vendredi 18 mars 2011

Les pièges de l'édition

Toi qui écris, toi qui aimerais être édité, toi qui voudrais avoir un ou plusieurs livres à ton nom, éventuellement devenir riche et célèbre… sache que ta route est parsemée d’embûches. Aujourd’hui, presque tout le monde peut être édité, mais il existe un tas de manières de le faire.

Essayons de les passer en revue.


1.— Édition à compte d’auteur

C’est simple : l’auteur paie les frais. Contre rémunération, un éditeur se charge de mettre en page, corriger, diffuser ton livre. Tu reçois quelques exemplaires gratuits et touches des droits d’auteur sous forme de pourcentage sur le prix des exemplaires vendus. En général, ça coûte très cher et si tu ne cours pas toi-même par tous côtés pour faire ta promotion, ça ne te rapporte rien. L’éditeur, que tu as déjà payé, va rarement se remuer pour t’aider à vendre. Les invendus finiront au pilon. Bien sûr, certains te diront qu'ils connaissent quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un qui a réussi comme ça, mais c'est plutôt l'exception que la règle. Au vu des tarifs pratiqués, songe qu'il te faudra généralement écouler plus d’un millier d’exemplaires pour rentrer dans tes frais. Dur !

2.— Édition à la demande

C’est une autre version de l’édition à compte d’auteur. Le problème est que le système n’est pas très clair, et qu’on y trouve tout et n’importe quoi. Le principe, permis par la technologie numérique, consiste à n’imprimer que les exemplaires commandés. Pas de gaspillage ni de frais inutiles. C'est économique et écologique.

Tu trouves sur la Toile un tas d’éditeurs de ce genre. Ils disent dans leur publicité que tu peux être édité sans frais, grâce à eux. Tu leur fais parvenir ton roman sous format numérique. Ils le lisent (enfin, on suppose) et te remettent un avis généralement favorable en te proposant un contrat. Il faut bien lire tout ce qui est écrit : durée, conditions, frais, rémunération, etc. Ne pas se précipiter pour signer : se renseigner abondamment est beaucoup plus sage.

Tous ces éditeurs à la demande se chargent de l’impression, de l’attribution du numéro ISBN, du dépôt légal et du référencement sur les sites de vente par correspondance, mais c'est toi qui dois faire le travail d'édition (mise en page, corrections...) selon leurs exigences. Tu touches des droits d’auteur, calculés en pourcentage sur le prix des exemplaires vendus. Tu peux bien sûr acheter des exemplaires toi-même avec une ristourne (variable selon les quantités) et dois faire ta propre publicité si tu veux espérer vendre quelque chose. En gros, c'est du « compte d'auteur » sans avance de fonds, ce qui est appréciable. Tu achètes et tu revends à ton rythme. Attention : certains exigent que tu achètes un nombre minimal d’exemplaires, d'autres indiquent que les droits d’auteur ne sont pas payés s’ils n’atteignent pas un montant minimal. C'est bon de le savoir avant de signer.

Ces éditeurs à la demande, qui t'éditent donc plus ou moins gratuitement, offrent aussi des services payants. Cela va de la réalisation d'une couverture personnalisée à des travaux de correction et de mise en page. Si tu optes pour ces services, tu tombes carrément dans la catégorie précédente : édition à compte d'auteur.

Vérifie que ces options sont vraiment des options ! Il ne s'agit pas de t'imposer des corrections payantes sous prétexte que ton manuscrit comporte trop de fautes ou est mal mis en page. Encore une fois, bien lire et prendre son temps avant de signer !

Attention : tu cèdes à ton éditeur les droits d'exploiter ton oeuvre en exclusivité, en ce compris d'éventuelles traductions ou adaptations cinématographiques (on ne sait jamais !). Le contrat doit spécifier pour quelle durée et sous quelles conditions, ainsi que les modalités de résiliation.

