lundi 30 avril 2012

Le couillon de la quinzaine

Une belle quantité d'eau a coulé sous les ponts et, surtout, nous est tombée sur la caboche depuis que je vous ai entretenu de couillons pour la dernière fois.

Comme je l'ai déjà mentionné à plusieurs reprises sur les pages de ce blog, en plus d'être démodé je suis nostalgique ; nostalgique d'une époque pas si lointaine où l'émission « La semaine infernale » était encore diffusée sur la première chaîne de la radio francophone belge et me donnait l'occasion d'apprendre chaque vendredi qui serait l'heureux élu appelé « couillon de la semaine ».

L'émission n'est plus, mais la pépinière de la couillonnerie semblant inépuisable, je m'autorise de temps à autre à prendre le relais.

Pour rappel, un couillon c'est, par définition, un imbécile ; mais par extension le terme peut qualifier également un naïf, un « pigeon » et même un froussard. Qui ne connaît les « couillons de contribuables » ou les « couillons qui refusent de se battre » ?

La Belgique étant un petit pays, j'ai pris pour habitude de m'intéresser aussi à ce qui se passe chez mes voisins du sud-ouest et, compte tenu de ce qui s'y déroule en ce moment, il m'est soudain apparu opportun d'élire non pas un président, ce n'est pas mon rôle, mais un « couillon de la quinzaine ». Mais oui, je veux parler de cette joyeuse quinzaine séparant les deux tours de l'élection présidentielle française et qui nous donne, à nous autres Belges francophones, l'occasion de rigoler de quelqu'un d'autre que nous !

Je le confesse, nous avons fait très fort en politique, l'année dernière, avec nos six mois de crise gouvernementale, mais depuis nous nous sommes quelque peu apaisés, ce qui nous offre tout loisir de regarder ce qui se passe chez les autres.

La France est un grand pays, bien plus grand que la Belgique, mais gageons qu'il est un peu plus facile pour un Belge de comprendre la situation politique française que pour un Français de s'y retrouver dans notre salmigondis trilingue aux coalitions vacillantes !

Alors, moi, j'ai suivi les événements des dernières semaines – et plus particulièrement de la quinzaine en cours, celle qui sépare les deux tours de la présidentielle – et la tentation est devenue grande d'élire, avant que le nom du nouveau grand patron ne sorte des urnes, le couillon de la quinzaine (la France vaut bien une quinzaine).

Initialement, j'avais songé à l'un des deux finalistes et, à tout seigneur tout honneur, à Nicolas Sarkozy ; mais le président sortant me paraît si mal embarqué qu'il serait cruel de ma part de l'accabler davantage. Le degré de souffrance et d'injustice que lui imposent la presse, la gauche, les étrangers, les syndicalistes, les enseignants, les chômeurs... et à peu près tout le monde, c'est déjà bien assez. Je ne vais pas m'y mettre moi aussi. Les sondages ont beau prédire que Sarkozy se fera couillonner sur la ligne d'arrivée, ça ne suffit pas pour le couronner « couillon de la quinzaine ».

Par souci égalitaire et – presque – d'impartialité, je m'abstiendrai d'offrir le titre à son rival François Hollande, bien que la tentation en soit grande. Quoi qu'on en dise, le candidat de la gauche possède toutes les certitudes de se faire couillonner ! S'il n'est pas élu, bien sûr, mais également s'il est vainqueur, parce qu'il se retrouvera devant tout un pays à gérer avec sa dette, ses chômeurs, tous ses mécontents, toutes les rancœurs d'après-campagne et la crise économique pour lui mettre des ronces dans les chevilles !

Oui, François Hollande serait un bon candidat au titre de « couillon de la quinzaine ». Surtout après ce qu'il a dit du football belge ! Saperlipopette ! Ici, ça a fait des remous, du style « de quoi y s'mêle ? » ou « et l'foot français, il est mieux, tête de nœud ? » avec de vilains échos dans les médias. Je vous mets un ou deux liens, au hasard... Enfin, non, pas au hasard. Faut pas parler de hasard quand il est question de foot français et belge, hein ! (Hazard, si Hollande passe, reviens chez nous, tu joueras mieux!)

