mardi 10 janvier 2012

Les couillons dans l'Histoire (2)

Luis Ocaña

Juillet 1971

Un type fait chier son monde, sauf les Belges en général : Eddy Merckx. Le « cannibale » gagne presque toutes les courses où il s'aligne. Qui pourra donc le battre ?

Cette année-là, au Tour de France, on compte sur un crack, un véritable grimpeur – ce que Merckx n'est pas – qui roule bien contre le chrono et a suffisamment d'envergure pour remporter la grande Boucle : Luis Ocaña. Lui seul semble de taille à faire douter le champion.
Il est Espagnol, mais il habite Mont-de-Marsan. De quoi s'attirer, en plus de la ferveur des Ibères, les faveurs de nombreux supporters français.

En état de grâce lors de l'étape d'Orcières-Merlette, Luis met la raclée à un Eddy défaillant, victime de crampes d'estomac et doutant de tout. Avec huit minutes dans la vue, le Belge comprend que c'est foutu : il court désormais pour la seconde place.

Le lendemain de sa cuisante défaite, le « cannibale » profite d'une étape rapide en descente pour lancer dès le départ une grosse attaque-surprise qui lui permet de se détacher avec un groupe de « battus » de la veille et de reprendre deux minutes à son rival, piégé avec de nombreux autres coureurs. C'est bien, mais insuffisant. D'autant qu'il reste de la montagne, terrain de prédilection de l'Espagnol.

Un chrono permet néanmoins au Belge de grignoter un peu de son retard et, surtout, de redorer son blason, mais il sait qu'il court toujours pour la seconde place.

Voilà les Pyrénées. Dans le col de Mente, alors qu'il fait un temps à ne pas mettre un chien dehors, Eddy attaque au bluff dans la pluie et la grêle. Il est bon descendeur, il n'a rien à perdre. Et Luis commet la couillonnerie la plus monumentale de sa carrière : il essaie de suivre dans la descente, se prend une gamelle et se voit contraint à l'abandon.

Merckx remporte le Tour 1971 et Ocaña le maillot de super loser.

Quel couillon ! Il aurait pu limiter tranquillement les dégâts, mais non : à quoi bon se contenter de vaincre son adversaire, quand existe une possibilité de réussir à l'humilier ?

Luis en sortira tellement marqué qu'il appellera son chien « Merckx ». Le seul Merckx qu'il pourra mettre à ses pieds.


En 2012, les frères Schleck se laisseront-ils encore couillonner ? De mauvaises langues prétendent que tant qu'ils courront dans la même équipe, aucun des deux ne remportera le Tour.


L'avenir nous apprendra s'ils pourront figurer parmi les couillons du vingt et unième siècle.




Dick Rowe

Premier trimestre 1962

Un mec court les maisons de disques, donne des coups de fil, propose des démos. Il est manager.
En janvier, le groupe dont il a pris en mains la destinée est allé enregistrer une démo pour Decca Records.

Chez Decca, on se fait tirer l'oreille. On tergiverse. Puis on finit par répondre que non, ça ne va pas. Tony Meehan, directeur artistique, finit par dire que « c'est trop bluesy » et que « ça ressemble trop à du rock'n'roll, c'est plus dans le coup ».

Chez Decca, en effet, on est persuadé que le rock'n'roll est mort.

D'ailleurs, le boss de Decca, Dick Rowe, sent très bien comment va évoluer l'univers musical : « Les groupes à guitares vont bientôt disparaître », dira-t-il au malheureux manager.

Le manager en question s'appelait Brian Epstein, et le groupe, The Beatles.

Quant au visionnaire Dick Rowe, on peut certainement le ranger parmi les plus gros couillons du vingtième siècle.

mardi 3 janvier 2012

À mes lecteurs et collègues scribouillards

Maintenir un blog est une occupation créative qui peut à la fois entretenir le plaisir d'écrire, d'être lu et de communiquer ; comme générer des moments de perplexité, d'embarras ou de frustration. Perplexité devant certaines réactions ou absence de réaction ; embarras lorsqu'il s'agit de répondre ou, plus prosaïquement, d'écrire la petite bafouille hebdomadaire grâce à laquelle notre petite gazette vit et évolue.

