mercredi 2 février 2011

J'avais l'air d'un con

Dans la vie d’un homme, fréquentes sont les occasions d’avoir l’air d’un con et rares sont celles dont on ne profite pas. Souvent, on a juste l’air d’un petit con — ou d’un gros, mais très brièvement — et ça ne porte pas à conséquence. Le genre : « ouf ! j’aurais pu avoir l’air vachement con, mais personne ne m’a vu ! »

Comme la fois où je gare ma voiture dans une petite rue, tout près d’une entrée de garage. Un très bel emplacement qui s’était, par chance, libéré quelques secondes avant mon arrivée.

De retour deux heures plus tard… plus de bagnole ! À un emplacement de stationnement pourtant autorisé. Et gratuit. D’ailleurs, la place est occupée par un autre véhicule. Je me gratte le crâne, prends du recul, cogite : oui, pas de doute, c’est bien là que j’avais garé ma caisse. Immédiatement, dans un cas pareil, on pense à un vol. Le truc super enquiquinant, envisageable dans ces petites rues où les rares passants ont vraiment l’air louche. En attendant, j’ai l’air con, à pendre du recul, tournicoter, piétiner… pour enfin décider que le mieux à faire est de me rendre chez les flics et déposer plainte pour vol.

C’est en me mettant à la recherche du poste de police le plus proche que je passe juste à côté de ma tire, deux rues plus loin. Une petite rue aussi. Le même genre d’emplacement, tout près d’une entrée de garage.

Double soulagement : celui de retrouver mon bien et celui de penser que j’aurais pu avoir l’air vachement plus con si je n’étais pas passé dans cette rue. Déjà que j’aime pas trop les cognes, leur donner une occasion de se foutre de ma poire aurait été un sommet !

Mais comme je l’ai écrit plus haut, les occasions d’avoir l’air d’un con ne manquent pas. En voici une autre…

Je ne sais pas si tous les mecs sont comme moi, mais je ne suis certainement pas le seul au monde à éprouver cette envie de relâcher plusieurs sphincters simultanément. En termes plus triviaux : il m’est difficile de pisser sans péter. Ce n’est pas obligatoire, bien sûr, et il m’arrive de désolidariser les deux actions, mais parfois, la nature est la plus forte…

À l’entracte d’une soirée de théâtre, quand tout le monde ressent le besoin de se soulager, l’envie est souvent là. Pas toujours, mais souvent. Alors, comment relâcher efficacement sans lâcher soudainement ? Serrer les fesses ? Se racler bruyamment la gorge au moment fatidique où la surproduction de méthane exige de s’évacuer ? Les voisins de gauche et de droite s’apercevront-ils de quelque chose ? Ne consentent-ils pas eux aussi, au même moment, les mêmes efforts de retenue ? Faut-il attendre d’être seul ?

Bénéficier de quelques minutes d’isolement permet de laisser libre cours à ses besoins et envies. Et dans ces conditions, je ne me prive généralement pas d’en profiter. C’est sans conséquence, sauf que…

Par un bel après-midi d’automne, je me laisse aller au soulagement. Pas de problème : je suis seul dans les toilettes. Hélas ! Excès d’optimisme ? Relâchement exagéré ? Flatulence précipitée incompatible avec un abus de pruneaux ? Rapidement, j’interromps le jet, serre les fesses et cours m’enfermer dans un des w.-c. pour évaluer l’ampleur des dégâts : inutile d’espérer la récupération du slip. Le fond du pantalon a dégusté, mais un nettoyage rapide au papier cul mouillé dans le réservoir de la chasse permet d’éliminer les taches. Ouf !
Oui, mais…
Fesses nues dans le vêtement, je pivote devant le miroir des toilettes. Le cul du falzar est mouillé. Et non seulement ça se voit (pour les autres), mais ça se sent (pour moi) ! Tant pis ! À la hâte, je regagne le bureau et m’assois sur ma chaise, à laquelle je compte rester vissé jusqu’à la fin de la journée, qui n’est plus très loin. Il me semble qu’aucun de mes collègues n’a remarqué quelque chose, mais je ne peux pas le certifier. Peut-être que des clins d’œil discrets et des sourires complices s’échangent dans mon dos. Une chose est sûre : personne n’ira rechercher mon caleçon dans le fond de la poubelle des lavabos !

