mardi 26 février 2013

Belgian police academy

Les flics ne sont pas contents et ils le disent, par la voix de leur syndicat.
Quels flics ? Ceux de l'académie de police de Namur, au sein de laquelle sont formés chaque année près de deux cents pandores.

Et s'ils ne sont pas contents et ont d'ailleurs déposé un préavis de grève pour le quinze mars prochain, c'est parce que les conditions dans lesquelles ils opèrent sont loin d'être idéales, pour cause de déglingue généralisée du matériel et des infrastructures mises à leur disposition.
Rien que ça.

Apparemment, les futurs flics et leurs instructeurs seraient un peu contraints de « faire comme si » plutôt que de réellement exercer.

Pour illustrer le problème, tentons une petite scène illustrative :


Le chef : (Dans la radio) Allo, voiture deux... Allo, voiture deux... Vous m'entendez, voiture deux ? Répondez...

La radio : Crrrrrrr....

Le chef : (Qui insiste) Allo, allo, voiture deux... Ici le centre d'opérations... Voiture deux, répondez...

La radio : Crrrrrrschschswouiiiii... crrr...

L'autre chef : Hé, Louis...

Le chef : Quoi ?

L'autre chef : La voiture deux... C'est celle qui roule ?

Le chef : Ben ouais.

L'autre chef : La Peugeot ?

Le chef : Ben ouais.

L'autre chef : Et t'es sûr qu'elle roule ?

Le chef : Ah, ça, c'est sûr. On l'a poussée pour qu'elle prenne, d'ailleurs. Mais elle roule.

L'autre chef : Ah. Et c'est qui, dans la deux ?

Le chef : Qui ? Regarde, là, sur les papiers. Les équipes sont renseignées, en principe.

L'autre chef : C'est toi qui as fait les équipes ?

Le chef : C'est pas toi ?

L'autre chef : Ah, non. Alors, ça doit être Pierrot.

Le chef : Et il a écrit quoi, pour la deux ?

L'autre chef : Heu... Attends, j'essaie de lire... Tcheu ! Qué pattes de mouches ! Pour moi son bic n'allait plus très fort.

Le chef : Si c'est un de ceux qu'on a reçus la dernière fois, ça m'étonne pas. En plus, y a une fissure dans le mur derrière l'armoire au matériel de bureau. Je te dis pas le froid qu'il fait là-dedans. Montre-moi les papiers... (Il lit, difficilement) La deux, c'est Marleux et Dugrumiaux.

L'autre chef : Hein ?

Le chef : Ben ouais. Regarde, là... (Il lui rend les papiers et parle de nouveau à la radio) Allo, voiture deux... Allo, voiture deux... Ici centre d'opérations. Répondez, voiture deux ! (Tout bas) Tiens, c'est con, ça. Une voiture peut pas répondre. Ça cause pas, une voiture. Même française. (Haut, dans la radio) Marleux ! Dugrumiaux... ici centre d'opérations. Répondez !

La radio : Scriouiiiii... crrrrr... tchhhhh...

L'autre chef : Hé, Louis...

Le chef : Ouais ?

L'autre chef : M'étonne pas qu'ils peuvent pas répondre. Ils ont la radio quatorze.

Le chef : La quatorze ? Et alors ?

L'autre chef : C'est une qui fonctionne plus. Depuis hier.

Le chef : Et merde ! Et pourquoi il leur donne une radio qui fonctionne pas, lui, Pierrot ?

L'autre chef : Parce qu'il savait pas qu'elle fonctionnait plus. Il a fait les papelards hier. La quatorze n'allait déjà plus ce matin : batterie fendue.

Le chef : Et t'avais pas de batterie de rechange ?

L'autre chef : Si. Une. Je l'ai mise dans la huit, parce que celle qui était dedans tenait plus la charge.

Le chef : Et elle est où, la huit ?

L'autre chef : Là. C'est toi qui l'as.

Le chef : Et merde ! Et on peut joindre quelqu'un ?

L'autre chef : Heu...

Le chef : Enfin, quoi ! Y a bien une radio qui fonctionne, autre que celle-ci ?

L'autre chef : La cinq, je crois. Et la douze était pas trop mal non plus. La douze est dans la voiture quatre. C'est Pierrot qui a dû prendre la cinq, avec l'équipe d'intervention à pied.

Le chef : J'appelle la voiture quatre. (Dans la radio) Allo, voiture quatre... Allo, voiture quatre... Ici centre d'opérations. Voiture quatre, répondez...

La radio : Scrrrrrr... scrrrtchchchchhhh...