Cela posé, moi, ça m'a plié de rire, la sortie du candidat du PS. Tout d'abord parce que le football belge, en effet, ce n'est guère brillant ; et donc que Hollande a raison même si ce n'est pas vraiment à lui de le dire ; mais surtout parce j'ai suivi toute l'interview, ce qui n'est assurément pas le cas de tous ceux qui se sont offusqués ! C'était une excellente répartie, cinglante et imparable, adressée à François Lenglet qui le questionnait et avait sorti une... heu... une étude statistique tendant à dire que moins les joueurs de foot payent d'impôts, meilleurs sont leurs résultats (ou l'inverse : plus ils paient d'impôts, pires sont les performances – l'un ou l'autre, c'est complètement tarte, de toute façon).

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, un type qui pose des questions aussi intelligentes à un candidat à la Présidence de la République, je trouve que non seulement ça ne fait pas beaucoup avancer le schmillblick, mais en outre que ça ne contribue pas à relever le niveau des débats ! Rien que pour ça, François Lenglet mériterait le titre de « couillon de la quinzaine » !

Cependant, ce serait faire injustice à quelques-uns de ses confrères vus et entendus à la télévision, comme David Pujadas, pour ne nommer que lui. Si l'objectif principal de l'émission était d'organiser une pétaudière tous les quarts d'heure sur le plateau de France2, sa performance frisait la perfection ! Je sais que la fièvre était assez élevée en ce soir du premier tour, et que faire taire les uns quand parle l'autre n'est pas toujours facile, surtout avec quatre à six personnes à maîtriser, mais pour essayer de se faire respecter par ses invités, Pujadas jouait les couillons de service !

Reconnaissons toutefois que lesdits invités, pour la plupart, ne semblaient avoir qu'une très vague idée de la notion de courtoisie et, de toute manière, aucune envie de s'en soucier. C'est probablement un des effets du mode de scrutin majoritaire à deux tours : on compose rarement avec les rivaux, on ne les ménage pas et, autant que possible, on les traîne dans la fange. En Belgique, l'élection à la proportionnelle rend nos politiciens plus prudents : on « se lâche » forcément un peu moins quand on garde à l'esprit l'idée que l'adversaire d'aujourd'hui peut devenir l'allié de demain.

En fin de compte, je réalise que le « couillon de la quinzaine », c'est probablement l'électeur français. Quand on songe que le futur Président de la République n'aura été choisi, au premier tour, que par moins de trente pour cent des quatre-vingts pour cent de votants, ça fait quand même très peu ! Pour beaucoup, le vote du second tour ne sera qu'un pis-aller ! Un choix qui n'en sera pas vraiment un pour élire, un peu à contrecœur, celui qui leur paraîtra le « moins pire » des deux.

Moi qui si souvent me réjouis qu'en Belgique le vote soit obligatoire, je me dis que si nous devions passer au mode de scrutin majoritaire, cette obligation deviendrait un fardeau bien lourd à porter !

7 commentaires:

  1. ne faisons pas la fine bouche avec le suffrage universel, malgré toutes ses imperfections ;ici le futur président ne sera élu "qu'avec" 30% des voix: certes, mais quand il y a 10 candidats en piste, difficile de faire plus. Et puis, Ludovic, n'oublions pas que nous sommes en démocratie, et que les scores à 90%, il faut aller voir à Cuba, à Pékin ou Pyon Yong (ort???) ou alors retourner dans les paradis soviétiques du XX ème siècle...
    quant à la proportionnelle, ce n'est pas à toi que je vais apprendre ce que cela a produit l'année dernière chez vous; chez nous elle a paralysé et tué la IV ème République...