3.— Auto-édition

En optant pour l'auto-édition, tu n'es plus seulement auteur mais, comme le terme l'indique, tu es aussi ton propre éditeur. Tu ne cèdes tes droits à personne, tu fais toutes les démarches toi-même : écrire, relire, corriger, mettre en page, trouver un imprimeur, demander le numéro ISBN, faire le dépôt légal, faire ta publicité et vendre. Recettes et bénéfices sont pour toi, mais attention : fiscalement, il s'agit d'une activité professionnelle (complémentaire), qui peut donner lieu à l'obligation de verser des cotisations sociales. Il vaut mieux se renseigner. Des statuts existent, différents dans chaque pays, mais si les quantités et montants mis en jeu sont modestes, les cotisations le sont généralement aussi.

Pour t'auto-éditer, tu peux t'adresser à un imprimeur et lui demander un devis pour un certain nombre d'exemplaires (tu feras la mise en page selon des gabarits à convenir). Ne sois pas effrayé par les démarches administratives pour obtenir l'ISBN et effectuer le dépôt légal. Ces opérations sont relativement simples à mener à bien et peu coûteuses (d'éventuels frais postaux pour l'ISBN et deux exemplaires de ton livre pour le dépôt légal). Le principal inconvénient est l'avance de fonds pour deux ou trois cents bouquins...

Tu peux aussi t'auto-éditer à la demande, chez un « imprimeur à la demande ». Ces imprimeurs fonctionnent à peu près comme les éditeurs à la demande, mais ils ne se chargent que de l'impression. Ils impriment le nombre d'exemplaires dont tu as besoin, au fur et à mesure, pour un prix raisonnable. Tu fixes toi-même ton prix de vente. Tu gardes aussi tous tes droits sur ton oeuvre. À condition de t'accommoder d'un statut fiscal moins confortable (comparé à celui qui touche des droits d'auteur, toi tu as des frais et des recettes et dois gérer une comptabilité – sommaire, certes, mais une comptabilité quand même), cette solution vaut la peine d'être envisagée. Comme dans l'édition à la demande (voir point 2), tu dois te remuer pour vendre, mais tu gardes tes droits, y compris celui de chercher un éditeur à compte d'éditeur.

4.— Édition à compte d'éditeur

C'est la méthode classique. Tu envoies ton manuscrit à un éditeur et, s'il le décide, il peut t'éditer. Il se charge de tout : mise en page, corrections, référencement, publicité, distribution... Toi tu ne paies rien. Tu toucheras des droits d'auteur (en pourcentage sur le prix des exemplaires vendus). C'est ton éditeur qui prend tous les risques financiers. Il te demandera donc certainement de l'aider un peu pour la promotion : présence à certaines foires au livre, séances de dédicaces... C'est normal.

L'inconvénient, c'est que beaucoup d'auteurs veulent être édités comme ça et toucher des milliers d'euros de droit d'auteur sur les livres vendus. Les chances de se voir offrir un contrat sont donc très minces. Il faut être très bon ou avoir des relations... ou une chance du tonnerre.

Enfin, ce n'est pas parce que tu signes ce genre de contrat que tu auras du succès. Il y a des maisons d'édition, petites ou grosses, qui se bougeront beaucoup pour toi ou ne feront pas grand-chose. Tu peux signer dans une « grosse maison » et ne vendre que cinquante bouquins, ou en vendre des milliers par la grâce d'un petit éditeur dynamique qui fait bien la promo.

Pour l'édition « à compte d'éditeur », qui pour être le rêve de beaucoup n'en est pas moins cauchemardesque dans certains cas, je t'invite à visiter le :
Blog de Stoni,
qui fourmille de renseignements utiles, de remarques pertinentes et de mises en garde sans équivoque ; le tout emballé dans un humour de bon aloi. Il te fera partager son expérience, comme dans cette série d'articles sur sa vie d'écrivain. Ici, quelques bons tuyaux ; et ici où il t'explique les critères de sélection chez un éditeur et la suite de l'aventure avec signature de contrat.
Et, plus récemment, cet article sur l'éditeur pourri.

Enfin, pour terminer, je vais aborder une cinquième catégorie...