Le chef : (Tout bas) Tudjû ! Tu vas pas m'dire que... (Dans la radio) Allo, allo, voiture quatre... Ici centre d'opérations. Centre d'opérations à voiture quatre... m'entendez-vous ?

La radio : Scrrrrtchchchcrrr... 'atre... scrrrmgngntchch... 'eux sur cinq... tchhhhcrrrrrr...

Le chef : Didjuûû ! Voiture quatre, ici centre d'opérations. Vous m'entendez ? Voiture quatre, répondez !

La radio : Crrrr... 'ations, ici voit... crrrrrtchchch... criouiiiiiiiiitchchch... cloc ! (silence brutal)

Le chef : Ekwè ? Plus rien ? (Il secoue la radio) Allo ? Allo ?

L'autre chef : C'est foutu, Louis.

Le chef : Celle-ci ou l'autre ?

L'autre chef : Celle-ci, sûrement. Mais j'dirais même les deux !

Le chef : Mîyârdedjûû !

L'autre chef : Non, Louis ! Non !

La radio : Blong !

L'autre chef : Merde, Louis ! Pourquoi t'as fait ça ?

Le chef : Désolé ! C'était plus fort que moi....

La radio : Scrrriiiiouîîî....crrrr...

Le chef : Vite ! Ramasse-la ! Elle marche !

L'autre chef : Elle faisait déjà ce bruit-là tout à l'heure, et ça marchait pas.

Le chef : Donne, je te dis !

L'autre chef : Voilà.

(On frappe à la porte)

Le chef : Ouais ! Entrez ! (La porte s'ouvre sur un jeune flic, tout essoufflé) Lefèvre ! Qu'est-ce que vous foutez là ?

Lefèvre : Désolé, chef, je...

Le chef : Vous êtes pas parti avec la quatre, vous ?

Lefèvre : Ben si, chef. Mais on a perdu une roue juste en sortant du parking. Koekelbergh essayait de la remplacer quand on a entendu la radio. Comme ça marchait pas, je suis revenu en courant à la roulotte... heu... au centre d'opérations.

Le chef : Koekelbergh remplace une roue ? Il sait faire ça, lui ?

Lefèvre : Heu... Avec une roue de secours, peut-être, chef. Mais y en a pas.

Le chef : (Scandalisé) Y en a pas ?

L'autre chef : (Plongeant dans les papiers) En effet ! Crevaison mardi dernier.

Le chef : Et c'est pas encore réparé ?

L'autre chef : On attend les emplâtres.

Le chef : Tudjûûû ! Les emplâtres ! J'vais t'en fiche, moi, des emplâtres ! Comme si on n'en avait pas assez dans l'équipe !

L'autre chef : T'énerve pas, Louis. Pense à ta tension.

Le chef : Lefèvre ! Courez rejoindre l'équipe d'intervention à pied. Elle peut pas être loin ! (Plus bas) Ou alors, ça m'étonnerait. (Haut) Et prenez Koekelbergh avec vous.

Lefèvre : OK, chef ! (Il sort)

Le chef : (À l'autre chef) J'en ai ma claque. On rentre prendre une douche avant que la troupe rapplique.

L'autre chef : Comme tu veux, Louis. (Plus bas) J'espère qu'y aura d'l'eau chaude, aujourd'hui...



Voilà. Comme vous pouvez le constater, ce n'est pas drôle, quand on est merdeusement sous-équipé. Et encore, je n'ai pas abordé le problème des éthylotests, pourtant mentionné par le délégué syndical :

« C’est un peu la débrouille. On fait semblant d’avoir une radio en main, d’avoir un éthylotest en main… C’est inadmissible ! On ne peut pas former convenablement des policiers dans des conditions pareilles. »

C'est vrai, ça. Ou alors, ils feront semblant d'arrêter les malfaiteurs.

On n'en est pas arrivés là, heureusement ! Ils les arrêtent encore pour de vrai.
Après, le juge les relâche ; mais là, on ne peut pas incriminer le matériel.

1 commentaire:

  1. Excellent !!!!!

    Et probable, hélas...

    Dans mon boulot, c'est pas trop le matériel qui déconne (enfin, le matériel a quinze ans et est franchement dépassé, mais il fonctionne à peu près...), par contre ce qui est rigolo, ce sont les formations. Dorénavant, les formations sont sur notre temps libre. Sur nos congés, quoi. Donc je vous laisse imaginer le nombre de personnes présentes...

    Alors pour faire en sorte que ça marche mieux, une bonne parade a été proposée : diminuer nos congés... ha ha !

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