mercredi 21 mars 2012

Le louloup et le chienchien


Le louloup et le chienchien

Un grand louloup famélique
Parcourait les allées d’un Salon
Et sur les livres, les affiches, les rayons,
Promenait un regard mélancolique.

« Qu’ils doivent être heureux ces chienchiens,
Bien installés derrière leurs tables !
Auprès d’eux j’ai l’air d’un minable »,
Méditait-il, jaloux un brin.

Un peu plus loin il s’immobilise
En face d’un toutou bien portant
Et s’informe d’un ton innocent
Sur la réussite de son entreprise.

« C’est agréable », lui dit le chienchien,
« Regarde donc tous ces bouquins,
Tous ces volumes autour de moi
C’est moi qui les ai conçus et, ma foi,
Chaque jour qui passe me trouve bien aise
Qu’à tant de visiteurs ils plaisent. »

« Mais que fais-tu donc pour ça ? »
« Rien, je ne m’en occupe pas,
C’est Requinquin mon éditeur
Qui prend en charge la promotion,
La vente et la distribution,
Et me reverse mes droits d’auteur. »

« Et tu en touches beaucoup et souvent ? »
S’inquiète le louloup envieux
En salivant un petit peu.
« Requinquin me les paie une fois l’an,
Je lui fais confiance, évidemment,
Car ce serait trop long pour moi
De vouloir contrôler sur le tas
Les chiffres de vente, la promotion,
Puis la quantité finissant au pilon. »

« Et tu n’es pas trop ennuyé
De ne rien pouvoir vérifier ? »
« Bien sûr que non », répond Chienchien,
Mais son ton est moins assuré
Que les mots qu’il a utilisés.
« Tu comprends », explique-t-il encore
« C’est entre nous un arrangement,
Requinquin fait le plus chiant.
Moi je réserve mon énergie
Pour mon talent et mes envies. »

« Et ça occupe tout ton temps ? »
« Tout mon temps libre, c’est évident !
En ce moment je retravaille
Le dernier de mes manuscrits
Que Requinquin m’a retransmis
Pour modifier divers détails
Du scénario, des personnages ;
Et je dois supprimer un passage
Qui déplairait, dit-il, à son lectorat
Et donc au mien, cela va de soi. »

« Comment ça ? » s’étonne le louloup,
« Tu n’es donc pas libre d’écrire
Les choses que ton esprit t’inspire
Et telles qu’elles sonnent bien à ton goût ? »
« Dame ! Je ne contrôle pas tout ! »
Répond l’autre avec la mine contrite
D’un gaillard qui n’a pas la frite.
« Pour réussir dans l’édition,
On exige des compromissions. »

« Des compromis ? Pourquoi pas des diktats ? »
S’écrie Louloup à qui on ne la fait pas.
« Garde donc bien ton éditeur,
Tes échéances et tes droits d’auteur ! »

Et à ces mots prononcés bien fort,
Louloup s’enfuit et court encore.


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