Je suis le dernier à mon bureau, ce qui est contraire à mes habitudes et soulève quelques questions de mes collègues accoutumés à me voir bondir vers la sortie à dix-sept heures pétantes (!). Mais ce soir, je ne rentre pas directement chez moi : je vais manger un bout en ville, avant d’assister à un concert de jazz.

— Ah ! Oui ! Tu en avais parlé. Eh ben, bon amusement et à demain, alors…
— Merci. À demain.

Lorsque tout le monde a vidé les lieux, je quitte enfin ma chaise, que je repousse soigneusement sous le bureau. Si la technicienne de surface ne fait pas d’excès de zèle, elle n’y touchera pas pour passer le balai. Sinon… Eh bien ! elle pensera ce qu’elle voudra !

Un dernier passage par les toilettes, au cours duquel je constate que la tache humide semble avoir pris de l’ampleur, et je traverse les couloirs à la hâte, comme si j’étais en retard. Je croise deux employés d’un autre service, leur lance un rapide « bonsoir » et file vers la sortie. Je sens leurs regards surpris s’attarder dans mon dos, mais je ne sais si leur étonnement d’abord dû à ma précipitation s’est focalisé ensuite sur mon fond de pantalon, bien visible malgré ma veste mi-longue.

Dehors, un petit vent frais d’arrière-saison se charge d’accroître mon inconfort. Pourvu que je ne m’enrhume pas ! Je marche rapidement, longeant les murs, cherchant les coins sombres, mais le crépuscule est encore loin. S’ajoute à mon malaise l’embarras de me promener cul nu sous le pantalon. Moi qui suis converti de longue date aux slips en fibres mélangées, doux et élastiques, qui enveloppent bien le service trois-pièces, je découvre tout à coup le malin plaisir que trouve celui-ci à prendre des libertés insoupçonnées ! L’engin tend à se glisser contre ma cuisse, et j’ai l’impression que les gens qui me croisent s’en aperçoivent. Je sais, c’est idiot, mais c’est comme le bouton sur le nez : quand on en a un, les autres ne regardent que ça.

Je m’engouffre dans une station de métro. Le long du quai, quelques sièges. Je ramasse un journal qui traîne, je m’assois et j’attends. J’attends que ça sèche, déjà, mais le plastique reste froid sous mon séant et les courants d’air sont désagréables. J’embarque dans une rame, m’appuie contre la paroi et espère qu’on m’oublie. Pourquoi me regarde-t-on comme ça ? Une petite fille chuchote quelque chose et sa mère lui fait de grands yeux. Fuir, Bon Dieu, fuir ! Courir m’asseoir dans un coin !

J’échoue au buffet de la gare où je sirote une bière, assis près d’une petite table, le journal ouvert en grand. Lorsque je m’installe dans une pizzeria voisine, mon pantalon est presque sec. Et lorsque je retrouve la rue, vers 19 h 30, pour me rendre tranquillement à la salle de concert, la nuit est tombée et je me sens mieux. Seul le regard de l’ouvreuse qui m’indique ma place me semble s’égarer un instant vers le bas. Mais c’est sans doute un effet de mon imagination…

2 commentaires:

  1. Excellent !!!
    Euh non quand je pisse je pète pas en général, t'as pas de chance ! Par contre je pisse pas droit (je sais pas pourquoi), ce qui est assez chiant dans les lieux publics, genre t'arroses tout sauf le fond de la pissotière, chanmé.

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  2. Un vieux mec disait un jour : "Moi avec l'âge, je pisse de plus en plus haut. Avant, c'était sur mes pieds, maintenant c'est sur mes genoux !"
    Vaut mieux à côté, finalement.

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