5.— L'éditeur qui ratisse large

Comme nous venons de le voir, il existe différentes manières de se faire éditer. Il existe aussi des tas d'éditeurs, que l'on peut facilement ranger dans l'une ou l'autre des catégories visées ci-dessus.

Il en est d'autres, par contre, qui naviguent en « eaux troubles » : ceux qui ratissent large.

— Tu trouveras sur Internet un tas d'annonces d'éditeurs « à la recherche de nouveaux talents ». La plupart te laissent supposer qu'ils appartiennent à la catégorie 4 (à compte d'éditeur), mais sont plutôt à verser dans la catégorie 1 (à compte d'auteur). Les Éditions Baudelaire, Les Éditions Bénévent, Publibook et la Société des Écrivains en sont des exemples. Leurs services sont payants et les résultats sont loin d'être garantis. Bien y songer avant de signer.

— Des éditeurs de la catégorie 2 (édition à la demande) auraient tendance à tirer également, même si c'est dans une moindre mesure, vers la catégorie 1 (à compte d'auteur). Soit parce qu'ils exigent que tu achètes un certain nombre de livres ou parce qu'ils ne te versent pas de droits en dessous d'un certain montant ou d'un certain nombre d'exemplaires vendus (ce qui revient au même). Il y a Harmattan, Édilivre, Le Manuscrit...

— Il y a aussi une nouvelle race de ratisseurs : les éditeurs traditionnels qui font aussi de l'édition à la demande. Le principe est : ce livre-ci est bon, je l'édite, je fais la pub. Celui-là est bien aussi, mais je l'édite seulement en petite quantité ou carrément à la demande. Ce sont les nouvelles techniques d'impression numérique qui ont permis d'imprimer à la demande et ont favorisé l'émergence d'un nouveau type d'éditeurs. Des éditeurs traditionnels ont sans doute imaginé pouvoir eux aussi profiter de l'aubaine. La raison en est relativement simple à comprendre : la promotion d'un livre coûte cher, plus cher que son impression. Certains éditeurs en ont déduit qu'ils avaient intérêt à faire signer de nombreux auteurs pour "gonfler" leur catalogue, tout en ne faisant l'effort de promotion que pour une poignée d'entre eux : ils paraissent donc importants par le nombre d'auteurs qu'ils signent, mais leurs ventes se font par quelques auteurs mis en avant ; qui sont soit des noms connus, soit de nouveaux noms qui émergent au travers de concours.

L'exemple : Les Nouveaux Auteurs.
J'ai écrit plusieurs articles à leur sujet. Vous les trouverez ici :
Les Nouveaux Auteurs
Les Nouveaux Auteurs (suite)
Ne manquez pas l'hilarant florilège des Commentaires Citoyens
Et le résumé de leurs méthodes
Voici aussi un complément d'information qui a son importance.

Vous trouverez également ici la suite de cet article.

11 commentaires:

  1. Bonjour
    Merci pour cet article ... mais vous oublier d'évoquer l'édition numérique...
    Pour ma part, j'ai rejoint Acces Livre ... ils lancent un nouveau concept ... www.acceslivre.fr ... j'espère que d'autres auteurs me rejoindront car l'union fait la force et la communication

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  2. Bonjour,

    Visiblement vous avez opté pour "The Book Edition" qui tombe dans votre troisième catégorie. Mais comme le souligne Stoni, de cette manière, les chances d'être lu sont très proches de zéro. Vous confirmez ?