Je tiens à remercier ici tous ceux qui, au cours de la première année d'existence de ce blog, m'ont fait l'honneur de lire mes scribouillages. Je leur adresse à tous, ainsi qu'à toi qui en ce moment parcours ces quelques lignes, mes meilleurs vœux de bonheur, santé et prospérité pour 2012.

Je salue et remercie plus particulièrement tous ceux qui ont eu la gentillesse de laisser un petit commentaire – et même plusieurs – à l'issue de leur lecture. Ça fait toujours plaisir ! Toute ma sympathie, donc, à Stoni, Paniss, Trofimov, Shanky Shanka, Lilly C, Angie, Philippe, Marco... et d'autres encore qui ne se sont pas nécessairement nommés. Merci également pour les liens vers mon petit blog !

De temps à autre, en visitant les statistiques de mes pages, je découvre par quels chemins – parfois détournés – les visiteurs sont parvenus jusqu'à moi. Quel lien ils ont suivi, quelle question ils ont posée dans leur moteur de recherche...

Décembre et janvier sont des périodes de fièvre particulièrement intense pour certains fanas de l'écriture qui, au hasard de leur recherche d'un éditeur, ont visité le site Les Nouveaux Auteurs et décidé de tenter leur chance à l'un de leurs concours annuels.
J'ai publié à ce sujet une série d'articles, fruits de mon expérience personnelle et de témoignages recueillis ici et là auprès d'autres anciens participants, destinés à informer les nouveaux candidats quant à ce qui les attend. Si la question vous intéresse, suivez les liens vers lesdits articles, où vous trouverez de multiples détails quant à ces concours VSD et Femme actuelle et au Comité de Lecture citoyen qui note et critique les manuscrits.

Ces derniers temps, la question qui préoccupe un grand nombre de mes visiteurs est : « en attente de décision ». Les Nouveaux Auteurs ne communiquant que très peu et très mal – probablement par économie de temps et de moyens en personnel – sur leur site aussi bien que par messages personnels (chose logique, s'agissant de concours), les candidats s'interrogent : sont-ils sélectionnés ? Ont-ils leurs chances d'émerger ?

Rappel : après l'envoi par courriel de son roman, le candidat reçoit en retour un accusé de réception l'informant qu'il participe au concours pour lequel il s'est inscrit. En se connectant sur le site Les Nouveaux Auteurs, le manuscrit est noté « en attente de décision ». Ça veut dire : attends des nouvelles et fais pas chier. Si ton roman passe le premier tri, il sera donné en lecture au Comité (si tu es toujours d'accord, bien entendu). En attendant, t'énerve pas. Une fois atteinte la date limite pour les envois, traditionnellement au 30/11 mais reportée à titre exceptionnel et habituel chaque année au 15/12, un premier tri sommaire doit être opéré, au terme duquel certains resteront « en attente de décision » pendant de longs mois. Pour ceux-là, ce sera cuit.

Les autres recevront, courant janvier, un message électronique les informant de leur sélection et leur demandant de confirmer leur participation.
Dans l'attente de ce message, la fièvre monte, les angoisses étreignent, les yeux se fatiguent devant les écrans et les doigts s'agitent sur les claviers. « En attente de décision ». Toujours « en attente de décision ». Saperlipopette !
Mais faut pas s'énerver. Essayer la marche, souvent, ça calme.

Donc, pour le moment, ce « en attente de décision » soulève des interrogations et promène sur la Toile plusieurs centaines d'auteurs amateurs stressés.

Ceux-là, je tiens à les rassurer : c'est pas grave. Les Nouveaux Auteurs, c'est un éditeur et rien qu'un éditeur. Comme bon nombre de ses concurrents, et bien qu'il tente de faire croire le contraire, il méprise les auteurs, est là pour faire du fric et pas du sentiment, se prend pour Dieu le Père et profite d'une situation qui lui est favorable (beaucoup d'appelés, peu d'élus) pour poser ses conditions et balayer d'un méprisant revers de main les objections qui pourraient être formulées.

Rien de neuf sous la pluie.

Dans un mois ou deux, la fièvre montera une nouvelle fois : fin mars, début avril, les lauréats seront choisis, les contrats signés. Les candidats ayant passé le cap de la première sélection auront vu le statut de leur manuscrit passer de « en attente de décision » à « en cours de notation ».

