs pour deux sous... gouverné par des gens compliqués, antipathiques, pisse-vinaigre et querelleurs.


Ils ne sont pas tous antipathiques, bien sûr. Ils seraient même tous vachement sympas en période pré-électorale ; eux qui nous expliquent qu'en fait c'est tout simple et qu'un peu de bonne volonté, de sens du compromis et de courage politique pourrait tout résoudre en deux coups de cuiller à pot.

Une fois que les chiffres sont sortis des urnes, nous assistons pourtant aux traditionnelles scènes de triomphe (au siège central de chaque parti), et aux débats chaleureux sur les plateaux de télévision.

Rappel : en Belgique, le mode d'élection est à la proportionnelle. C'est chouette, puisqu'il n'y a que des gagnants.

— Les gagnants qui ont vraiment gagné : le parti qui a le plus gros score, qui n'a jamais fait mieux dans son histoire, etc. On peut dire qu'il est gagnant. Eh bien soyez sûr que quelqu'un fera remarquer qu'il n'a pas réalisé le raz-de-marée que prédisaient les sondages !

— Les gagnants qui n'ont pas vraiment gagné : le parti qui a le plus gros score, mais en perdant des voix par rapport aux précédentes élections ; le parti qui progresse sans atteindre le niveau qu'il a déjà connu ; le parti qui fait un bon score en venant de nulle part.

— Les perdants qui ont gagné : le parti qui reste le plus important malgré une belle dégelée ; le parti qui se maintient ; le parti en baisse qui réalise un bon score dans un coin reculé du pays.

— Les perdants qui n'ont pas perdu : le parti qui perd des voix et une ou plusieurs places dans le rapport de forces, mais qui n'a pas pris la dérouillée que lui prédisaient les sondages.

Après les élections, donc, tout se complique. Ce qui était simple devient compliqué.

Notre pauvre roi Albert II n'en sort plus avec ses négociateurs, préformateurs, informateurs, réformateurs, démineurs, conciliateurs, temporisateurs...

Si vous avez lu les précédents articles intitulés « la crise politique belge pour les cancres », vous aurez compris qu'il n'y a rien à comprendre. Essayer de comprendre, c'est perdre son temps. Je le répète : les Belges sont des gens simples dirigés par des gens compliqués. Et c'est contagieux : dès qu'un Belge accède au pouvoir, sa simplicité s'efface. Il devient embrouilleur professionnel.


Dernière embrouille « à la belge » : le championnat de football de première division. La « ligue pro », comme on dit.

Moi, j'aime les choses simples.

Quand j'étais gamin, le club qui était en tête de classement à la fin de la saison était sacré « champion ». Il accédait aux coupes européennes en compagnie du vainqueur de la coupe nationale et des clubs classés juste derrière lui en championnat. C'était simple.

Quand j'étais gamin, les deux derniers du classement en fin de saison descendaient en deuxième division, et les deux premiers de la seconde division montaient en D1.

Maintenant, on a des « play-off », comme en basket-ball. Les six premiers jouent un minichampionnat avec la moitié de leurs points, les six suivants jouent un autre minichampionnat ; et au bout du compte le dixième classé de la phase régulière pourrait aller en coupe européenne alors que le premier pourrait louper le bon wagon.

Plus simple encore : les derniers ne sont pas derniers tout à fait puisqu'on calcule la moyenne de leurs points sur trois saisons puis on joue au valet puant pour savoir qui commencera les « play-off » de la descente avec trois points d'avance et deux gardiens de but. En fin de compte, celui qui doit descendre ne descend pas et s'il descend quand même les autres clubs lui filent du pognon pour qu'il remonte très vite ; tandis que celui qui monte se démerde pour rester mais n'a aucune chance parce qu'il a moins de pognon à mettre au pot avant qu'on ne batte les cartes et aucune statistique de D1 qui lui est favorable.

Les clubs de D2 ne sont pas contents. Les 80 % des dirigeants des clubs de D1 ne sont pas contents. Les joueurs ne sont pas contents. Les supporters ne sont pas contents. Les arbitres ne sont pas contents. Les journalistes ne sont pas contents. Et même moi je ne suis pas content.

C'est ce qu'on appelle le compromis à la belge : tout le monde tombe d'accord pour signer un truc incompréhensible qui ne contente personne et fâche tout le monde. Comme il n'y a ni gagnant ni perdant, c'est un bon compromis.

Merveilleuse Belgique !

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