vendredi 11 février 2011

La crise politique belge pour les cancres (2)

Chapitre 2 : Des baffes et des magouilles

Alors que nos ancêtres vivotaient bien tranquillement dans leur Gaule Belgique, voilà qu’un mec plein d’ambition, un certain Jules, affirme son intention de venir, de voir et de vaincre. Enfin, vaincre… Il n’y parvient pas facilement, parce que le Belge est teigneux. Boduognat est célèbre pour ses colères lors de ses querelles conjugales ; tandis que rencontrer Ambiorix au coin d’un bois donne la quasi-certitude de s’oublier dans ses braies. Se farcir leur compagnie valait son contenant de cervoise (le pesant de cacahuètes n’existait pas à l’époque) !

Toujours est-il qu’après que ses légionnaires en ont pris plein la poire pour enfin réussir à conquérir toute la Gaule (toute ? toute !) ; ce bon Jules nous montre qu’en plus d’être César, il est gaffeur (bien avant Gaston / Guust). Alors qu’il vient juste de faire son malin en déclarant que de tous les peuples de la Gaule les Belges sont les plus braves, tout le monde tique : c’est qui, les Belges ? Les Ménapiens du nord avec leurs voisins les Bataves ? Les Éburons de l’est et leurs frontaliers les Germains ? Les Aduatiques du sud, leur forêt et leur jambon d’Ardenne ? Les Nerviens de l’ouest qui en ont déjà plein les bottes de leurs voisins celtes et de leurs blagues sur les frites ? Les Morins du nord-ouest qui, vivant près de la mer, ne peuvent être qualifiés de Morins d’eau douce ?

Tous ces gens qui se veulent Belges d’abord et Gaulois ensuite, et qui ont le tempérament légèrement germanique, un peu celte ou vaguement batave (les races et les langues ayant des frontières flexibles), aimeraient savoir quels sont les plus braves d’entre les braves. En outre (d’hydromel), leurs voisins les Celtillons étant loin d’apprécier le fait de passer pour des lopettes, vous imaginez l’ambiance !

Alors qu’on en est encore à discuter sur des queues de cerises, officiellement en latin et en coulisse dans nos différents dialectes, des hordes venues de l’est déferlent sur notre territoire.

Ce sera la seconde invasion germanique (voir chapitre 1 pour la première) et assurément pas la dernière de notre histoire.

Les Francs s’installent et le christianisme continue de s’étendre. Après Clovis, ce sera ce sacré Charlemagne (qui n’a pas inventé l’école, contrairement à ce que relaient certains bruits de cour de récréation), et ensuite nous aurons un fichu capharnaüm parce que les fils-héritiers et les fils-héritiers des fils-héritiers n’arriveront pas à s’entendre quant à la liquidation des droits de succession. Les querelles successives mineront la santé de nombreux Carolingiens, Lotharingiens et Mérovingiens ; au point que certains, comme Charles, en perdront tous leurs cheveux, alors que d’autres, comme Louis, n’arriveront plus à s’exprimer sans bégayer !

S’ensuivra une période médiévale encore plus confuse, avec la naissance de fiefs, de comtés, de duchés ou de principautés tous dirigés par de fieffées canailles, et qui portent les noms de la plupart de nos actuelles provinces (Brabant, Flandre, Limbourg, Hainaut, Namur, Liège, Luxembourg), bien que les frontières en soient quelque peu différentes.

C’est durant cette période que les Flamands (du Comté de Flandre) et les Français (du Royaume de France) se mettent régulièrement sur la gueule, notamment en ce fameux 11 juillet 1302 dont les premiers aiment se souvenir avec tant de fierté qu’ils en ont fait leur jour de fête de la Nation flamande ! Excusez du pneu !

C’est après cette période qu’arrive un des premiers tournants importants de notre histoire. Jusqu’alors, en effet, tous ces étrangers qui voulaient nous piquer les meilleures recettes de moules-frites ou faire main basse sur nos plus grandes cuvées de bière trappiste arrivaient comme des brutes pour se servir sans nous demander notre avis. Comprenant enfin que celui qui vit par les pépées périra par les pépées (depuis le temps qu’on le répète pendant la messe !), les envahisseurs trouvent une autre méthode, si efficace qu’elle fonctionne encore de nos jours : la magouille. Fini de faire déferler des soudards mal embouchés ! Place aux petits arrangements sournois et aux marchés juteux !