Ce sera une autre question angoissante promenant sur le Web les auteurs stressés : « en cours de notation ». C'est quoi, ça ? Et ça dure longtemps ?

Oui, ça dure longtemps. Jusqu'en mai, facilement. Entretemps, certains auront reçu un courriel ou un coup de fil les priant de signer un contrat sans savoir s'ils ont remporté un prix. C'est la méthode de la maison ; à prendre ou à laisser. Les autres, on ne leur dira rien.

Auteur, ne t'en fais pas !
Tu n'as pas passé le stade du premier tri ? La belle affaire ! Sache qu'ils n'ont même pas lu ton roman. Un passage ici ou là, tout au plus, à l'issue duquel ils t'ont rejeté. Ton manuscrit est-il mauvais ? Trop bon ? Trop court ? Trop long ? Ils ne t'en diront rien, car ils en sont incapables. Et puis, ils s'en foutent.

Auteur, ne t'en fais pas !
Tu restes obstinément « en cours de notation » ? Après proclamation des résultats, tu pourras sans doute découvrir les fiches de lecture et savoir peut-être pourquoi ton manuscrit n'a pas séduit le Comité de Lecture citoyen. Au milieu de l'avalanche de lieux communs, de fautes d'orthographe et d'ânonnements de quidams souvent infoutus d'écrire deux lignes en langage correct mais s'estimant très compétents pour noter ta prose, tu trouveras peut-être une ou deux remarques intéressantes émises par des gens intelligents, constructifs et respectueux de ton boulot.

Si par contre on te propose un contrat, sache que c'est sans doute là que commencent les pires emmerdements.

En attendant la gloire et la fortune qui, c'est sûr, arriveront un jour après tes funérailles, je t'adresse, cher auteur amateur, mes confraternelles salutations ainsi que mes meilleurs vœux de réussite dans ton entreprise.

samedi 24 décembre 2011

Prendre le temps d'écouter


— Salut ! Alors, ça va mieux ?
— J’ai encore un peu mal, mais avec les antibiotiques, je…
— Ne m’en parle pas ! Oh là là ! Moi-même, depuis deux jours blablabla blablabla et patati et patata…



— Dis, p’pa…
— Oui ?
— T’aurais pas le temps de jeter un coup d’œil sur mon travail pour l’école ?
— Et c’est maintenant que tu me demandes ça ? Y a le foot, là, à la télé. C’est pour demain, ton truc ?



— Hou là ! Qu’est-ce qui se passe ? T’as pas l’air dans ton assiette.
— C’est rien, p’pa.
— Ouais, ouais, tu dis que c’est rien, mais moi je vois bien que ça ne va pas. Alors, qu’est-ce qui ne va pas ?
— Mais rien, j’te jure !
— Mais te fâche pas, quoi, c’est pour t’aider… Ah là là ! Si on peut plus poser de questions…



— Bonsoir. Je suis le père de Ludovic.
— Ah ! Je suis content de vous voir. Il n’est pas facile, hein !
— Mais justement, c’est étrange, parce qu’à la maison, il…
— Oh ! Monsieur… À la maison, vous savez… et blablabla et blablabla patati patata et blababli et blablabla…
— Oui, mais…
— Et je ne vous ai pas encore parlé de ce qu’il a fait au cours de ce lundi… et patati et patata et blablabla et blabla blablabla…



Tiens, Chéri, cet après-midi, au boulot, je me suis énervée parce que blablabla blabla blablabla blablabla patati et patata… Heu… Tu m’écoutes, là ?
— Mais oui.
On ne le dirait pas ! Je sais, ça t’intéresse pas, mes tracas professionnels.
Mais si, je t’assure… Mais je suis peut-être un peu fatigué, voilà tout.
T’es toujours fatigué pour m’écouter.



Voilà. Je suis toujours fatigué, ou ce n'est pas le moment, ou je pense que je n'ai pas le temps...
Mais le temps, il faut le prendre.

En 2012, je vais essayer de prendre le temps d’écouter. Et vous ?

En attendant, passez de joyeuses fêtes de fin d'année !