Le processus créatif a quelque chose de mystérieux. Tous ceux qui écrivent le savent : s'il existait une recette infaillible apportant l'inspiration, on en userait et abuserait.
Mais quand bien même une telle recette existerait, serait-elle applicable à tout le monde ? Peut-être que chaque scribouillard a besoin d'une recette personnalisée.
Étrangement – ou logiquement – les choses qui m'inspirent sont d'origine si variée que ce que je vous donne à lire peut aussi bien avoir été suscité par la lecture ou l'audition d'un simple mot qu'être le fruit de longues heures de méditation.
Une mésaventure sur le chemin du travail, un pataquès du présentateur des infos à la radio, un fait d'actualité, une conversation entre collègues, une engueulade avec le boss...
Parfois, il suffit de quelques minutes d'inspiration pour que le clavier crépite et que les mots s'enchaînent sur l'écran.
Il m'arrive d'écrire quelques sarcasmes sur l'état des routes du pays, le talent des gestionnaires des sociétés de transport en commun, la maîtrise imparable du français de nos orateurs...
Les frasques d'une poignée de moines peuvent m'inciter à leur offrir une volée de bois vert ; de même qu'un échange verbal un peu nerveux avec Chérie peut m'inspirer quelques considérations sur les joies de la vie conjugale. Sans parler de quelques très chaudes séances agitées – parfois consécutives à l'échange verbal précité – que la nature de ce blog m'interdit de décrire en substance et sur lesquelles donc je m'abstiendrai de m'étendre ici, ce qui ne veut pas dire qu'elles ne m'auront pas inspiré là-bas.
Bizarrement, il arrive que tout un article découle d'un simple titre ou d'une phrase qui sonne bien ; alors qu'en d'autres circonstances, trois ou quatre pages d'écriture dans mon traitement de texte ne m'auront pas encore inspiré le moindre mot d'introduction.
Dans ma série d'articles sur la crise politique belge, j'ai assez souvent évoqué l'art du compromis dont nous avons toujours fait montre, dans mon petit pays. Malgré plus de cinq cents jours de crise politique et institutionnelle, malgré le contexte économique difficile, le chômage galopant, les banques qui jouent avec notre fric et les spéculateurs qui en profitent, le Belge garde son calme. Il reste patient. Il ne cogne pas sur ses voisins, sur ses compatriotes. Il manifeste sans grands débordements, sans violence. Le Belge est patient, optimiste et – il faut bien l'admettre – un peu fataliste.
Mais il sait que le compromis arrivera. Le compromis à la belge. Celui qui nous distingue, fait notre renommée et suscite la perplexité, les grattements de crâne, les soupirs, les yeux au ciel et les tapotements de l'index sur la tempe. Le Belge est simple, mais la Belgique est compliquée. Elle a été rendue si compliquée par la succession de compromis que nous avons faits pour contenter les uns sans fâcher les autres, et vice-versa.
Après plus de cinq cents jours de crise, donc, nos élus sont enfin parvenus à un accord, tant sur le communautaire que sur le budgétaire. Dans quelques jours, moins peut-être, nous aurons notre nouveau gouvernement de plein exercice.
Mais quel est cet accord ? Quel est ce compromis ?
C'est, en réalité, un ensemble de compromis qui fait que ceux qui étaient fâchés sont encore fâchés, mais un peu moins. Que ceux qui étaient contents sont encore contents, mais un peu moins.
À l'issue de ce formidable compromis à la belge, de cet ensemble d'accords qui ont enfin été conclus et qui vont nous sortir de l'embarras, que constatons-nous ?
Il fallait prendre des décisions budgétaires lourdes (plus de onze milliards d'euros à économiser), qui font que Les Flamands sont mécontents, les Wallons sont mécontents, les Bruxellois sont mécontents, les syndicats sont mécontents, les patrons sont mécontents, les travailleurs sont mécontents, les allocataires sociaux sont mécontents...
C'est cela, la magie du compromis à la belge : si tout le monde est mécontent, c'est un bon accord.
J'aimerais bien qu'un jour nos éminences grises accouchent d'un accord où tout le monde serait content. Ça devrait être un bon accord, non ?
Mais je suis peut-être naïf. Ou idéaliste.
Ou optimiste et heureux de vivre.
Ben oui, je suis Belge.
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