Nous héritons donc des Ducs de Bourgogne. Ou, plus précisément, c’est les Ducs qui héritent de nous. On n’en savait rien, nous autres, de ces fameux Ducs. De Bourgogne, on connaissait le pinard et les escargots ; mais les Ducs, on s’en battait les fesses avec la pelle à tarte ! Grave erreur. Mariages, alliances, relations dans l’administration, cartes de parti et pots-de-vin (une spécialité !) ; ces mecs-là nous entubent en douceur et sans vaseline, et on n’a toujours rien à dire.

Mais qui trop embrasse mal étreint ! Un beau jour, Louis XI en a marre d’un certain Charles qui se montre beaucoup trop téméraire en essayant de mettre en place une grosse multinationale avec des ramifications depuis la Bourgogne jusqu’aux Pays-Bas. Faut quand même pas pousser ! Il a déjà la bière, les frites et les meilleures recettes ; il est hors de question qu’il s’acoquine avec les plus gros producteurs de moules et de Gevrey-Chambertin. Donc, le roi de France met le holà ! Il lui dit : « T’arrêtes tes conneries, maintenant, gamin ! Parce qu’à magouilleur, magouilleur ennemi ! » Et c’est bien vrai que ce n’est pas à un chef d’État français qu’on doit enseigner l’art de la magouille.

Les petits Belges, qu’on n’appelle toujours pas comme ça mais qu’on bassine à coups de Pays-Bas de ceci et Pays-Bas de cela (ce qui explique en partie pourquoi on a toujours un œuf à peler avec les Bataves), voient leur destin confié à un tripatouilleur de première : Charles-Quint. Espagnol par son père, Autrichien par Habsbourg, Flamand par hasard, Bourguignon par tradition, Germain par conviction, Batave par le facteur, roi par héritage et empereur par-dessus tout, ce mec règne tous azimuts y compris sur une partie de l’Amérique d’où il nous fait importer l’Aztèque-frites (un plat qui fera date). C’est vous dire si c’est Inca !

Résultat : le jour où notre héros remballe sa panoplie de cow-boy, tout le monde est paumé ! Aucun héritier ne lui arrivant à la cheville, il est alors décidé en haut lieu qu’il vaut mieux partager la succession avant que l’Empire ne parte en eau de boudin. Le frangin se paie la tranche germanique, et le fils nous rebaptise Pays-Bas espagnols. Et une fois de plus sans nous demander notre avis. On ne nous demande jamais notre avis.

S’ensuit une période trouble où les gens recommencent à prendre nos provinces pour un champ de bataille, essentiellement parce que les catholiques échangent (au nom de l’Espagne et du Fils et du Saint-Esprit) des gnons avec les protestants (au nom des Pays-Bas, de Calvin et du Saint-Esprit aussi). Certes, ça les occupe ; mais par la même occasion, ils nous occupent.

Nous deviendrons les Pays-Bas du Sud, et par la magie de papouilles, de croisements et de mariages consanguins, les têtes couronnées nous feront passer des Habsbourg d’Espagne à ceux d’Autriche. Et la Belgique, qui n’est pas encore la Belgique bien qu’elle soit remplie de Belges à qui on ne demande toujours pas leur avis, devient Pays-Bas autrichiens.

Et puis… pif ! paf ! poum ! la France fait sa révolution, Napoléon fait son Empire et, les Autrichiens dehors, on se retrouve Français sans avoir introduit de demande de naturalisation.

Est-il bien nécessaire de rappeler que c’est chez nous (mais pas à cause de nous) que Bonaparte prendra la pâtée ?

C’est à la suite de ces événements que la Belgique sera reconnue, à peu de choses près, sur ses frontières actuelles. Pas pour nous faire plaisir, même si ça nous fait plaisir, mais surtout pour n’offrir à personne la jouissance de notre lopin de terre et la lourde responsabilité de veiller sur la préservation des meilleures recettes de moules-frites et la prospérité de nos brasseries trappistes.

Dans un prochain chapitre, nous verrons comment la Belgique va vivre et survivre et, vous vous en doutez à la lumière de tout ce qui a précédé, vivre ses premières crises politiques belgo-belges au cours desquelles nous inventerons ce que le monde entier nous envie : le compromis à la belge.

2 commentaires:

  1. et les frites, tu ne parles pas des frites...

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  2. M'enfin ! Cinq fois, que j'en parle, des frites ! Mais c'est vrai que j'ai oublié d'écrire le mot en caractères gras. Et pour des frites, ça s'impose, non ?

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