mardi 19 mars 2013

Les pièges de l'édition (suite)

Voilà déjà deux ans déjà que je proposais sur mon blog cet article vous entretenant des pièges de l'édition. Le moment me semble venu d'y ajouter un second chapitre, car les questions restent nombreuses dans un monde qui évolue à grande vitesse.

Ami auteur, toi qui cherches un éditeur, tu pourrais être tenté par les propositions alléchantes que te feront certains individus prompts à saisir la moindre occasion de profiter de ta naïveté ou de ton inexpérience.

Dans mon précédent article, je n'avais pas abordé l'aspect « numérique » de l'édition : les formats e-pub et consorts. En effet, il est très à la mode, dans certains milieux, de déclarer péremptoirement que « le livre est mort » ou, plus raisonnablement, que « le téléchargement, c'est l'avenir ». Aujourd'hui, les biens que l'on acquiert sont souvent éphémères : on télécharge, on copie, on échange ; et quand on est lassé, on supprime, on efface, on oublie.

Tout le monde n'a pas envie de stocker des bouquins dans une bibliothèque, dans des cartons, dans une cave ou un grenier dans le but – bien hypothétique – de les relire un jour ou de les céder à quelqu'un d'autre, gracieusement ou non.

Il peut donc être tentant, surtout pour ceux qui désirent vivre avec leur temps, de se contenter d'un fichier numérique acquis à peu de frais et qui sera supprimé après consommation.

Ami auteur, tu trouveras sur Internet des éditeurs qui racolent de « nouveaux talents ». Sache que ces éditeurs ne sont pas sérieux. Un éditeur sérieux ne court pas derrière les auteurs, ce sont les auteurs qui le sollicitent (et qu'il envoie poliment promener dans presque tous les cas). Sur Internet, tu trouveras des « éditeurs » du genre de celui que Stoni appelle « Pourrito ». Si tu ne l'as pas déjà fait, va lire sur son blog cet article intéressant où il t'explique pourquoi certains soi-disant éditeurs sont pourris.

Parmi ceux-là, il en est qui te proposeront de t'éditer sur papier, mais il en est d'autres qui se feront forts de te diffuser sous format numérique. Ton roman téléchargeable sera référencé sur les sites de vente en ligne... et tout le laïus coutumier.

Libre à toi de considérer que le téléchargement, c'est l'avenir, mais laisse-moi t'expliquer pourquoi ces éditeurs-là sont pourris...

Ils vont t'offrir un contrat où tu touches 30, 40, 50 % (!) de droit d'auteur sur le prix de vente de chaque exemplaire téléchargé. C'est vrai qu'un tel pourcentage, comparé aux 10 % que te laissent les éditeurs traditionnels pas trop pingres, ça peut sembler beaucoup ; mais 10 % de 20 € ou 40 % de 5 €, c'est kif-kif bourricot ! Ben oui : imprimer, distribuer, gérer des stocks... ça coûte de l'argent. Les livres « papier » sont donc vendus beaucoup plus cher que les fichiers téléchargeables.

Tu vois déjà, cher auteur, que la différence de prix de vente compense celle du pourcentage de tes droits.

Autre chose que tu comprendras facilement, c'est que pour imprimer ton livre, l'éditeur doit réaliser un fichier numérique tip-top qu'il transmettra à l'imprimeur quand tu auras signé le « bon à tirer » ; tandis que ton éditeur « numérique » se contentera de ton fichier qu'il rectifiera peut-être un peu pour obtenir une présentation correcte avant de le proposer à la vente en téléchargement.

Alors que l'éditeur traditionnel engagera de l'argent, ton éditeur pourri ne dépensera que des broutilles. Pour rentrer dans ses frais d'impression d'un ou deux milliers d'exemplaires, le premier consentira des efforts pour vendre le livre, le mettre en étalage chez les libraires... tandis que le second ne fera rien. Il se contentera d'encaisser 100 % du prix des éventuels téléchargements.

Et comme ça ne lui coûte quasi rien, il s'arrangera pour faire signer un grand nombre de pigeons : comme cela, chaque téléchargement lui rapportera du fric. Et sois sûr qu'il s'abstiendra de t'informer du nombre de ventes réalisées.

Et si par un heureux hasard – probablement parce que tu auras fait de ton côté des efforts pour promouvoir ta prose – ton roman fait « le buzz », ton éditeur pourri se fera un plaisir de te rappeler les termes du contrat que tu as conclu avec lui et par lequel il te dépouille de l'essentiel de tes droits.

Alors, cher auteur, si tu veux vraiment que ton roman soit diffusé sous format numérique, fais-le toi-même. Crée ton blog, parles-en sur les réseaux sociaux, propose en lecture les premiers chapitres et demande qu'on te contacte par MP pour connaître la suite. Même en réclamant un modeste euro contre l'envoi du fichier numérique complet, tu seras encore gagnant par rapport à ce que te rapporterait un éditeur pourri.

6 commentaires:

  1. c'est la lectrice que je t'ai envoyée qui a dû inspirer cet article ô combien sagace, non ?

    100 % d'accord.

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    1. Tout à fait, Stoni.
      Je lui ai donné quelques explications et puis je me suis dit que ça valait la peine d'en faire profiter d'autres, de manière plus générale.

