jeudi 24 janvier 2013

L'édito à la con

Parfois, au hasard de mes lectures, je tombe sur des articles intéressants, instructifs, enthousiasmants, intrigants, surprenants, attachants... mais aussi sur des choses moins réjouissantes, comme le tout récent éditorial de Xavier Daffe dans Le Moniteur Automobile du 23 janvier 2013.



Que ce monsieur puisse déplorer un certain marasme, je le comprends sans peine. Qu'il constate par ailleurs la bonne santé financière de certains constructeurs et qu'il se réjouisse que ceux-là soient européens pour la plupart, je n'y vois rien de dramatique.

Qu'il mentionne presque en aparté les autres marques en difficulté et les licenciements massifs qui en découlent, en s'empressant de passer à autre chose, voilà un discours plus difficile à digérer.

Et quand monsieur Daffe indique qu'il s'attend à une volée de bois vert pour avoir osé mettre en page de couverture une Ferrari de 740 chevaux, j'ai plutôt idée qu'il se fourre allègrement le doigt dans l'œil. Comme si c'était la première fois qu'un véhicule de luxe faisait la une de son magazine ! Rien à cirer, moi, de cette photo de bagnole !

Monsieur Daffe, rapporter que le marché du haut de gamme se porte comme un charme, c'est une constatation. En passer les raisons sous silence et, en outre, vous réjouir que ces firmes-là procurent encore de l'emploi (mais pas tellement chez nous), c'est une injure aux milliers de travailleurs qui se sont retrouvés sans boulot en raison de la fermeture des usines Opel à Anvers et Ford à Genk. Votre lectorat français devrait également apprécier cette sortie, la production automobile de l'Hexagone n'étant guère au mieux de sa forme.

Sachez que si les constructeurs de très haut de gamme continuent d'afficher une santé éclatante pendant que leurs concurrents « généralistes » compriment les coûts et licencient à tour de bras, c'est parce que la crise économique ne touche pas tout le monde de la même façon ! Taire la fracture sociale qui s'amplifie n'est qu'une immonde tartufferie.

Le marché du milieu de gamme se contracte, les classes moyennes revoient leurs désirs à la baisse et se tournent vers le low cost, comme en atteste le bon comportement d'une marque comme Dacia. Quant à ceux qui n'ont même plus les moyens d'acquérir le bas de gamme, il leur reste à s'en remettre à des transports en commun tombés en déliquescence par la faute d'une politique du « tout à la bagnole » pratiquée depuis trop longtemps chez nous.

Cela posé, monsieur Daffe, vous pouvez évidemment vous réjouir que des gens pleins de fric qui laissent payer la crise par les autres puissent encore se pavaner dans des berlines premium et des 4x4 suréquipés, mais dispensez-vous d'en faire un éditorial que j'estime insultant envers ceux qui souffrent de la crise économique et n'ont pour seul désir que d'en sortir rapidement. Tous vos lecteurs ne sont pas des rêveurs ou des nantis.

Et abstenez-vous l'hypocrisie de fuir « d'un grand coup de gaz » le marasme ambiant. Tout le monde n'a pas les mêmes moyens que vous. Surtout ceux qui doivent payer la seule voiture dans laquelle ils roulent.

4 commentaires:

  1. J'ai découvert depuis quelque temps la vie sans voiture (et je n'habite pas dans une grande ville avec des tas de tramways partout mais un patelin de 7000 habitants...) et c'est bien. De la perte de fric en moins, de l'essence en moins, de l'entretien en moins, de l'assurance en moins, des tentations en moins... Alors, c'est vrai, c'est aussi moins pratique à certains moments. Et y a des fois où on est contraint de demander de l'aide, de décaler quelque chose qu'on aurait fait instantanément, voire de louer un véhicule... mais globalement ça le fait bien ! Avec beaucoup de marche, pas mal de vélo, un peu de transports en commun...

    Du coup, c'est certainement aussi à cause de moi que de grandes usines ferment ou virent leurs employés. Mais d'une certaine façon, je pense que ces entreprises payent malheureusement en premier lieu l'aspect délirant de l'incitation stupide à la consommation de bagnoles. Payer trente mille balles (euros, je veux dire, bien sûr) un tas de ferraille électroniqué qui en affiche même pas le tiers aussitôt qu'on le vend dans un autre bled... c'est quand même discutable... Encourager à la revente d'un véhicule de deux ans sous prétexte qu'il commence à perdre de la valeur et qu'on va tomber dans les réparations, c'est quand même un peu du foutage de gueule, non ?

    Selon les études que j'ai pu lire récemment, plus on garde longtemps une voiture, moins elle revient cher ; y compris si on l'emmène régulièrement au garage pour de grosses réparations. Après, c'est sûr, il faut être prêt à se faire chier à aller au garage... (ou à faire des réparations soi-même...) Et puis, bien entendu, il y a des exceptions ; je pense que si on explose complètement le moteur, ce doit être compliqué...

    Pour ma part, je me suis toujours moqué d'avoir une super bagnole ; ce que j'attendais d'une voiture, c'était seulement d'avoir un grand coffre, un peu de reprise et un volant. Mais même les gens que je connais qui sont fans de voitures confortables et luxueuses et belles et chères, ils achètent ces bagnoles-là d'occase autant que possible. Parce qu'il n'y a aucune raison de payer cinquante mille balles un truc qu'on peut avoir de façon presque équivalente à vingt mille.

    Mais qui achetait ces voitures neuves ? Pas beaucoup de particuliers ; encore moins maintenant, sans doute... Et surtout des entreprises. Mais qui sont elles-mêmes un peu moins à l'aise aujourd'hui (ou plus dans la merde pour certaines). Donc c'est aussi sur ces postes-là qu'elles rognent.

    C'est la même chose dans pas mal de domaines, je crois. Il paraît qu'un nombre impressionnant d'agences immobilières ont mis la clé sous la porte. Celles qui auraient tenu le coup seraient celles proposant des trucs grand luxe et celles proposant des trucs bon marché. C'est un peu la même chose que pour les voitures, j'ai l'impression.

    La différence, quand même, c'est qu'on fabrique pas les baraques au Bangladesh pour nous les ramener ici après...

    (Mais on devrait peut-être, c'est sans doute un filon à exploiter... Tu connais pas une bonne filière d'importation bangladaise ?)

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    1. Oui, me passer de voiture, j'aimerais bien ; mais ça nécessite un déménagement. Le projet est en cours. Si je pouvais aller bosser à pied, j'en serais ravi : j'aime bien ça et c'est bon pour la santé.
      C'est sûr qu'on a connu des années de folie où on vendait trop de voitures. Certains ménages en ont trois, quatre...
      J'avais fait moi aussi une simulation entre revendre sa voiture après deux ans, quatre ans, huit ans... Ceux qui revendent vite arguent que "la nouvelle leur coûte moins cher" ; mais c'est faux. Elle coûte pareil. Ils paient moins en liquide et plus en ferraille, par rapport à celui qui remet une bagnole de 12 ans, mais c'est le même prix.
      Ce que coûte une voiture, hors réparations, entre le moment où on l'achète et le moment où on la revend, c'est sa décote et les frais de fonctionnement.
      Il faut déjà des réparations colossales en huit ans sur la même tire pour arriver au coût de deux voitures neuves sans réparations à faire, sur la même période.
      Oui, l'immobilier souffre un peu du même phénomène : le très cher se vend bien, preuve qu'il y a encore des gens très riches malgré la crise.

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  2. Faut faire comme avec le whisky, une prime à l'ancienneté :
    Twelve years old fully matured blended car.
    (Vieillie en fût d'huile synthétique.)

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