    RépondreSupprimer
  2. Tu as raison, Paniss, mais il y a un point sur lequel je ne suis pas d'accord avec toi : ce n'est pas un mode de suffrage qui paralyse un régime politique, c'est ce que les élus en font. Si la proportionnelle fonctionne pendant un temps et qu'ensuite elle ne fonctionne plus, ce n'est pas de sa faute à elle.
    Où sont la tolérance, le sens du compromis, le respect des minorités ? Qu'est-ce que cet électoralisme de bas étage qui fait dire à nos élus : "mon programme, tout mon programme sinon rien" ? C'est ce type de diktat qui a retardé de plusieurs mois la formation de notre gouvernement, pas le système proportionnel.
    Quand les gens ne savent plus écouter et faire des compromis, mais ne songent qu'à diviser, attiser les haines et les rancoeurs, la guerre n'est jamais très loin.

    RépondreSupprimer
  3. en France, nous avons une référence de taille: la IV ème République: un système parlementaire en théorie bien équilibré; mais en pratique complètement paralysé par ce que de Gaulle appelait le "système des partis": en effet, puisque la proportionnelle impliquait que le moindre petit parti avait une représentation à l'Assemblée Nationale (AN); comme tu peux imaginer qu'il y avait pléthore de candidats et donc de partis, une majorité ne pouvait se dégager qu'à l'issue de négociations et de palabres qui débouchaient sur la formation de gouvernements, certes majoritaires, mais dépendant pour leur survie de micro partis qui exerçaient un chantage au soutien; sans compter les misérables petits calculs politiciens: un exemple: Pierre Mendès France, une référence, il a mis fin à la guerre d'Indochine et a empêché en Tunisie une guerre qui aurait pu dégénérer comme l'Algérie; sauf qu'une fois ces "problèmes" réglés, il a été renversé par une majorité hétéroclite qui n'a même pas été foutue de gouverner après lui;
    de 46 à 58, la 4ème république a eu 24 gouvenrements, oui 24!!! et dans l'impossibilité de faire quoique ce soit, le meilleur exemple étant l'Algérie. Et pourtant, il ne manquait pas d'hommes de valeur dans la classe politique de cette époque, mais paralysés, empêchés de faire quoique ce soit à cause des institutions.
    certes, compromis, respect des minorités sont essentiels, mais pas au détriment de la gouvernance ; je ne connais pa suffisamment le système belge, mais j'ai remarqué que bien souvent des gouvernements sont tombés parce qu'un petit parti de quelques % de voix retirait son soutien au gouvernement, le plus souvent pour des raisons sans commune mesure avec la gravité de la situation... et je ne parle pas du cas israélien, où le gvt ne doit sa survie qu'à un groupuscule de 2 ou 3 députés..

    RépondreSupprimer
  4. Tous pour Jacques Cheminade !

    RépondreSupprimer
  5. @ Paniss : En Belgique, il y a un seuil en dessous duquel on n'a pas d'élu. Donc la proportionnelle n'est pas totale.
    Le "majoritaire" est plus excitant, au sens où ça crée du suspense comme dans un concours, avec des qualifiés et des éliminés.
    Il n'empêche que je n'aimerais pas avoir à choisir entre deux candidats que je n'aime pas.

    RépondreSupprimer
  6. le scrutin majoritaire donne surtout une majorité pour gouverner...
    il est vrai qu'aucun modes de scrutin n'est parfait: ils sont tous une part de faiblesse; cela aussi dépend du type de régime: ce n'est pas la même chose que d'élire des députés dans un régime présidentielle ou dans un régime parlementaire; par exemple, le régime présidentiel américain pourrait paraitre quasi idéal; sauf que les "pères fondateurs" ont mis en place un système pour empêcher le pouvoir exécutif d'être trop fort ou trop centralisateur: d'où des élections des députés tous les deux ans, ce qui aboutit souvent à envoyer au Congrès une majorité hostile au président élu, d'où les blocages actuels; même si le président avec son droit de véto conserve quelques pouvoirs importants, mias a beaucoup de mal à faire passer ses textes...

    RépondreSupprimer
  7. Oui, c'est intéressant, tout ça. En Belgique, certains demandent pour passer au scrutin majoritaire. Au régional, ce serait faisable, mais pas au fédéral. Avec 60% de Flamands, nous les Wallons deviendrions les supercouillons de l'Europe (non, on ne l'est pas déjà).

    RépondreSupprimer