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  2. Bonjour,
    Je reposte ici un commentaire déjà placé sur le blog de Stoni 1983 :
    Auteur à l'origine (photographe), j'ai pris un statut d'éditeur pour faire paraître mon livre. En Bretagne, mon livre est un reportage-essais sur le fest-noz, je n'ai trouvé qu'un éditeur qui était prêt à m'éditer, mais à 25 %, en fait 80 pages sur 320 !
    En prenant le statut d'éditeur en EURL et en surévaluant le potentiel de ventes, j'ai bu un gros bouillon, j'ai quand même vendu 1100 à 1200 livres, mais la photo, ça coute. Depuis, je suis assez fâché avec l'obligation pour un auteur autoédité de prendre un statut de commerçant, c'est ce à quoi un éditeur est assimilé.
    Je retravaille mon livre pour le proposer en ePub et en PDF (il n'a été diffusé qu'en Bretagne, avec la Loire-Atlantique), ainsi que quelques autres projets, seulement je ne souhaite plus retomber dans le commerce. Soit, un éditeur est un commerçant, mais il se protège en multipliant livres et auteurs, ce que ne peut pas faire l'auteur qui s'autoédite, il n'a que son travail. S'il rate, tant pis pour lui, s'il réussit, les impôts lui imposeront un statut d'éditeur !
    J'ai contactais pas mal de monde, des organisations professionnelles entre autres, mais je n'ai pas eu de réponse, chacun semble se satisfaire de la situation actuelle.
    J'ai fait deux articles sur ce sujet publiés sur mon blog (http://cause.jluk.fr), et j'en ai un troisième où je m'occupe des éditeurs aux dents longues, ça défoule, mais ça ne m'avance pas !
    Vous avez des solutions ?

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    1. Bonjour,

      Cela semble logique : à partir du moment où une activité génère des revenus, elle peut être qualifiée d'activité professionnelle, éventuellement à titre complémentaire. En vous auto-éditant, vous devenez votre propre patron, ce qui entraîne certaines obligations.
      La loi peut varier d'un pays à l'autre, mais il me paraît évident qu'une activité ne générant que très peu de revenus voire pas du tout ne devrait pas être qualifiée de "professionnelle". Et j'écris bien "revenus" et non "bénéfices".
      Pour citer un exemple, si vous éditez trois exemplaires et que vous en vendez deux à vingt euros/pièce en gardant le troisième pour vous-même et en dégageant au final un bénéfice de deux euros, je ne pense pas qu'on puisse vous qualifier de "professionnel". Si par contre vous en produisez plusieurs centaines voire milliers, même en buvant le bouillon en fin de course, vous pouvez être qualifié de "professionnel". Question d'échelle.
      C'est juste mon avis, et la seule solution que j'ai à vous proposer, c'est de bien peser le pour et le contre avant de vous lancer dans une entreprise, et ensuite d'assumer les risques que vous prenez.

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  3. Bonjour,

    Cela n'est pas un problème personnel, même si je suis concerné, c'est le problème de tous les autoédités, en France, et ce le sera encore et même surtout avec la popularisation de l'édition numérique, ce qui correspond à votre article ?

    Il ne s'agit pas d'une opposition professionnel-amateur, mais d'une opposition artiste-commerçant, ce qui est un peu différent.
    Des auteurs, quel que soit leur domaine, peuvent engranger d'importants revenus au titre des droits d'auteur tout en conservant leur statut d'artiste. Par exemple, un peintre, un photographe ou un sculpteur peu vendre x reproductions de ses œuvres, dans des limites strictement définies, et ce quelque soit le prix de vente unitaire de ces reproductions ; cela peut atteindre même des sommes considérables, tout en restant artiste.
    Par contre, pour le livre dont la rentabilité n'est pas des plus évidente, un auteur perd son statut d'artiste s'il s'autoédite et que les ventes de son livre décollent un peu. La motivation de ce changement de statut est que l'édition est un commerce, soit, mais peut-on assimiler l'autoédition à un commerce ?
    L'auteur qui s'autoédite le fait parce qu'il a produit une ou plusieurs œuvres et qu'il n'a pas trouvé d'éditeur qui accepte son travail, ce qui ne préjuge pas de la qualité de celui-ci, simplement que cela ne corresponde pas aux éditeurs qu'il a sollicités, ou qu'il refuse les modifications qui lui ont été demandées par un éditeur. Nous sommes donc bien là dans une démarche purement artistique, un auteur crée et ensuite espère que sa création sera acceptée par le public, lui apportera de quoi la financer ou financer les suivantes, voire en tirer quelques bénéfices.
    Par contre, l'auteur ne peut pas, comme un éditeur, amortir les risques en multipliant son offre, il ne peut que multiplier ses œuvres, mais ce sera toujours et uniquement son expression, sa création et cela correspond à un investissement personnel conséquent. L'éditeur lui, et c'est la sa caractéristique, édite, c'est-à-dire qu'il choisit parmi une multitude de propositions d'auteurs et d'œuvres ce qui lui semble porteur de ventes potentielles, une vraie démarche commerciale.

    Jean-LuK

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    1. Je comprends très bien votre propos, Jean-Luc, et je partage même votre avis en ce qui concerne l'auteur : c'est un artiste, un créatif.
      L'éditeur est un commerçant et les pratiques du commerce sont réglementées. En endossant le rôle de l'éditeur, l'auteur ajoute à son statut d'artiste un travail de boutiquier.
      L'auteur édité par la voie traditionnelle, à compte d'éditeur, ne s'occupe pas de la vente. Ce n'est pas lui qui vend : il a cédé ses droits d'exploitation commerciale. Ne lui reste que la propriété intellectuelle de son œuvre, qui peut être rémunérée sous la forme de droit d'auteur.

      La loi ne s'est pas adaptée à l'évolution des technologies et mériterait d'être revue, mais j'ai l'impression qu'il ne faut pas trop y compter.

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