    El

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    1. Le boulot de l'auteur, c'est d'écrire. Le job de l'éditeur, c'est éditer et distribuer pour assurer les ventes.
      Pour moi, il n'y a donc que deux solutions : l'éditeur qui fait son job ou l'auteur qui fait tout. On trouve (principalement sur Internet) des "éditeurs" qui ne font pas leur boulot d'éditeur, même s'ils le laissent croire. Ceux-là laissent l'auteur se démerder pour vendre lui-même ses bouquins et se contentent de toucher les bénéfices. Ils ne prennent aucun risque. Par contre, l'auteur cède ses droits pour des clopinettes. C'est contre ces éditeurs-là que je mets en garde. Et ils sont nombreux.
      N'envoyez pas vos manuscrits à ces "éditeurs" qui prospectent sur le Web. Adressez-vous à des boîtes sérieuses : elles ne racolent pas les auteurs, elles ne cherchent pas de manuscrits. Elles en ont déjà à foison.
      Avec beaucoup beaucoup beaucoup de talent (vous avez beaucoup beaucoup beaucoup de talent), avec beaucoup beaucoup beaucoup de travail et de persévérance (vous travaillez et persévérez beaucoup beaucoup beaucoup), avec beaucoup beaucoup beaucoup de chance (avez-vous beaucoup beaucoup beaucoup de chance ?), vous serez sélectionné et édité par un bon éditeur. Ce qui ne vous assurera pas automatiquement gloire et fortune.
      En vous auto-éditant, vous n'aurez rien de tout ça. Vous aurez votre bouquin à vous et vous ne devrez rien à personne, et les frais que vous engagerez seront à la hauteur de vos ambitions. Il y a des auteurs qui sont très heureux comme ça : en vendant eux-mêmes dix, vingt, cent exemplaires de leur roman. Avantage : le contact direct avec le lecteur, la marge importante sur un petit volume, la maîtrise des droits. Désavantage : il faut se bouger pour vendre.
      À vous de voir où se situent vos ambitions.
      Bonne continuation !

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  3. En fait, votre article est des plus intéressants.
    Il a au moins le mérite de donner une idée très précise sur la jungle de l'édition, qui, visiblement n'a rein à envier au show-bizz.
    Si je suis parfaitement votre idée, l meilleure chose à faire en cas de prétention d'écriture, c'est d'envoyer le maximum de manuscrits au maximum d'éditeurs, grands ou petits, et de lire attentivement les contrats proposés, si des contrats suivent.
    Je serais donc très vigilant à l'avenir, grâce à vous, et je continuerais à espérer comme tous les autres dans mon cas.

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    1. Vous avez tout compris.
      Pour des infos complémentaires, je vous invite à lire ceci :
      http://stoni1983.over-blog.com/article-le-profil-de-l-editeur-pourri-comment-l-eviter-un-dossier-complet-109465869.html

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  4. J'ai fait l'expérience de Bénévent (en liquidation judiciaire depuis ...(y suis-je pour quelque chose ?) Je n'ai rien touché comme droits d'auteur, j'ai dû m'occuper de tout et faire ma propre promotion, contrairement à TOUT CE QUI ETAIT PRECISE DANS LE CONTRAT.
    Je souscrit à 100% à ce qui a été dit sur ce monde de l'édition. Je suis en auto-édition maintenant, prépare mon cinquième roman, et m'en porte très bien. De plus, faire des séances de dédicaces ou participer à des salons est très enrichissant, on a un contact direct avec le public.

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    1. C'est vrai ? Bénévent en liquidation ? Bon débarras, dirons-nous !
      L'auto-édition, ça peut apporter son lot de plaisir, à défaut de gloire et fortune. Mieux vaut cela qu'un pseudo-éditeur, de toute façon.
      Bonne continuation !

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    2. Bonjour, qui as tu choisi pour faire imprimer ton livre? Tu en es content(e)? Tu t'es débrouillé tout seul pour la couv et mise en page ou tu as demandé de l'aide d'un professionnel?

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    3. The Book Edition.
      Tout est expliqué sur leur site.

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  5. Édition Bénévent également. Comme Ludovic, j'ai tout fait et tout payé. Cela fait maintenant 12 ans.Aujourd'hui , je viens de constater que mon ouvrage est en vente sur Amazone!
    Qui a décidé cela, qui va se mettre de l'argent dans les poche ?
    Je m'interroge ...

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    1. Qui, je l'ignore. Mais mon petit doigt me dit que ce ne sera pas vous, malheureusement !

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